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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Henri, Gustave, Gateau naît le 22 septembre 1896 à Paris 20e, chez ses parents, Paulin (?) Gateau, 30 ans, et Françoise Burckel, son épouse, 32 ans, journaliers, domiciliés au 72, boulevard de Charonne.

De la classe 1916, mobilisé en 1914-1918, Gustave Gateau est titulaire de la Croix de guerre.

Le 23 février 1924 à Saint-Georges-de-Poisieux (Cher), il se marie avec Germaine Martinet, née le 20 novembre 1911. Ils ont une fille, Marcelle, née en 1934 (future épouse Fontana).

À une date restant à préciser, il épouse en secondes noces Madeleine Louat.

Le 6 juin 1925, Gustave Gateau est embauché par une compagnie de chemin de fer qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1].

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 32, cité des Jardins à Drancy [2] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).

Gustave Gateau est alors chef de train à la gare SNCF du Bourget-triage [1], sur le réseau de la région Nord, comme Albert Beugnet, de Drancy.

JPEG - 128.9 ko     La gare Le Bourget-Drancy. Carte postale oblitérée en 1945.  Collection Mémoire Vive.

La gare Le Bourget-Drancy. Carte postale oblitérée en 1945. Collection Mémoire Vive.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « propagandiste actif parmi les cheminots ».

Le 5 octobre 1940, à 5 heures du matin, au moment où il allait se rendre à son travail, Gustave Gateau est arrêté à son domicile, comme Albert Beugnet qui travaille au même endroit ; lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT) ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Le 25 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Henri Gateau, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, émet un avis défavorable au motif que cet interné « est resté communiste dont l’internement n’a pas modifié les opinions » [sic], tout en lui reconnaissant un « bon esprit ».

Dans cette période, Henri Gateau travaille à la fabrication du charbon de bois pour les braséros des gardiens du camp.

À partir du 16 juillet, il est envoyé dans la journée chez Monsieur Fournier, d’Aincourt, pour y effectuer des travaux agricoles : départ du camp à 7 h, retour pour le repas de midi à 13 h 15, puis de 15 h 45 à 20 h.

Le 9 mai 1942, Henri Gateau est parmi les quinze internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Henri Gateau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45573 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Gateau (l’administration française a mentionné Birkenau).

Il meurt à Auschwitz le 9 août 1942, selon le registre d’appel quotidien des détenus et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée de son convoi.

(aucun des six Drancéens déportés le 6 juillet 1942 n’est revenu)

En juillet 1954, le conseil municipal de Drancy l’associe à Gabriel Lamblin (déporté à Neuengamme) pour donner leurs noms (Gateau-Lamblin) à l’ancienne rue des Castors prolongée. La délibération insiste sur « la valeur et la reconnaissance que Drancy doit à ces deux combattants de la résistance contre le nazisme, morts dans les camps de concentration. »

Le nom d’Henri Gateau est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés et apposée à l’entrée de la mairie.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-11-1992) qui indique « décédé le 31 janvier 1945 à Birkenau (Pologne) ».

Notes :

[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.

[2] Drancy et Le Bourget : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin “Après Auschwitz”, n°21 de mai-juin 1948).

Sources :

- Son nom et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 404.
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 64.
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne, registre des naissances du 20e arrondissement à la date du 24-09-1896 (V4E 10710, acte n°9740, vue 24/31).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Journal interne de la SNCF, Notre métier, n° 82 du 29-11-1946, p. 10 (document communiqué par Hervé Barthélémy, de l’association “Rail et Mémoire”).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) : cartons “occupation allemande” (BA ?…).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w71, 1w80, 1w116 (dossier individuel) ; recherches parallèles de Claude Delesque.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 336 (18932/1942).
- Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
- Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 656-657.
- Site Mémorial GenWeb, 93-Drancy, relevé de Monique Diot Oudry (11-2004).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.