- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
André, Maurice, Camille, Flageollet naît le 22 août 1906 à Remiremont (Vosges – 88), chez ses parents, Marie Paul Alfred Flageollet, 27 ans, boisselier, et Maria Tisserand, 23 ans, son épouse, domiciliés au n° 10, place Maxonrupt.
Le 28 octobre 1929 à Paris 10e, son père, âgé de 50 ans, devenu courtier – divorcé – se remarie avec une institutrice du lycée de jeunes filles de Versailles.
Le 26 avril 1930 à Djebel-Kouif, commune mixte de Morsott, département de Constantine (Algérie), André Flageollet (déclaré domicilié à Remiremont) se marie avec Françoise Dimeglio, née le 5 février 1907 dans cette commune, dactylographe, qui a commencé à militer en Algérie. Ils n’auront pas d’enfant.
Revenu à Remiremont (?), André Flageollet milite à la CGT.
Françoise adhère au Parti communiste en 1935 et devient secrétaire d’une cellule. André Flageollet sera membre du comité départemental des Vosges du PCF.
De 1936 à 1939, Françoise est secrétaire du Secours populaire pour le département des Vosges. Au cours de cette période, elle lance de nombreux appels et souscriptions en faveur de l’Espagne républicaine, et s’efforce d’aider les réfugiés espagnols dans le département. Elle siège au comité départemental de Front populaire.
En mai 1938, elle travaille dans une usine d’impression (textile, ou une imprimerie ?) à Épinal.
Désigné comme permanent syndical, André Flageollet dirige le journal de l’Union départementale des Vosges, Les Vosges ouvrières, à partir du 1er mai 1937 ; dans la réalisation de celui-ci, il est assisté par son épouse. Le 2 juin 1939, l’U.D. doit supprimer ce poste de permanent pour des raisons financières (la direction du journal est alors confiée à Roger Mayaux). Cependant, André Flageollet reste désigné comme journaliste.
Au moment de son arrestation, André Flageollet est domicilié au 2, rue de l’Abbé-Friensenhauser à Épinal (88), ayant peut-être trouvé un emploi comme marchand-forain.
Le 21 ou 22 novembre 1940, à Épinal, il est arrêté par la police française pour infraction au décret du 26 novembre 1939 « portant dissolution des organisations communistes ». Le 30 novembre, son épouse est arrêtée pour le même motif ; tous deux sont écroués à la Maison d’arrêt d’Épinal.
Le 17 janvier 1941, le tribunal correctionnel d’Épinal le condamne à un an et un jour de prison. Afin d’y purger sa peine, il est transféré à la Maison centrale de Clairvaux, sous le matricule n° 2368. À l’expiration de celle-ci, il n’est pas libéré (sa dernière lettre de Clairvaux est datée du 13 décembre 1941). Françoise, son épouse subit la même condamnation. Après la prison d’Épinal, elle est transférée à la Maison d’arrêt de Chaumont (Haute-Marne), puis achève sa peine au quartier des femmes de l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).
Entre fin avril et fin juin 1942, André Flageollet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, André Flageollet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45543 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Flageollet est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 2 novembre 1942, il est inscrit comme malade dans la chambre (Stube) n°5 du Revier où il reçoit une ampoule de strychnine (indication médicale à vérifier…). Il s’y trouve encore quatre jours plus tard pour recevoir 12 gouttes d’anisine et 40 gouttes de valériane.
On ignore la date de la mort d’André Flageollet à Birkenau ; très probablement avant la mi-mars 1943.
Le 20 avril 1943, sa mère (ou son épouse ?), « Françoise Flageollet », alors domiciliée au 31, avenue des Gobelins (Paris 13e), écrit directement – dans un allemand lacunaire – à la Croix-Rouge allemande (Deutsche Rote Kreuz – DRK) à Berlin pour demander des nouvelles de son fils, notamment sur sa santé.
Le 28 octobre suivant, le Service central de sécurité du Reich (Gestapo), bureau IV D 4, à Berlin répond au service de l’Étranger de la DRK, par un formulaire sur lequel il suffit de rayer la mention inutile parmi les deux seules disponibles : « À votre demande du 11,9.1943 concernant le ressortissant français André Flageollet, le renseignement suivant est donné : b – Pour des raisons de police d’État, aucun renseignement ne peut être donné sur son lieu de séjour ni sur son état de santé. ».
