Guy, René, Gratiot naît le 21 octobre 1921 à Paris 13e, de René Gratiot, journalier, et de Gabrielle Lavera (ou Thaverrat, ou Chaverrat), emballeuse, domiciliés longtemps à Villejuif [1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; il est le cadet de leur huit enfants.
En 1936, la famille est recensée au 173, route stratégique (aujourd’hui rue Marcel-Hartmann), logement 323, à Ivry-sur-Seine [1].
Célibataire, Guy Gratiot est emballeur. Il milite aux Jeunesses communistes (“JC”).
Le 15 juillet 1940 (ou le 15 juillet 1942 ?), la famille emménage au 41, rue Molière, à Ivry ; sur un document, est également mentionné le 59, avenue de Paris – aujourd’hui avenue Maurice-Thorez – à Ivry…
Sous l’occupation, Guy Gratiot est actif au sein des Jeunesses communistes clandestines et participe aux réunions de la cellule communiste des “Jeunes du Fort d’Ivry” (cellule Claus ?) – qui se réunit clandestinement tous les jeudis vers 21 h 30 sur les glacis du Fort – et distribue des tracts et des journaux. Le groupe est victime d’une dénonciation (« …à la suite de renseignements confidentiels »).
Le 3 septembre 1941, Guy Gratiot est arrêté une première fois par des agents du commissariat de la circonscription d’Ivry, comme Pierre Raunier puis Raymond Blais. Le 15 novembre 1941, il bénéficie d’un non-lieu et est relâché, comme ses deux camarades.
Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile – chez ses parents -, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine et visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Guy Gratiot est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée (suivant un ordre de Hitler) en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée d’occupation.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Guy Gratiot est enregistré à Auschwitz ; probablement sous le numéro 45629, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée et identifiée en comparaison avec le portrait “civil” ci-dessus).
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Guy Gratiot.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [3]). (aucun des quatorze “45000” ivryens n’est revenu).
En août 1942, son père, René Gratiot, est arrêté par la police allemande et détenu au camp allemand du fort de Romainville jusqu’en septembre.
Les mentions “Mort pour la France” (27-6-1946) et “Mort en déportation” (J.O. du 23-3-1994) ont été portées sur l’acte de décès de Guy Gratiot..
Notes :
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite au Journal Officiel : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Guy Gratiot, c’est le 15 juin 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. La parution au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Archives municipales d’Ivry-sur-Seine, dossier individuel rassemblé par Michèle Rault, conservatrice, à partir de différentes sources, notamment policières.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection Mémoires, 2005, pages 150 et 153, 388 et 406.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, (BA ?).
Musée de la Résistance Nationale, Champigny-sur-Marne (94) : fiche de police de Guy Gratiot au commissariat d’Ivry-sur-Seine.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 409 (23604/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 7-12-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.