- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Gervais Givaudin naît le le 8 janvier 1913 à Champs-sur-Yonne (Yonne), chez ses parents, Georges Givaudin 25 ans, cultivateur, et d’Alice Marcelle Noël, 21 ans, son épouse, domiciliés au hameau de Toussac (?).
Rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, son père rejoint le 17 bataillon de Chasseurs. Le 11 ou 12 octobre 1915, dans le secteur de la colline de Lorette, il est « tué à l’ennemi” à la cote 119. Sa dépouille est d’abord inhumée à Carency (Pas-de-Calais – 62), puis elle est transférée à la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette sur la commune voisine d’Ablain-Saint-Nazaire (62), tombe n° 10096.
Le 21 avril 1920, Gervais Givaudin est adopté par la Nation par jugement du tribunal civil de la Seine.
En 1935 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 5, square Albin-Cachot [1] à Paris 13e, une cité ouvrant sur la rue Broca (le tronçon correspondant sera dénommé rue Léon-Maurice-Nordmann après la Libération).
La même année, Gervais Givaudin entre comme mécanicien ajusteur aux usines d’automobiles Delahaye, au 10 du Banquier, toujours dans le 13e arrondissement (voitures de prestige et de compétition).
Le 11 avril 1936, à la Mairie de Villejuif (Seine / Val-de-Marne), il se marie avec Raine Marthe Mordillat.
Il est membre du Parti communiste.
Sous l’occupation, il poursuit son activité clandestine dans son entreprise en partie réquisitionnée par l’armée d’occupation, aux côtés de Jeanne Dennevert.
La direction de l’usine le signale par écrit à la police comme « élément actif de la propagande communiste clandestine » et le commissaire du 13e arrondissement demande son internement.
Le 28 juin 1941, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Le jour même, il est arrêté par la police française et remis dans la soirée aux “autorités d’occupation” à leur demande. Il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; où il est enregistré sous le matricule n° 899.
En décembre suivant, il figure sur une liste allemande qui recense les « jeunes communistes » nés de 1912 à 1922 présents au camp et susceptibles d’être déportés.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Gervais Givaudin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45609 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Gervais Givaudin se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gervais Givaudin.
Son épouse connaît la date exacte de son transfert « dans un camp de travail ». Le 23 octobre, sans doute avec l’aide d’un traducteur, elle envoie une lettre dactylographiée en allemand au commandant du Frontstalag 122 à Compiègne.
Le 8 décembre 1942, le chef du 1er bureau du cabinet du préfet de police écrit au commissaire de police du quartier Maison-Blanche : « Madame Givaudin […] a adressé récemment une requête aux Autorités allemandes en vue d’obtenir un certificat attestant la détention de son mari dans un camp et en vue d’obtenir également des nouvelles de celui-ci. Je vous prie de bien vouloir faire connaître à cette personne que les Autorités allemandes m’ont adressé sa requête à laquelle je suis moi-même dans l’impossibilité de donner une suite favorable, puisque les intéressés ne relèvent pas de l’Administration française ». Sans doute convoquée au commissariat, Madame Givaudin prend connaissance de ce courrier le 15 décembre.
Gervais Givaudin meurt à Auschwitz le 9 janvier 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
À une date restant à préciser, la mention « 242 » est inscrite en marge de son acte de naissance.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 24-10-1993).
Après la guerre, une plaque commémorative est apposée sur l’immeuble où il habitait au moment de son arrestation, probablement à côté de celle dédiée à Georges Dudach, domicilié à la même adresse.
Notes :
[1] Le square Albin-Cachot est en fait une voie privée (impasse) donnant accès aux immeubles construits en 1932 par la mutuelle La France Mutualiste pour faciliter l’hébergement d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale, lesquels en étaient les principaux bénéficiaires. Elle doit son nom au fondateur de La France mutualiste : Albin Cachot (1865- ?). Source Wikipedia.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 406.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Témoignage d’Auguste Monjauvis – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz.
Comité du 13e arrondissement de l’ANACR, La résistance dans le treizième arrondissement de Paris, imprimé par l’École Estienne en 1977, page 86.
Louis Chaput, Auguste et Lucien Monjauvis (entre autres), Le 13e arrondissement de Paris, du Front Populaire à la Libération, les éditeurs français réunis, Paris 1977, pages 140 et 226.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 786-30846).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 349 (1119/1943).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-02-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.