Fin août 1944, Françoise Dimeglio-Flageollet participe activement à la libération du 13e arrondissement de Paris, devient une dirigeante communiste de l’arrondissement, puis est élue conseillère municipale de Paris en 1945. Elle sera un temps secrétaire d’André Marty.
Le 8 octobre 1945, Albert Flageollet, père d’André, qui habite alors à Versailles, dépose une « demande de nouvelles » au service des recherches de la Croix-Rouge à Paris ; il indique, de manière erronée, que son fils a été « déporté depuis janvier 1942 »…
Le 26 mars 1946, à la demande de Françoise Flageollet, une fiche de renseignement est établie au nom de son mari. La rubrique “Lieux de captivité hors de France” est complétée par « Birkenau ».
Le 21 mai 1948, le secrétaire d’État aux forces armées (guerre) établit un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) au nom d’André Flageollet comme appartenant à l’organisation de résistance Front National et pour services accomplis comptant du « 1940 » au « disparu ». Le grade fictif attribué à l’intéressé par la Commission nationale en vue de la liquidation de ses droits est de « sous-lieutenant ».
Le 16 septembre 1949, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel d’André Flageollet « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (probablement un témoignage erroné) et en fixant la date au 25 septembre 1944, à Auschwitz (Pologne).
Le 30 janvier 1951, Françoise Flageollet – en qualité de conjointe – complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari à titre posthume. À la rubrique V, “Renseignements relatifs à l’arrestation et l’exécution, l’internement ou la déportation”, à propos des “Circonstances”, elle inscrit « Résistance à l’ennemi d’occupation – constitution d’un réseau », se comptant parmi les “personnes impliquées dans la même affaire”, avec Gavie et Noël (?).
Le 19 décembre 1952, depuis Épinal, le préfet des Vosges répond à une demande du Délégué interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre, à Paris 12e, concernant les motifs et circonstances de l’arrestation d’André Flageollet, indiquant, entre autres, « déporté, comme otage, à la suite d’une évasion massive de détenus politiques. M. Flageollet est décédé au camp d’Auschwitz […]. Son épouse, arrêtée et condamnée à la même époque et pour les mêmes motifs, n’est jamais revenue dans mon département. »
Françoise Flageollet étant alors domiciliée au 31, avenue des Gobelins (Paris 13e), sa demande est examinée le 15 mai 1953 par la Commission départementale de la Seine des Déportés et Internés Résistants, qui exprime un avis défavorable à l’octroi du titre sollicité, suivie par la Commission nationale le 15 janvier 1954, puis par le ministère des ACVG qui établi l’acte portant la décision de refus du titre de DR. Le 18 février suivant, l’administration envoie la carte de Déporté politique n° 1101.09359 à Madame Flageollet.
Le 1er mars suivant, celle-ci formule un recours gracieux pour l’annulation de cette décision auprès du ministère, qui le lui refuse.
Le 17 septembre 1954, Françoise Flageollet porte l’affaire devant le Tribunal administratif de Paris. Le 31 juillet 1957, celui-ci annule la décision du ministère des ACVG [1]. Les responsables du bureau des statuts décident finalement de ne pas porter appel de ce jugement devant le Conseil d’État. Le 4 novembre suivant, le ministère établi l’acte portant attribution du titre de Déporté résistant à André Flageollet. En décembre, l’administration envoie la carte DR n° 1101.31027 à Madame Flageollet, alors domiciliée au 14, rue de l’Industrie (Paris 13e).
Le 16 janvier 1958, le Secrétaire d’État aux forces armées (Terre) écrit au bureau des déportés et statuts divers du ministère des ACVG pour lui demander de lui renvoyer le certificat RIF précédemment établi (21 mai 1948), car celui-ci doit être rectifié ainsi : « Isolé du 1er juillet 1940 au 30 avril 1941 – Mouvement ”Front National” du 1er mai 1941 au 25 septembre 1944 ».
Notes :
[1] Transcription des argumentaires du Ministère des ACVG :
Direction du contentieux, de l’état civil et des recherches
Sous-direction de l’état civil et des recherches
Bureaux des fichiers et de l’état civil déportés
Paris, le 23 juillet 1954
139, rue de Bercy, Paris 13e
(Recommandé)
Recours
Madame,
Vous m’avez présenté un recours gracieux contre la décision qui vous a été notifiés le 18 février 1954, vous refusant l’attribution du titre de Déporté Résistant du chef de votre mari, Monsieur Flageollet André, décédé, et celle du titre d’Interné Résistant à vous même.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que cette décision est intervenue conformément à l’avis défavorable exprimé par la Commission Nationale des Déportés et Internés Résistants.
