JPEG - 71.4 ko
IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Martial, Alexandre, Georget naît le 28 février 1910 à Crézancy (Aisne), près de Château-Thierry (sur la rive opposée de la Marne), de Paul Georget et Léontine Lhomer.

Au moment de son arrestation, célibataire, il est domicilié chez ses parents au 24, rue Anatole-France à Alfortville [1] (Seine / Val-de-Marne – 94).

Il est métallo, manœuvre spécialisé à l’usine de roulements à billes SKF (groupe suédois Svenska KullagerFabriken) d’Ivry-sur-Seine (94), sise au 39 rue Franklin (devenue Maurice-Gunsbourg), entreprise où travaille également René Robin.

Membre du Parti communiste à partir de 1935, Martial Georget est pendant un temps « trésorier de la section locale des Métaux d’Ivry-sur-Seine ».

Le 15 octobre 1940, à 22 h 40, alors qu’il circule rue de Villeneuve à Alfortville, il est interpellé par des agents du commissariat de police de la circonscription de Charenton-le-Pont qui découvrent sur lui plusieurs tracts d’inspiration communiste et deux carnets à en-tête du Comité populaire des travailleurs des Métaux de la région parisienne portant des noms. S’ensuit une perquisition à son domicile qui amène la découverte de nombreuses affichettes, papillons écrits, brochures imprimées diverses, ainsi qu’un matériel complet de polycopie (pâte, outils) et de papier vierge. Interrogé, il reconnaît avoir imprimé lui-même le “placard” « Thorez au pouvoir ». Inculpé le lendemain d’infraction au décret du 26-09-1939 condamnant l’activité et la propagande communiste, il est conduit au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité). Une semaine plus tard, le commissariat d’Alfortville signalera à celui d’Ivry-sur-Seine sept militants de cette commune inscrits sur un des carnets trouvés, dont René Robin.

Le 17 octobre, après son passage devant le procureur de la République, Martial Georget est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 22 octobre, la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à 15 mois de prison. Le 16 décembre, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris confirme le 1er jugement. Le 23 décembre, Martial Georget est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (94).

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

L’établissement pénitentiaire de Fresnes après guerre.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Que se passe-t-il ensuite ? Est-il libéré pour un motif particulier, arrive-t-il à s’échapper, est-il poursuivi pour un nouveau motif alors qu’il est encore détenu ?

Le 8 mars 1941, un juge d’instruction du tribunal de première instance de la Seine l’inculpe encore une fois d’infraction au décret du 26-9-1939 et le fait de nouveau écrouer à la Santé. Vingt-deux personnes prises dans la même affaire sont inculpées pour le même motif, dont Lucien Tourte et Félix Vinet (au cours de l’instruction, il y aura disjonction de l’affaire et Félix Vinet sera jugé séparément avec une autre personne).

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. (montage photographique)

Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée.
(montage photographique)

Le 29 avril 1941, Martial Georget est parmi les vingt co-inculpés qui comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Lui-même est condamné de nouveau à 18 mois de prison, la confusion des peines ayant été prononcée. Il se pourvoit en appel auprès du procureur de la République. Le 3 juin, Martial Georget est transféré à Fresnes.

Le 28 juillet, la 10e chambre de la Cour d’appel de Paris réduit la condamnation à quinze mois de prison et maintient la confusion.

À l’expiration de sa peine, le 24 septembre, Martial Georget n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif. Probablement transféré le jour-même, Martial Georget est ensuite détenu au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice , île de la Cité).

Le 10 novembre, il fait partie des 58 militants communistes transférés depuis le dépôt au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C. Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942. Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, alignés transversalement, les six grands bâtiments du quartier C.
Isolés par une clôture de barbelés, ils ont constitué le “camp juif” du 13 décembre 1941 au 6 juillet 1942.
Ensuite, ils ont servi au regroupement des détenus pour le prochain convoi en partance.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas). Carte postale. Coll. Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Martial Georget est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Martial Georget est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45592, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Martial Georget se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Martial Georget.

Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

Sur les listes électorales d’Alfortville de 1946, Martial Georget est déclaré décédé (tampon), mais on y trouve trois autres Georget, ouvriers, nés à Crésancy : des parents ? Sur une liste des déportés d’Alfortville établie ultérieurement (après 1987) par la section locale de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP), est inscrit un Georget Martial « surnommé “Barbouille” », « rentré et décédé peu de temps après ».

Le nom de Martial Georget est inscrit sur une plaque apposée dans le square de la Mairie (contenu ?).

Notes :

[1] Alfortville : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 387 et 405.
- Archives municipales d’Alfortville, recherches menées par Corinne Nortier.
- Archives de Paris : registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine (D1u6 5849).
- Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Maison d’arrêt de Fresnes, dossier des détenus “libérés” du 1er au 30-09-1941 (511 W 22).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; registre des mains courantes du commissariat de police de la circonscription de Charenton 26-04-1940 / 27-01-1941 (C B 94.10), n° 1748, 1754 et 1857 ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 690-24812).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 86.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 343 (25135/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 5-12-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.