- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Roger Gautier naît le 24 novembre 1908 à Vierzon-Forges (Cher – 18) [1], fils de Victor Alphonse Gautier, 32 ans, cultivateur, et de Marie Hubert, 24 ans, son épouse. Roger a une sœur, Marcelle Raymonde, née le 29 octobre 1906 à Vierzon-Villages, et un frère Paul, né en 1915 à Vierzon-Forges.
Leur père – qui a effectué son service militaire au tournant du siècle – est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914 et rejoint deux jours plus tard le 62e régiment territorial d’infanterie. Le 1er avril 1916, il passe au 48e R.T.I. Le 7 avril 1917, il est nommé soldat de 1re classe. En septembre 1917, il est sur la ligne de front dans le secteur du village de Bezange-la-Grande et du bois de Savegnière (Meurthe-et-Moselle), où s’échangent des tirs d’artillerie. Le 27 février 1918, le grand quartier général notifie un ordre portant sur la suppression des régiments territoriaux indépendants, dont le 48e R.T.I., et la transformation de celui-ci en bataillon de pionniers. Le 3 mars suivant, Victor Gautier est cité à l’ordre (n° 440) de son régiment : « Très bon soldat d’un dévouement absolu, agent de liaison sûr, actif et brave, a affirmé ses belle qualité d’endurance et d’énergie… » ; il reçoit la Croix de guerre avec étoile de Bronze. Le 7 janvier 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Vierzon-Forges.
En avril 1921, la famille habite rue Étienne-Dolet (quai de l’Étang). Le père est employé à la Pointerie, usine voisine. En 1926, Roger y est ajusteur. En 1931, le père est devenu contremaître dans cette usine où Paul est entré comme tourneur. Le 10 août 1929, Marcelle s’était mariée à Vierzon-Forges avec Raymond Veysset.
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Roger Gautier est domicilié chez ses parents au lieu-dit L’Orme-à-Lieue, toujours sur la commune de Vierzon-Forges. En 1936, la famille comprend également sa grand-mère paternelle Eugénie, 83 ans. Le père, 60 ans, est redevenu cultivateur (patron). Roger est alors ajusteur chez E. M. Bourys (?), et Paul est tourneur à l’usine de la Vence (à préciser…).
À des dates et pour un motif restant à préciser, Roger Gautier est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Roger Gautier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45583 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Roger Gautier est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Roger Gautier est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) aupremier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Roger Gautier est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 7 septembre 1944 , il est dans le petit groupe de trente “45000” transférés – dans un wagon de voyageurs ! – au KL [2] Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw (matricule n° 40999).
Le 10 février 1945, lors de l’évacuation de ce camp devant l’avancée des troupes soviétiques, il est parmi les dix-huit “45000” dirigés – durant quatre jours en wagons découverts sous la neige – vers Hersbrück, Kommando du KL Flossenburg (n° 84634).
Le 8 avril, il se trouve avec ses camarades survivants dans une colonne de détenus évacués à marche forcée vers KL Dachau (“marche de la mort”). Ils y arrivent le 24 avril, épuisés et affamés.
Le 29 avril 1945, Dachau est libéré par l’avancée de l’armée américaine.
Roger Gautier est le seul rescapé des sept “45000” de Vierzon.
Il décède le 14 juin 1975.
Notes :
[1] Le 1er septembre 1791, la paroisse Notre-Dame de Vierzon est divisée en deux : Vierzon-Ville, occupant le centre de la ville actuelle sur la rive droite du Cher, et Vierzon-Villages (au pluriel) entourant la précédente de tous cotés. Dans les années suivantes, ces paroisses deviennent deux communes, puis fusionnent provisoirement sous le nom de Vierzon, avant d’être à nouveau scindées le 22 mars 1796. Par la loi du 4 avril 1908, la section des Forges est distraite de la partie Est de Vierzon-Villages et érigée en commune distincte sous le nom de Vierzon-Forges. Par arrêté préfectoral du 8 avril 1937, les communes de Vierzon-Villages, Vierzon-Bourgneuf (sur la rive gauche du Cher) et Vierzon-Forges sont réunies à celle de Vierzon-Ville, sous le nom unifié de Vierzon.
[1] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 350 et 351, 358, 363 et 405.
Association des amis du musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges, article dans La Nouvelle République du 31 janvier 2005.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 12-10-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.