- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
André, Pierre, Émile, Forget naît le 4 juillet 1893 à Redon (Ille-et-Vilaine), fils d’Édouard Forget, 43 ans, forgeron, et d’Émilie Bertru, son épouse, 31 ans, domiciliés rue des Douves.
Habitant ensuite à Nantes (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique) [1], André Forget commence à travailler comme ébéniste.
Le 5 septembre 1914, André Forget est incorporé comme 2e canonnier au 28e régiment d’artillerie (de campagne). Le 17 juin 1915, il part aux armées avec la 35e batterie. Il est cité à l’ordre de son régiment : « Du 23 avril au 11 mai 1916 a, comme pointeur ou comme téléphoniste, assuré son service avec le plus grand calme et le plus beau sang-froid. Légèrement blessé par un obus qui a mis son canon hors de service, puis, dans son service de téléphoniste, a montré sous le feu l’exemple d’un grand courage. » Il reçoit la Croix de Guerre. Le 1er avril 1917, il passe au 48e R.A. (45e batterie). Le 7 septembre suivant, il rejoint l’Armée d’Orient, passant au 4e R.A. le 5 octobre. Le 17 juin 1919, il est rapatrié en France, passant au 51e R.A. le 19 juin. Le 22 août, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Nantes, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En 1919, il habite chemin (puis rue) des Baronnies.
Le 22 mai 1920 à Nantes, André Forget épouse Marie Cosson, née à Nantes le 8 juillet 1895, employée de commerce.
En juin 1923, le couple habite au 1 rue du Fou, à Nantes. 1er canton En 1926, ils y vivent avec la mère de Marie, âgée de 66 ans, veuve, et un neveu, Marcel Bureau, 20 ans, charbonnier à la Société d’importation de charbon.
En octobre 1932, André Forget habite au 3, rue du Ballet à Nantes.
En 1936, il y vit seul avec son fils, René, né en 1926. Il travaille alors comme menuisier-ébéniste chez Jarnais.
Le 4 septembre 1937 à Nantes, André Forget se marie avec Joséphine Daniaud, veuve de 43 ans.
Cette année-là et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 15, rue d’Alger à Nantes, une rue parallèle au bras de la Madeleine, près du pont transbordeur.
C’est un militant : au sein de la CGTU, il est responsable du syndicat unitaire du Bâtiment et secrétaire de l’Union locale de 1923 à 1927 ; puis secrétaire du syndicat unitaire de l’Ameublement en 1928 et trésorier de la 15e région de la CGTU entre 1926 et 1928 et trésorier de la fédération unitaire.
En même temps, il est l’un des principaux responsables du Parti communiste à Nantes.
Après la réunification de la CGT, en 1936, André Forget est secrétaire du syndicat CGT du Bâtiment de Nantes, de l’intersyndicale du Bâtiment et secrétaire régional à plein temps du bâtiment. Il est aussi Conseiller prud’homme (2e catégorie de la section industrie) jusqu’au 13 février 1940, date à laquelle il est déchu pour raisons politiques.
Le 23 juin 1941, André Forget est arrêté par les Allemands [2] et torturé (?). Il figure en première place sur une liste de trente « Funktionaere » (“permanents” ou “cadres”) communistes établie par la police allemande. Avec une vingtaine d’hommes arrêtés dans l’agglomération de Nantes, il est conduit au « camp du Champ de Mars » (s’agit-il de la salle des fêtes, également dénommée « Palais du Champ de Mars » ? à vérifier…).
Le 12 juillet, André Forget est parmi les vingt-quatre communistes (dont les dix futurs “45000” de Loire-Atlantique) transférés, avec sept Russes (juifs), au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, André Forget est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, André Forget est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45551 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Forget est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En effet, a une date restant à préciser, il est admis au service de chirurgie (Block 21) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Il meurt à Auschwitz, le 18 novembre 1942, selon un relevé du registre de la morgue (Leichenhalle) réalisé clandestinement par le groupe de résistance polonais des détenus.
Sur les dix “45000” de Loire-Atlantique, il n’y eut que deux rescapés : Eugène Charles, de Nantes, et Gustave Raballand, de Rezé.
Notes :
[1] Loire-Atlantique : département dénommé “Loire-Inférieure” jusqu’en mars 1957.
[2] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 404.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne (2002), citant : témoignages de Gustave Raballand et d’Eugène Charles, de Nantes..
Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 28, page 128, notice de Cl. Geslin, citant : Arch. Dales 14 614/332/2337/2338” – Le Travailleur de l’Ouest 1939 – Le Réveil Syndical 1938 – Clarté 1946.
Archives départementales de l’Ille-et-Vilaine, site internet, archives en ligne : état civil de Redon, registre des naissances de l’année 1893 (10 NUM 35236 692), acte n°86 (vue 16/30).
Archives municipales de Nantes, site internet, archives en ligne : listes électorales 1934-1945 Drev-Galand (1K 43, vue 141/193) ; recensement de 1936, canton 1, 2e registre (1F 225/2) page 743 (vue 168/210).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.