- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Edmond, Armand, Gentil naît le 25 juin 1894 à Roches-sur-Rognon (Haute-Marne – 52), chez ses parents, Adolphe Gentil, 37 ans, chaînetier chez Rémond, et Marthe Collin, 20 ans, son épouse, domiciliés au lieu dit Cultrut. Edmond a ensuite deux frères, Albert Louis, né le 8 juin 1896 à Joinville (52), et Victor Jules Léon, né le 29 juillet 1898 à Roches-sur-Rognon.
En 1911, la famille est installée à Froncles (52), commune voisine en bord de Marne. Edmond, 17 ans, et ses parents sont ouvriers de forge à la Société anonyme des Forges de Froncles. Cette année-là, ils hébergent Alphonse Collin, frère de Marthe, 29 ans, mouleur en fonte dans la même usine.
Le 1er septembre 1914, Edmond Gentil est mobilisé comme soldat de 2e classe au 26e régiment d’infanterie, qu’il rejoint une semaine plus tard. Le 8 octobre 1915, il est détaché aux usines Schneider au Creusot. Le 9 août 1916, il passe à la 28e Cie (?). Le 1er juillet 1917, il passe au 29e R.I. à Autun, mais comme détaché en usine. Le 10 janvier 1918, il est remis à la disposition de l’autorité militaire. Le 22 janvier, il passe au 87e R.I. Le 14 mars, il passe au 25e régiment d’infanterie, 5e compagnie. Le 30 mai, au cours de la 3e bataille de l’Aisne, lors d’un repli dans le secteur de Beuvardes (Aisne) face à l’offensive allemande, Edmond Gentil est porté disparu (du 27 mai au 8 juin, le 25e R.I. a perdu 49 tués, 215 blessés et 311 disparus). En fait, Edmond Gentil a été fait prisonnier et conduit au camp de Langensalz ? (Saxe). Il est rapatrié le 10 janvier 1919. Le 17 avril, il passe au 109e R.I. Cependant, il est en sursis d‘appel jusqu’au 31 août suivant, comme lamineur maintenu aux forges… Le 16 septembre, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire à Froncles, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En septembre 1920, la commission de réforme de Troyes le proposera pour un pension temporaire de 30 % pour « anémie et état général déficient, légère sclérose du sommet droit, troubles dyspeptiques accentués, suite de maladie contractée en activité, fièvre typhoïde »
Le 31 mai 1919 à Froncles, Edmond Gentil épouse Marie-Thérèse Leclerc, née le 27 mai 1892 à Soncourt-sur-Marne (52).
Début mars 1920, le couple s’installe à Joinville (52), où naîtront leur deux fils : André cette année-là, et Robert en 1923.
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Edmond Gentil est domicilié avenue de Lorraine avec sa famille.
Il est ouvrier fondeur à l’usine métallurgique Ferry-Capitain et Compagnie de Bussy, sur la commune limitrophe de Vecqueville, comme Louis Bedet, Georges Collin, Bernard Hacquin et Louis Thiéry.
Le 23 juin 1941, Edmond Gentil est arrêté, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [1] (dont 15 futurs “45000”), puis rassemblés à la prison de Chaumont (52).
Le 27 juin, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Edmond Gentil est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Edmond Gentil est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45589 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Edmond Gentil est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Les 14, 18 et 19 novembre 1942, il est sur une liste de détenus du Block n°7 recevant des médicaments : pour lui, un comprimé d’aspirine !
On ignore la date exacte de la mort d’Edmond Gentil à Birkenau ; probablement avant la mi-mars 1943 [2].
Son nom est inscrit sur le monument au morts de Joinville.
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Edmond Gentil, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 367 et 405.
Liste de détenus ayant reçu des médicaments à Birkenau, transmise par André Nouvian.
Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 22.
Archives départementales de la Haute-Marne, site internet, archives en ligne : état civil de Roches-sur-Rognon, registre des naissances (E dépôt 16122 NMD 1893-1902) année 1894, acte n°21 (vues 7-8/143).
Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630 W, article 252.
Site internet Mémorial GenWeb, Raymond Jacquot, 2002.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 4-01-2021)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.