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Droits réservés.

Raoul, Victor, Louis, Gaillanne naît le 21 novembre 1909 à Saint-Ouen [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), fils de Gustave, Marie, Gaillanne, employé au Chemin de Fer, et de Marie-Amélie Debiais. Il a un frère, Lucien.

Raoul Gaillanne est marié à Marguerite Sergant (ou Sergent ?).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 1, rue Rabelais à Saint-Ouen.

En décembre 1937, Raoul Gaillanne est embauché comme ajusteur aux établissements Sanders, rue Benoît-Malon à Gentilly [1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; usine qui fabrique des caisses enregistreuses sous licence américaine.

Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux » (R.E.R. ligne B).. L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui (2023). La fille de Marceau Baudu se souvient que son père lui faisait parfois signe par une lucarne quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas. Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive

Gentilly. La station de la « ligne de Sceaux » (R.E.R. ligne B)..
L’usine Sanders occupait le bâtiment visible à droite et qui existe encore aujourd’hui (2023).
La fille de Marceau Baudu se souvient que son père lui faisait parfois signe par une lucarne
quand elle prenait le train pour Paris sur le quai situé à gauche en contrebas.
Carte postale oblitérée en 1935. Collection Mémoire Vive

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La section syndicale CGT Sanders réunie à Paris, fin des
années 1930. Parmi eux, plusieurs futurs déportés :
G. Abramovici, J. Daniel, M. Baudu, R. Salé, F. Joly.
Collection Jacqueline Lefebvre. Droits réservés.

Pendant l’occupation, cette entreprise – filiale d’un groupe franco-allemand (La Nationale Groupe) – travaille en partie pour la production de guerre de l’occupant (fabrication de compteurs).

Malgré les premières exécutions massives d’otages d’octobre 1941 – parmi lesquels nombre de militants ouvriers – le noyau syndical clandestin de l’usine poursuit la résistance sous sa forme revendicative.

Le 9 février 1942, plusieurs militants déclenchent un arrêt de travail pour protester contre le rejet du cahier de revendications qu’ils ont fait déposer par le délégué officiel du personnel quelques jours plus tôt. Ce mouvement ne dure qu’un quart d’heure. Mais le directeur et son adjoint décident de prévenir le commissariat de police de secteur, implanté à Gentilly, et dressent une liste de treize meneurs supposés.

Alertée, c’est la première section des Renseignements généraux (RG) qui prend en charge la répression et procède aux arrestations à l’aube du 11 février. Deux militants, chez qui ont été trouvés divers documents liés à leur activité militante avant l’occupation, seront interrogés le lendemain par l’inspecteur David, puis jugés, condamnés et passeront le reste de la guerre en prison et en camp (échappant ainsi paradoxalement à la mort).

Deux autres sont libérés parce qu’inconnus jusque-là des RG.

Suspects d’infraction au décret du 18 novembre 1939, les neuf restants sont écroués à 19h45 au dépôt de la préfecture de police comme “consignés administratifs”. Après y être restés deux mois, ils sont transférés le matin du 16 avril au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Parmi eux, Georges Abramovici, un militant très actif, est d’abord considéré comme Juif et sera envoyé au camp de Drancy le 20 octobre, puis déporté dans un convoi du génocide le 4 novembre 1942 (transport n° 40, dont un tiers seulement des détenus entre dans le camp).

Raoul Gaillanne est arrêté à son domicile ou à l’usine le matin du 11 février et conduit à la préfecture de police de Paris pour interrogatoire. À Voves, il est enregistré sous le matricule n° 92.

Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise ), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule 5738 (bâtiment 5, chambre 13).

Entre la fin avril et la fin juin 1942, Raoul Gaillanne est sélectionné – avec les sept autres ouvriers de la Sanders – parmi plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Raoul Gaillanne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45564 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Raoul Gaillanne est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « ARBEIT MACHT FREI » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Peut-être assigné au Block 22, Raoul Gaillanne est affecté le lendemain dans un atelier du camp, au Kommando de la serrurerie (Schlosserei). Il fait peut-être partie des “45000” qui en sont exclus une semaine plus tard (21 juillet).

