- Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Charles, Noël, Garre naît le 11 décembre 1907 à Cannes (Alpes-Maritimes), fils de Joseph Garre, 33 ans, facteur des postes, et de Clotilde Rugial, 32 ans, son épouse, domiciliés rue Rostand. Les témoins pour la présentation du nouveau-né à l’état civil sont deux retraités de la gendarmerie.
Le 8 août 1939, à Paris 10e, Charles Garre se marie avec Simone Poirier.
Au moment de son arrestation, il habite au 86, rue de Bondy (aujourd’hui rue René-Boulanger) à Paris 10e.
Le 23 septembre 1940, il est arrêté lors d’une rafle dans le quartier Strasbourg-Saint-Denis, proche de son domicile. Il est emprisonné pendant un an dans les Maisons centrales de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines)…
- Au deuxième plan, la Maison centrale de Poissy vers 1916.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.
… et de Clairvaux (Aube).
Le 5 ou 6 octobre 1941, un nommé Charles Garre, domicilié au 26, rue Saint-Louis, s’évade du camp de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), avec sept autres détenus dont un nommé Jean Batesti… Est-ce le même homme, interné après avoir purgé sa peine ? Si oui, quand a-t-il été repris ensuite ?
Le 5 mai 1942, Charles Garre fait partie des quatorze internés administratifs de la police judiciaire (dont au moins onze futurs “45000”) qui sont conduits avec trente-sept communistes à la gare du Nord, « à la disposition des autorités allemandes et dirigés sur Compiègne par le train de 5h50 » pour être internés au camp de Royallieu (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Garre est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Charles Garre est déporté comme otage “asocial”.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
- Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Charles Garre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45570 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Garre.Il meurt à Auschwitz le 7 janvier 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Il est homologué comme déporté de droit commun.
En marge de son acte de naissance est portée la mention « décédé à Auschwitz (Pologne) fin août mil neuf cent quarante-deux ».
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 405.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (liste partielle du convoi établie par le Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
Archives municipales de Cannes, site internet, archives en ligne, état civil, registre des naissances, année 1907 (cote 1E96), acte n° 557 (vue 300/343).
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 1837 (internés aux camps de Vaujours… – Tourelles) ; état des internés de la Seine au centre d’internement administratif (CIA) de Rouillé le 10 septembre 1942.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 334 (688/1943).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 13-05-2015)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.