L’article R.286 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, édicte que le titre de Déporté Résistant ou d’Interné Résistant est attribué à la condition expresse que la cause déterminante de la déportation ou de l’internement soit un des actes qualifié de résistance à l’ennemi définis à l’article R.287 dudit code.
Or, il appert d’un document du dossier qu’à l’origine de la détention de Monsieur Flageollet et de la vôtre se trouvent des faits à caractère politique et non résistant.
Il n’a pas paru possible, dans ces conditions, de revenir sur la décision de rejet.
En vous exprimant mes regrets de n’être pas en mesure de donner satisfaction à votre requête, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes respectueux hommages.
Signé : Micallef
Madame Flageollet Françoise, 14 rue de l’Industrie, Paris 13e
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Ministère des anciens combattants
et victimes de la guerre
Paris, le 7 mars 1957
Le Ministre des anciens combattants
et victimes de la guerre
à
Monsieur le Président du Tribunal
administratif de Paris
J’ai l’honneur de vous adresser ma réponse au pourvoi n° 952/54 introduit le 17 septembre 1954 devant le Tribunal administratif de Paris par Madame Flageollet Françoise, 14 rue de l’Industrie à Paris (13e), contre ma décision à elle notifiée le 19 février 1954 rejetant sa demande tendant à l’attribution du titre de Déporté Résistant à son mari, Monsieur Flageollet André, décision maintenue par ma lettre du 23 juillet 1954 répondant au recours gracieux formulé le 1er mars 1954.
Dans sa requête Madame Flageollet réclame l’annulation de la décision de rejet précité en alléguant :
- que Monsieur Flageollet a été arrêté le 22 novembre 1940 et déporté jusqu’au 25 septembre 1944 (sic) ;
- qu’il appartenait à la R.I.F. ;
- qu’il a été arrêté pour actes qualifiés de résistance ;
- qu’il remplit les conditions exigées par les articles L.27 à L.285 et R.286 à R. 386 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.
***
Il convient, tout d’abord, d’indiquer que la matérialité de la déportation de Monsieur Flageollet, décédé à Auschwitz, n’est pas contestée.
Mais la Commission départementale de la Seine et la Commission Nationale des Déportés et Internés Résistants ont exprimé un avis défavorable à l’octroi du titre sollicité dans le cas de l’espèce.
En effet, l’article R.286 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre dispose que le titre de Déporté Résistant est attribué à la condition expresse que la cause déterminante de la déportation ou de l’internement soit un des actes qualifiés de résistance à l’ennemi définis à l’article R.287 dudit code.
Monsieur Flageollet a été arrêté le 22 novembre 1940 à Épinal par la police française.
En page 5 du formulaire de demande, Madame Flageollet a mentionné, sous la rubrique “Renseignements relatifs à l’acte qualifié de résistance à l’ennemi qui a été la cause déterminante de l’exécution, de l’internement ou de la déportation” : « Action contre l’ennemi accomplie en service commandé, formation d’un réseau de résistance armé – Rédaction, impression, transport de tracts, journaux clandestin ».
À l’appui de sa demande, elle a fourni un certificat d’appartenance au mouvement Front National (pièce n° 8).
Mais, par décision n° 11.747/SEFAT/CAB-MIN du 18 mai 1956, la date de début d’activité résistante de ce mouvement a été fixée au 1er mai 1941 par le Ministre de la Défense nationale.
Il en résulte que les faits allégués comme étant à l’origine de la déportation ne répondent pas aux exigences de l’article R.287 du Code des pensions militaires et, notamment, les tracts et journaux dont fait état Madame Flageollet et Monsieur Mugnier (pièce n° 9) ne pouvaient émaner d’un mouvement, d’une formation ou d’un réseau des F.F.C. (Forces françaises combattantes), des F.F.I. (Forces françaises de l’intérieur) ou de la R.I.F. (Résistance intérieure française), comme l’exige l’alinéa a) du 4°/ de l’article R.287.
D’ailleurs, il ressort d’autres pièces du dossier (pièces n° 10 et 11) que Monsieur Flageollet a été interné administrativement (sic) pour infraction au décret du 26 novembre 1939 portant dissolution du parti communiste.