Il semble qu’il soit assigné au Block 28 pendant un temps…

Le 23 octobre 1942, son nom est inscrit sur un registre du Block 20 de l’hôpital (Revier), il est assigné à la chambrée (Stübe) 5.

Le 5 janvier 1943, son nom est inscrit sur un registre du Block 21 de l’hôpital, où il subit un acte de chirurgie (à préciser…).

Le 20 janvier, son nom est inscrit sur un registre de l’infirmerie.

Raoul Gaillanne meurt à Auschwitz le 23 janvier 1943, selon les registres du camp. La cause (mensongère) inscrite sur l’acte de décès est « Grippe ».

Peu de temps après la libération – et sans connaître le sort des disparus – le Comité d’épuration de l’usine Sanders de Gentilly est à l’initiative d’un procès qui aboutira devant la Cour de Justice de la Seine.

Dans une lettre datée du 8 mai 1945 et envoyée du camp de Dachau où il vient d’être libéré, Francis Joly – unique rescapé du groupe – informe son épouse du sort de ses collègues. Rapatrié en France au cours de la procédure, il témoigne devant le tribunal le 19 mai 1945.

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La Vie Nouvelle, hebdomadaire communiste du canton,
datée du 2 juin 1945. Le sort de Georges Abramovici,
séparé de ses camarades au camp de Voves,
n’est pas connu. Le journal s’inquiète également
pour trois conseillers municipaux de Gentilly
déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Archives communales de Gentilly.

Le 10 mai 1946, la procédure judiciaire engagée contre les deux membres de la direction responsables de la délation se termine par leur acquittement.

Après la guerre, le personnel de l’usine dédie une plaque commémorative à ses camarades morts en déportation.

En 1961, devenus “La Nationale”, les établissements Sanders déménagent pour le siège de Massy (91) sous l’intitulé N.C.R. (National Cash Register). La plaque suit le transfert de l’entreprise pour être apposée dans le hall d’entrée du restaurant du personnel. Elle y est honorée chaque année.

Pour la remplacer à Gentilly, la municipalité a apposé une nouvelle plaque à l’entrée de la rue Benoît-Malon où était située l’usine.

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Plaque apposée au carrefour de la rue Benoît-Malon
et de la rue Paul-Vaillant-Couturier. Le quatrième inscrit,
Roger Chaize, sans doute ouvrier de la Sanders et mort
en France, est inscrit par erreur. Photo Mémoire Vive.

Les déportés de la Sanders ont également leurs noms gravés sur le monument de la Déportation situé dans le carré militaire du cimetière de Gentilly.

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Carré militaire (1939-1945 et après) du cimetière de Gentilly.
Monument aux Résistant déportés « tous combattants
de la liberté
 ». Photo Mémoire Vive.

À Saint-Ouen, son nom est inscrit sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau ».

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”, inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

Le monument dédié aux dix-sept “45000” de Saint-Ouen et à Marie-Jeanne Bauer, “31000”,
inauguré le 24 avril 2005 dans le square des 45000 et des 31000 (photo Mémoire Vive).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Raoul Gaillanne (J.O. du 27-03-1992).

Veuve, Marguerite Gaillanne ne s’est jamais remariée.

Notes :

[1] Saint-Ouen et Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces commune font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 64, 386 et 404.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 519.
- Recherches de Renée Joly aux Archives nationales.
- Archives communales de Gentilly.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Frédéric Couderc, Les RG sous l’occupation : quand la police française traquait les résistants, Olivier Orban, Paris 1992, pages 39 à 43.
- Archives de la préfecture de police, Paris, registre d’écrou du dépôt (n° 511).
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; carte de travail (mal transcrit, son prénom est orthographié « Paul ») ; registre du Block 20, registre du Block 21, acte de décès.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 329 (3761/1943), « Gaillannc ».
- Philippe Garnier Delabaudinière, Jacqueline Surée (Debiais), messages de correction (05-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 3-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.