- IDENTIFICATION INCERTAINE
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Jean Guénon naît le 11 septembre 1916 au lieu dit Matrat, sur la commune de Clérac (Charente-Inférieure / Charente-Maritime – 17), fils de Marguerite Guénon, 20 ans, et de père inconnu (« enfant naturel »).
Le 3 février 1936, Jean Guénon est condamné à 18 jours de prison avec sursis pour mendicité en réunion.
Jean Guénon (ou Bastard ?) est de la classe 1936…
Au début de la guerre, il est domicilié au 17 impasse Terre-Nègre à Floirac, dans la banlieue bordelaise (33), et travaille comme manœuvre.
Il est célibataire.
Au cours de l’hiver 1940-1941, il travaille au Centre de rassemblement des travailleurs ruraux de Mios (33), dans la forêt des Landes, sur la rivière Eyre ; informations à compléter…. Le jeune homme quitte les lieux le 1er février. Après son départ, la direction du centre découvre « des brochures communistes à la place qu’il occupait dans un baraquement » et en informe la police française.
Le 5 mars 1941, des inspecteurs perquisitionnent son domicile à Floirac et y trouvent sa carte d’adhésion au Parti communiste et un « catalogue d’ouvrages à caractère révolutionnaire ». L’enquête menée alors sur son compte permet de recueillir des témoignages selon lesquels il s’était livré à une propagande communiste au Centre de Mios.
Il est aussitôt arrêté et conduit au Fort du Hâ, Maison d’arrêt de Bordeaux. Le lendemain 6 mars, il est déféré au Parquet pour infraction au décret du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes. Il est emprisonné jusqu’au 19 août.
Entre temps, le 29 mars 1941, il a été condamné par défaut à trois mois de prison pour vol (?) ; le 24 avril, le jugement était confirmé en appel.
Le 18 août 1941, à la veille de sa libération, le préfet de la Gironde prend un arrêté d’internement administratif en application du décret-loi du 18 novembre 1939. Le lendemain, Jean Guénon est interné au Centre de séjour surveillé de Beau Désert à Mérignac.
Le 13 avril 1942, les autorités allemandes d’occupation le transfèrent au Fort du Hâ. Quatre jours plus tard, le 17 avril, Jean Guénon est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; enregistré sous le matricule n° 3870, il est assigné au bâtiment A0.
Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Guénon est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Les dernières nouvelles envoyées à sa mère sont datées du 22 juin.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Jean Guénon est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45630 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Jean Guénon.
On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943 [1].
Le 18 octobre, puis le 30 octobre 1945, Guy Ulm, domicilié au 26 bis, rue de la Paix à Floirac, remplit un formulaire de Demande de recherches pour déporté du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés. Selon lui, Jean Guénon est brun, taille moyenne (1m65 environ), mince ; « jamais eu de nouvelles ». Comme motif pour l’arrestation de celui-ci, il indique : « détention d’armes et distribution de tracts ». Le 9 novembre suivant, dans un courrier adressé à la Direction de la captivité au ministère, il complète : « sans signe particulier » (donc, pas de lunettes ?).
Le 1er juin 1946, sa mère, Marguerite Guénon – qui habite alors au 82 cours Gambetta à Cénon – complète un formulaire de Demande formulée en vue d’obtenir la régularisation de l’état civil d’un “non-rentré”. Le 7 septembre, le ministère des anciens combattants et victimes de guerre établit un “Acte de disparition” au nom de Guénon Jean, que sa mère reçoit le 18 septembre.
Elle déclare qu’elle a deux enfants, mais « je n’ai de nouvelles ni de l’un ni de l’autre ».
Le 7 mars 1951, statuant sur une requête à lui présentée, le Tribunal Civil de Bordeaux rend un jugement par lequel il « déclare constant le décès survenu depuis juillet 1942 en Allemagne de Jean Guénon ».
Le 25 juin 1952, Marguerite Guénon complète un formulaire de Demande d’attribution du titre de déporté politique du ministère des anciens combattants et victimes de guerre. Le 10 décembre 1954, le ministère décide l’attribution de ce titre à Jean Guénon à titre posthume. La carte DP n° 1106.13948 sera envoyée à sa mère au titre d’ayant cause.
En mars 1955, la mention “Mort pour la France” est apposée sur l’acte de décès de Jean Guénon. La mention “Mort en déportation” y sera également ajoutée (J.O. du 17-05-1994).
Le nom de Jean Guénon n’est pas inscrit sur les monuments aux morts de Cénon et de Floirac (à vérifier…).
Notes :
[1] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Jean Guenon, c’est le mois de juillet 1942 « en Allemagne » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
– Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 364 et 406.
– Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier de Guenon Jean (21 P 459.674), consulté par Ginette Petiot (message 09-2017).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 14-11-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.