Il a été détenu dans des camps où étaient transférés les personnes internées pour motif politique (re-sic).
Le Parti communiste n’a pas été reconnu par l’autorité militaire compétente, en l’occurence le Ministre de la Défense nationale, comme un mouvement, une formation ou un réseau des F.F.C., des F.F.I. ou de la R.I.F.
L’activité en sa faveur ne peut, par conséquent, pas ouvrir droit à l’attribution du titre d’Interné Résistant ou de Déporté Résistant.
Le Conseil d’État a admis que les intéressés n’étaient pas fondés à soutenir que mes décisions de rejet du titre de Déporté de la Résistance étaient entachées d’excès de pouvoir dans les cas où il ne résulte pas de l’instruction du dossier la preuve, dans les conditions fixées par le Code, que l’acte ayant motivé la déportation ait été un des actes qualifiés de résistance au sens de l’article R.287 (cf. Décisions du Conseil d’État : Billey n° 17.263 du 26 mars 1954 – Achard n° 19.909 du 23 juin 1954 – Vasseur n° 15.686 du 23 juin 1954 – Maillet n° 16.653 du 8 octobre 1954 – Boizot n° 17.134 du 5 novembre 1954 – Belmont n° 17.236 du 5 novembre 1954).
***
En raison des faits de la cause, l’avis de la Commission Nationale des Déportés et Internés Résistants m’ayant semblé parfaitement motivé et juridiquement fondé, je l’ai confirmé par la décision de rejet qui fait l’objet du pourvoi de Madame Flageollet.
Le cas de Monsieur Flageollet ne relève pas du statut des Déportés et Internés Résistants fixé par la loi du 6 août 1948, mais de celui des Déportés et Internés Politiques établi par la loi du 9 septembre 1948.
C’est pourquoi la carte de Déporté politique n° 1101.09359 a été délivrée.
Je ne puis, dans ces conditions, que conclure à ce qu’il plaise au Tribunal Administratif de Paris rejeter la requête qui lui est soumise.
Ci-joint le dossier de l’intéressé.
Signé : Micallef
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Ministère des anciens combattants
et victimes de la guerre
Paris, le 18 juillet 1957
Le Ministre des anciens combattants
et victimes de la guerre
à
Monsieur le Président du Tribunal
administratif de Paris
Vous m’avez adressé le mémoire n° G.952 bis/54 déposé le 9 mai 1957 au Tribunal Administratif de Paris par Madame Flageollet en réplique à mes conclusions relatives au pourvoi qu’elle a introduit contre ma décision refusant le titre de Déporté Résistant à son mari, Monsieur André Flageollet.
Dans ce mémoire, Madame Flageollet invoque le 5e/ de l’article R.287 du Code des pensions militaires. Or, la distribution de tracts n’entre pas dans les actes prévus par ce paragraphe, puisqu’elle est prévue à l’alinéa a) du 4e/ dudit article.
Mais, ainsi qu’il a été dit dans mon mémoire en réponse, les tracts distribués par Monsieur Flageollet ne pouvaient émaner du Front National puisque ce mouvement n’était pas encore créé à l’époque où celui-ci a été arrêté. Lesdits tracts ne répondent donc pas aux exigences de l’alinéa a) de l’article R.287.
Madame Flageollet allègue ensuite que le Conseil d’État a cassé mes décisions de rejet concernant MM. Fernandez et Sabatier. Mais ceux-ci ont été arrêtés respectivement le 18 septembre 1941 et le 28 août 1942, c’est-à-dire à une époque où le Front National existait. Le cas de Monsieur Flageollet ne peut donc être rapproché du leur.
Dans ces conditions, je ne puis que maintenir mes précédentes conclusion sur cette affaire.
Signé : Micallef
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N° de l’enregistrement au greffe 952bis de 1954
Anciens combattants et victimes de guerre
Demande d’attribution du titre de déporté résistant
NOMS DES PARTIES
La Dame Veuve Flageollet
C/
Le Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre
ANNULATION
Séance du 31 juillet 1957.
