Henoch Hasmann (ou Hasman) naît le 19 juin 1890 à Varsovie (en Pologne annexée par la Russie tsariste), fils de Berka (Bernard) Hassmann, né vers 1844, et de Golda (Goldé) Kahelew (Kachel), née à Varsovie le 5 juin 1858, son épouse.
À une date restant à préciser, alors qu’Henoch est encore enfant, sa famille vient s’installer en France, avec la nationalité russe. Son frère, Léon Hasman, naît le 10 janvier 1894 à Paris 4e, chez leurs parents, domiciliés « de fait » au 5 rue du Figuier (quartier Saint-Gervais) « et de droit à Staszow (Russie) » (Pologne ?).
En 1911, Henoch, dit Henri, Hasmann, âgé de 21 ans, alors artisan tailleur, habite l’allée Nouvelle à Clamart (Seine / Hauts-de-Seine), avec plusieurs membres de sa famille : sa mère Golda, alors veuve ; son épouse (ou plutôt sa compagne ?) ; leur fille, Claire, née le 28 décembre 1910 à Clamart (Seine / Hauts-de-Seine) ; sa nièce Marie Leroi, née à Paris en 1892 ; son neveu Jacob Goldmann, né à Odessa (Crimée / Russie) en 1884 ; son autre neveu Bernard Goldmann, né à Paris en 1888 ; sa nièce Sarah Goldmann, né à Varsovie en 1887. La boutique de tailleur est installée à la même adresse.
En 1914, Henri Hasmann, alors mécanicien, est domicilié au 182, rue de la Convention (Paris 15e). Max Hasmann, 37 ans, né en 1877 à Varsovie, s’est installé avec sa famille comme tailleur au 4 allée Nouvelle.
Le 2 mai 1914 à Paris 15e, Henoch (Henri) Hasmann épouse Marie Rebecca Leroi, née le 19 avril 1892 à Paris 14e (22 ans), couturière, vivant avec lui et leur fille Claire, dont la reconnaissance est réitérée à cette occasion. Les témoins à ce mariage sont son frère Lazare Hasmann, 34 ans, né en 1880 à Varsovie, tailleur, domicilié 2 passage des Groux à Clamart, marié trois enfants, Max Hasmann, Simon Hasmann, 33 ans, né en 1882 à Varsovie, mécanicien, domicilié 8 rue des Roissys à Clamart.
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié rue d’Hastings à Dives-sur-Mer (Calvados – 14), pensionnaire chez un artisan mécanicien qui l’emploie comme ouvrier.
Selon une source, le 11 septembre 1914, à Paris, Henri Hasman s’engage volontairement au « 1er régiment étranger d’infanterie, en section hors rang » ; peut-être plus exactement au 1er régiment de marche de la Légion étrangère (à vérifier…). Mais, le 20 avril 1915, il est réformé n° 2 par la commission spéciale du Rhône.
En 1921, Henri Hasman habite au 134 bis, avenue Victor-Hugo à Clamart. Il est artisan mécanicien et Marie est couturière (chez Petit ?).
Sa mère, Golda Hasman, décède le 2 juin 1933 au 10 rue des Royers, à Clamart, chez son petit-fils, Bernard Goldbaum.
Le 7 novembre 1933 le tribunal civil de Pont-L’Évêque (Calvados – 14) prononce le jugement de divorce d’avec son épouse.
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Henri Hasmann est domicilié rue d’Hastings à Dives-sur-Mer (14), alors pensionnaire (?) chez un artisan mécanicien qui l’emploie comme ouvrier.
Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, il est arrêté à son domicile par la police française. Inscrit comme Juif sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan – 14) [1], il est conduit à la gendarmerie de Dives.
Le 4 mai, remis aux autorités d’occupation, il est au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados. Il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandise de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le 5 mai, en soirée. Henri Hasmann est très probablement interné dans le secteur “juif” du camp (camp “C”).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Henri Hasmann est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46286 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Henri Hasmann.
Il meurt à Auschwitz le 27 juillet 1942, selon les deux registres du camp (appel, décès) ; trois semaines après l’arrivée de son convoi, âgé de 52 ans.
Le nom d’Henri Hasman n’a pas été inscrit sur le monument du cimetière communal de Dives-sur-Mer dédié Aux victimes des camps de concentration nazis (constat année 2000).
Le 26 août 1987 est inaugurée une stèle apposée par la municipalité de Caen sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi.
Le nom d’Henri Hasmann est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen côté avenue Albert Sorel afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
Henri Hasmann est inscrit sur une des dalles, année 1942, du Mur des Noms au sein du Mémorial de la Shoah, au 17 rue Geoffroy-l’Asnier à Paris 4e.
Notes :
[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).
Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine – 93) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).
Sources :
Son nom (prénom orthographié « Henrich ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice biographique par Claudine Cardon-Hamet page 126.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 65, 74, 362 et 407.
Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, paru pour la première fois aux éditions Charles Corlet en 1992.
Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, page 151.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 429 (16808/1942).
MémorialGenWeb, fiche individuelle.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-07-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.