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Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Jean, Charles, François, Hugues naît le 26 juin 1911 à Paris 14e, fils de Joseph Hugues et de Marie Bassède.

De la classe 1931, il effectue son service militaire au 21e régiment d’infanterie à Chaumont(-en-Bassigny, Haute-Marne).

Le 26 mars 1936, Jean Hugues entre comme machiniste au Théâtre national de l’Opéra (palais Garnier) à Paris 9e.

La salle de l’Opéra de Paris vue depuis la scène. Carte postale colorisée des années 1900, probablement d’après une gravure de la fin du 19e siècle. Coll. Mémoire Vive.

La salle de l’Opéra de Paris vue depuis la scène.
Carte postale colorisée des années 1900, probablement d’après une gravure de la fin du 19e siècle. Coll. Mémoire Vive.

Pendant un temps, il habite au 43, avenue Reille, à Paris 14e.

En 1936, il adhère au Parti communiste, mais reste discret sur son engagement.

Sportif, il pratique à l’Union Athlétique Jean-Jaurès (UAJJ), affiliée à la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT).

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 25, rue Gassendi, à Paris 14e.

Au cours de la Drôle de guerre puis de la campagne de France, il est mobilisé dans un régiment de pionniers. Démobilisé en juillet 1940, il retrouve son emploi à l’Opéra.

Le 19 octobre 1940, à 23 h 15, la nuit étant tombée, Jean Hugues est interpellé sur l’avenue du Maine (Paris 14e), à hauteur de la rue du Château, par deux gardiens de la paix du commissariat du quartier Plaisance, alors qu’il circule à bicyclette. Quand ils fouillent sa musette, les agents trouvent des tracts et des papillons communistes, un cachet en caoutchouc imprimant le symbole de la faucille et du marteau, et un tampon humide. Ramené au poste pour y être interrogé, le militant reconnait qu’au moment de son arrestation il s’apprêtait à coller des papillons qui lui auraient été remis boulevard Raspail (Paris 14e) par une nommée Andrée. Son appartement fait l’objet d’une perquisition au cours de laquelle sont trouvés deux cartes du parti communiste 1939-1940 à son nom, et un lot de brochures et de livres. Le lendemain, 20 octobre, plutôt que pour infraction au décret-loi français du 26 septembre 1939, le commissaire décide d’inculper Jean Hugues pour infraction à l’ordonnance allemande du 20 juin 1940 (« apposition de tracts non visés par la censure ») et de le mettre à la disposition de l’autorité militaire d’occupation. Le machiniste de l’Opéra demande que sa bicyclette, son sac de porteur avec son contenu, un câble antivol, une lampe électrique, une paire de gants et un trousseau de neuf clés, soient restitués à sa mère, employée aux PTT, demeurant au 152, avenue du Maine. Le commissaire de police le fait conduire en premier lieu au dépôt de la préfecture. Peut-être Jean Hugues est-il écroué ensuite à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le 7 novembre, il est remis aux autorités allemandes qui le transfèrent à la prison militaire du Cherche-Midi, réquisitionnée pour leur usage. Il est relâché six semaines plus tard.
Le 3 mai 1941, à Paris 6e, Jean Hugues se marie avec Marguerite Lény, née en septembre 1906, ouvreuse au Théâtre Montparnasse. Ils ont un fils, Jean-Pierre, né le 10 novembre suivant.

Le 28 avril 1942, Jean Hugues est arrêté à son domicile par la police allemande et la police française, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Avec lui sont arrêtés neuf de ses camarades (dont R. Deslandes), qui seront eux aussi des “45000” : ils sont conduits dès le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C. L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

La caserne de Royallieu en 1957 ; au deuxième plan, les six grands bâtiments alignés du quartier C.
L’enceinte et les miradors du camp ont disparu (les deux hangars en bas à gauche n’existaient pas).

Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Hugues est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises.

Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Son épouse aurait de ses nouvelles à cette date : une message jeté depuis son wagon ?

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Jean Hugues est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45673 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).

Le 12 janvier 1943, son nom est inscrit sur un registre de l’infirmerie (Revier [1]).

Il meurt à Birkenau le 16 janvier 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).

En juillet 1943, un membre de sa famille sollicite les autorités françaises afin d’obtenir des informations sur son sort. La délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés interroge la préfecture de police. On croit alors savoir que sa destination a été la Haute-Silésie.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Notes :

[1] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 372 et 408.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 521.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : – Témoignages de la famille Deslandes – Témoignage de Madame Andrée Ponty, sœur de G. Ponty – Témoignage de Georges Marin (9/12/1991) – Article de M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n° 29, p. 72 (fév. 1989) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1449-17037) ; main-courant du commissariat de quartier de Plaisance, 18-4-40/10-1-41 (CB.56.42).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 479 (2476/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-06-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.