Au nom du peuple français,
Le Tribunal administratif de Paris,
VU la requête présentée par la Dame Veuve Flageollet, demeurant à Paris 13e, 14 rue de l’Industrie, ladite requête enregistrée au greffe le 17 septembre 1954 et tendant à ce qu’il plaise au Tribunal annuler, avec toutes conséquences de droit, la décision du Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre, en date du 23 juillet 1954, portant rejet de la demande qu’elle avait adressée afin que le titre de déporté résistant soit attribué à son conjoint, décédé ; ce faisant attendu que celui-ci a été arrêté, puis déporté à raison de sa participation effective à la Résistance Française et que l’autorité militaire a homologué ses services ; qu’il réunit, dès lors, les trois conditions exigées par la loi du 6 août 1948 pour l’attribution du titre de déporté résistant ;
Ensemble : 1 pièce ;
VU les mémoires présentés par Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre, lesdits mémoires enregistrés au greffe les 12 mars 1957 et 22 juillet 1957 et tendant à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter la requête susvisée ; ce faisant, attendu que le sieur Flageollet a été arrêté en vertu du décret du 26 septembre 1939 ; lequel réprimait des activités sans rapport avec la résistance à l’occupant ; qu’ainsi, l’une des conditions exigées par le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre lui fait défaut ; qu’en conséquence, son cas ne relève pas de la loi du 6 août 1948, fixant le statut des déportés et internés résistants, mais celle du 9 septembre 1948, qui établit le statut des déportés et internés politiques ;
Ensemble : 1 dossier ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU les notes du Greffe constatant la communication aux parties des requête, mémoire et pièces susvisés ;
VU la loi du 28 pluviôse, an VIII, article 4 ;
VU la loi du 22 juillet 1889, modifiée par le décret du 26 septembre 1926, pris en exécution de la loi du 3 août 1926 ;
VU le décret du 30 septembre 1953 et les décrets portant Règlement d’administration publique des 28 novembre 1953 et 29 janvier 1957 ;
VU la loi du 7 juin 1956 ;
VU la loi du 4 août 1956, articles 43 à 48 ;
VU le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ;
OUI, à l’audience du 24 juillet 1954, M. Bouffard, Conseiller, en son rapport ;
Maître Mirande-Laval, avocat à la Cour d’Appel, représentant la Dame Veuve Flageollet en ses observations orales ;
Et M. Soulier, Commissaire du Gouvernement, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que l’article R.286 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre attribue le titre de déporté résistant ou d’interné résistant à des personnes qui, ayant été arrêtés, ont ensuit fait l’objet d’une exécution, d’une déportation ou d’un internement, à la condition expresse que la cause déterminante de l’exécution, de la déportation ou de l’internement soit un des actes qualifiés de résistance à l’ennemi définis à l’article 287 dudit code ; – que, d’après les articles R.321 et R.322 du même code, les modes normaux de preuve du lien de cause à effet entre cet acte et la déportation et l’internement sont, soit une attestation circonstanciée, émanant du liquidateur responsable du réseau, de la formation ou du mouvement, soit au moins deux témoignages circonstanciés établis par des personnes notoirement connues pour leur activité dans la résistance, soit, enfin, des témoignages circonstanciés établis par les personnes ayant assisté à l’acte de résistance qui a motivé l’arrestation ; – que l’existence de ce lien, qui est présumée si l’arrestation, immédiatement suivie d’internement ou de déportation, a eu lieu lors de l’accomplissement de l’acte de résistance, peut également être établie par des documents offrant des garanties au moins égales à celles exigées des attestations et témoignages susmentionnés ; que la valeur probante de tous les documents produits doit être appréciée par le Ministre des Anciens combattants, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, eu égard aux informations contenues dans les diverses pièces du dossier ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le sieur Flageollet a fait l’objet d’une mesure de déportation ; qu’une décision de l’autorité militaire compétente a homologué ses services dans la Résistance Intérieure Française, et spécialement au sein du “Front National” que, si la date officielle de la création de ce mouvement est le 1er mai 1941, alors que le sieur Flageollet a été arrêté dès le 22 septembre 1940, il ressort, tant de l’homologation susvisée, que de l’attestation circonstanciée délivrée par le liquidateur national du Front National, que l’intéressé avait participé activement à la formation de ce mouvement avant son arrestation ; que la circonstance alléguée par le Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre que cette arrestation a été effectué par la police française, au titre du décret-loi du 26 septembre 1939, n’est pas de nature, par elle-même, dans les circonstances où elle est intervenue, à permettre de considérer que ladite arrestation n’a pas été en réalité effectivement déterminée par l’acte de résistance que le sieur Flageollet déployait alors ; qu’il ressort, au contraire, des pièces du dossier, et notamment de l’attestation susvisée du liquidateur national du Front National, que la relation de cause à effet exigée par l’article R.286 du Code des pensions militaires entre cette activité et la déportation dont a été l’objet le sieur Flageollet doit être regardée, en l’espèce, comme établie ; – que, dès lors, la dame Flageollet est fondée à soutenir que les décisions en date des 30 janvier 1954 et 23 juillet 1954, par lesquelles le Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre a rejeté sa demande tendant à l’attribution au sieur Flageollet de la qualité de déporté résistant sont entachées d’excès de pouvoir ;
DÉCIDE :
Article 1 – Les décisions susvisées du Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre, en date des 30 janvier 1954 et 23 juillet 1954, refusant d’attribuer au sieur Flageollet le titre de déporté résistant, sont annulées.
