- Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Léon, René, GEORGES naît le 25 mai 1910 à Trouville (Calvados). Il se marie en 1933.
Il commence à travailler comme docker sur le port du Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76).
En septembre 1941, il est engagé par la propriétaire de l’hôtel Bristol pour tenir la gérance du Restaurant basque, au 33 rue Bazan, où il loge (un autre document mentionne une adresse dans l’impasse Savorgnan-de-Brazza).
« Vers cette époque, il [fait] la connaissance de Mademoiselle [sic] G., femme vivant séparée de son mari et de mauvaise vie [et vit] constamment depuis lors avec elle », selon la police.
A partir des années 1930, il subit quelques condamnations pour des délits mineurs
« Toutefois, il [contribue] toujours à soutenir matériellement sa famille, comprenant sa mère et quatre jeunes frères » habitant au 77, quai de Southampton.
La police ne lui connaît aucun engagement politique.
Le 23 février 1942, vers 19h30, dans un café de la rue Frédéric-Sauvage, Léon Georges est arrêté lors une rafle menée par la Feldgendarmerie à la suite de l’attentat de la place de l’Arsenal [2] et conduit à la Maison d’arrêt du Havre.
En représailles, il y aura de nombreuses arrestations d’otages et vingt seront fusillés le 31 mars suivant [3].
Alors que certains hommes sont relâchés, Léon Georges reste détenu comme otage.
À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Léon Georges est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45591. Sa photo d’immatriculation a été retrouvée.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Léon Georges est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Le 7 septembre suivant, Mademoiselle G. écrit au maréchal Pétain afin d’obtenir des nouvelles de son ami, car elle [lui] a écrit et n’a pas reçu de réponse depuis trois mois.
À une date restant à préciser, Léon Georges, est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus.
Léon Georges meurt à Auschwitz le 15 décembre 1942, selon l’acte de disparition établi en 1949 [5].
Il est homologué comme “Déporté politique”.
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] L’action de la place de l’Arsenal et la rafle de février 1942 : « Le 23 février 1942, place de l’Arsenal au Havre, les jeunes des premiers “Bataillons de la Jeunesse” incorporés dans l’O.S.(1) attaquent à la grenade un détachement de l’armée allemande. Il y a là Michel Muzard, Jean Hascouet et le groupe “Léon Lioust”. C’est une des première attaque de détachement de l’armée allemande dans la France occupée. » Albert Ouzoulias, Les bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales, Paris 1967, p. 201, 202. Claude-Paul Couture désigne comme auteur de l’attentat « le groupe Chatel de la 2e Cie FTP », En Seine-Maritime de 1939 à 1945, CRDP de Rouen, 1986, p. 15.
(1) O.S. : Organisation Spéciale ; à partir de septembre 1940, structure militante chargée de la protection des colleurs d’affiches et des distributeurs de tracts, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée communiste.
[3]
AVIS
De nouveau, un attentat a été commis au Havre contre l’armée allemande et cela contre une colonne en route. Jusqu’à présent, le coupable n’a pas été découvert. Si, dans un délai de douze jours, c’est-à-dire jusqu’au 6 mars 1942 à midi, le coupable n’est pas retrouvé, trente communistes et juifs, parmi lesquels le coupable doit être recherché, seront fusillés sur l’ordre du Militaerbefehlshaber in Frankreich. Pour éviter cette sanction, la population est invitée à coopérer de toutes ses forces à la recherche et à l’arrestation du coupable.
Der Chef des Militaerbefehlshaber in Frankreich Von der Lippe, Generalleutnant
Journal de Rouen du 25 février 1942.
AVIS
Le 23 février 1942, au Havre, on a jeté un engin explosif sur une colonne de route de la Kriegsmarine. Deux soldats allemands ont été blessés. Jusqu’à aujourd’hui, malgré ma demande à la population havraise, les auteurs de cette attaque si lâche sont restés inconnus. En suite, le vom Frankreich a ordonné, comme je l’ai menacé l’autre jour, la fusillade de communistes et juifs – dont appartiennent les malfaiteurs – pour expier cette nouvelle attaque. La fusillade a été exécutée aujourd’hui.
Saint-Germain-en-Laye, le 31 mars 1942
Der Chef des Militaerverwaltung Bezirkes A. Gez : Von der Lippe, Generalleutnant
Journal de Rouen des 4 et 5 avril 1942.
[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
[5] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
[6] Liste de Brinon : ancien journaliste et “ultra” de la collaboration, Fernand de Brinon était Délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités militaires allemandes d’occupation. Quand des requêtes étaient formulées par les familles des détenus auprès de l’administration française, la Délégation générale les transmettait à la Commission d’armistice (bipartite), après enquête de la police ou de la gendarmerie pour s’assurer des conditions d’arrestation et de l’honorabilité du détenu. Une lettre était ensuite adressée aux familles sous couvert de l’organisme qui en avait fait la demande : elle leur annonçait que l’intervention avait été faite et leur transmettait la réponse fournie par les autorités allemandes. Ainsi, un très grand nombre de fiches de la Délégation générale portent le nom de “45000” ; surtout après le départ du convoi, le 6 juillet 1942, et l’absence de nouvelles résultant de leur qualification “NN”. La plupart de ces fiches se trouvent dans les dossiers d’état civil des déportés conservés au BAVCC.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 376 et 406.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur, 18/6/1992) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – La Mairie du Havre et celle de Trouville n’ont aucune trace dans leurs archives (mars 1992) – Liste de Brinon [6].
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de G à H (51 W 416), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.