Article 2 – Les frais de timbre exposés par la requérante lui seront remboursés par l’État.
Article 3 – Expédition du précédent jugement sera transmise aux Préfet de ma Seine et au Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre.
Délibéré dans la séance du 24 juillet 1957 où étaient présents :
M. Vitalis, Président ;
M. Bouffard, Conseiller-rapporteur ;
M. Husson, Président de la section ;
Melle Laine, M. de Malafosse, Conseillers ;
Lu en séance publique le 31 juillet 1957.
Le Président, Vitalis
Le Rapporteur, Bouffard,
Le Commis-greffier, Thieyre
La République mande et ordonne au Préfet de la Seine et au Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre en ce qui les concerne et à tous les huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme délivrée à l’administration
Le Secrétaire-greffier-intérimaire du Tribunal administratif de Paris
Signé : illisible
Cachet du Tribunal administratif de Paris
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Direction des statuts et des services médicaux
Sous-direction des statuts de combattants et victimes de guerre
Bureau des déportés et statuts divers
Recours
Paris, le 18 septembre 1957
139, rue de Bercy (Paris 13e)
NOTE
Pour Monsieur le Directeur des statuts et des services médicaux
J’ai l’honneur de vous exposer que le Tribunal administratif de Paris a rendu, le 31 juillet 1957, deux jugements annulant les décisions ministérielles de rejet des demandes formulées en vue de l’attribution du titre de Déporté Résistant à Monsieur Flageollet et d’Interné Résistant à Madame Flageolet.
Les intéressés ont été arrêtés en novembre 1940 à Épinal par la police française et jugés en janvier 1941 par un tribunal français, Monsieur Flageollet a été interné à Épinal, Clairvaux et Compiègne, puis déporté à Auschwitz, et Madame Flageollet internée à Épinal, Chaumont et Fresnes.
Leurs dossiers constitués par :
- un certificat d’appartenance au Front National (service comptant à dater de 1940) ;
- une attestation de Monsieur Mugnier, selon laquelle ils ont été “arrêtés” pour rédaction, impression et distribution de journaux et tracts clandestins.
Mais, des renseignements recueillis par voie d’enquête administrative, il ressort que l’internement de Madame Flageollet et la déportation de Monsieur Flageollet ont été motivés par leur activité politique.
Le Tribunal administratif de Paris a fait droit au pourvoi de Madame Flageollet, considérant :
- « que si la date officielle de création du mouvement Front National est le 1er mai 1941, alors que l’intéressée a été arrêtée le 30 novembre 1940, il ressort, tant de l’homologation au titre de ce mouvement que l’attestation circonstanciée du liquidateur, qu’elle avait participé activement à la formation dudit mouvement avant son arrestation ;
- que la circonstance, alléguée par le Ministre des Anciens combattants et victimes de la guerre, que cette arrestation a été effectuée par la police française, au titre du décret-loi du 26 septembre 1939, n’est pas de nature, par elle-même, dans les circonstances où elle est intervenue, à permettre de considérer que ladite arrestation n’a pas été en réalité effectivement déterminée par l’acte de résistance que la requérante déployait alors ;
- qu’il ressort, au contraire, des pièces du dossier, et notamment de l’attestation susvisée du liquidateur national du Front National, que la relation de cause à effet doit être regardée comme établie.
Le jugement concernant Monsieur Flageollet est pareillement motivé.
Or, par décision n° 11.747/SEFAT/CAB-Min du 18 mai 1956, la date de début d’activité rdu Front National a été fixée au 1er mai 1941, comme nous en avons été informés par le Ministre de la Défense nationale le 12 juillet 1956
Les intéressés ayant été appréhendés en novembre 1940, les tracts que, selon Monsieur Mugnier, ils distribuaient ne remplissent pas les conditions de l’alinéa a) du 4°/ de l’article R.287 qui exige qu’ils émanent d’un mouvement, d’une formation ou d’un réseau des F.F.C., des F.F.I. ou de la R.I.F.
Ce texte ne prévoit pas que ces documents peuvent provenir d’un mouvement en formation.
Au surplus, il existe un faisceau de faits qui permettent de conclure que les allemands n’étaient p as au courant de l’activité résistante de Monsieur et Madame Flageollet.
Ils ont été arrêtés par la police française, jugés par un tribunal français (au demeurant, Madame Flageollet n’a pas été déportée ; arrêtée pour activité communiste, elle a été condamnée à un an de prison et libérée à l’expiration de sa peine).
Ils ont suivis le circuit des personnes détenues pour un motif exclusivement politique.
Selon une note de 1952 du préfet des Vosges, Monsieur Flageollet a été arrêté pour activité communiste et déporté comme otage à la suite d’une évasion massive de détenus politiques.
Compte tenu de l’époque à laquelle se situent les faits, ces renseignements correspondent bien à la réalité historique.
Les premiers mois qui ont suivi l’envahissement de la France ont été marqués par des arrestations systématiques opérées dans les milieux connus pour leurs opinions politiques extrémistes sans qu’un « acte qualifié de résistance à l’ennemi » au sens de l’article R.287 semble devoir être retenu à l’actif des personnes appréhendées.
En conséquence, je vous adresse, ci-incluses, deux déclarations d’appel au Conseil d’État des jugements du Tribunal Administratif de Paris.
Je précise que le délai d’appel expire le 30 octobre 1957.
P. Lamotte
La proposition d’appel formulée ci-dessus est fortement motivée en fait comme en droit.
Les renseignements données par Monsieur le Préfet des Vosges sur les circonstances de l’arrestation et de l’internement de Monsieur et Madame Flageollet correspondent bien, comme le dit Monsieur Lamotte, à la réalité historique. Mais le tribunal en a jugé autrement.
Faut-il discuter sa souveraineté en la matière ?
Il est certain que si l’on applique littéralement le 4e) de l’article R.287, que les tracts distribués par Monsieur et Madame flageolet ne peuvent être considérés comme émanant d’un mouvement reconnu, puisque la date de départ d’activité du Front-National a été officiellement fixée par le Ministre de la Défense nationale au 1er mai 1941.
Mais faut-il ici encore s’attacher à la lettre du texte ?
Plusieurs décisions de justice ont admis comme une activité résistante l’activité du Front National pendant sa période de formation, c’est-à-dire pendant la période antérieure au 1er mai 1941.
Dans ces conditions, il y a lieu de faire appel si l’on veut invoquer la lettre du texte, et il n’y a pas lieu de faire appel si l’on veut s’en tenir à son esprit. Je penche, pour ma part, pour la deuxième solution.
Signé : Micallef
En première page a été ajouté cette mention manuscrite : « M. Micallef, pas d’appel, respecte les décisions du Conseil d’État (affaire Ainardi du 22 octobre 1956), signé Mattei 25-9-57 ».
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Direction du contentieux, de l’état civil et des recherches
Sous-direction de l’état civil et des recherches
Bureaux des fichiers et de l’état civil déportés
Paris, le 10 octobre 1957
139, rue de Bercy, Paris 13e
(Recommandé)
Recours
Madame,
J’ai l’honneur de vous adresser, ci-joint, ampliation des jugements rendus le 31 juillet 1957 par le Tribunal Administratif de Paris annulant mes décisions de rejet de vos demandes d’attribution du titre de Déporté Résistant du chef de votre mari, Monsieur Flageollet André, décédé, et du titre d’Interné Résistant vous concernant.
Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes respectueux hommages.
Signé : Micallef
Madame Flageollet Françoise, 14 rue de l’Industrie, Paris 13e
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 404.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, liste page 519.
Roger Martin et Claude Pennetier, Le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social, site du Maitron en ligne, Université Paris-1 ; remerciements à O. Jacquot (message 09-2012).
Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : copies de pages (p.10) d’un registre de délivrance de médicaments aux détenus du Revier de Birkenau.
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 450 406).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-04-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.