- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Alfred, Albert, Joly naît le 30 janvier 1912 à Calonne-Ricouart (Pas-de-Calais), fils d’Eugénie Alice Joly, 16 ans, « ménagère » Pour son inscription à l’état civil, en mairie, le nouveau-né est présenté par Alfred Joly, 62 ans, terrassier, domicilié rue de Marles à Calonne, où il est né. Comme témoins, deux voisins houilleurs.
Alfred Joly est boulanger.
Début 1936, il habite au 16 place de Morny à Deauville (Calvados – 14).
Le 13 février 1936, à Deauville, il se marie avec France Eugénie Alice Canivet, née le 7 octobre 1914 à Caen (14), qui habite déjà à la même adresse. Les témoins du mariage sont un autre boulanger et un secrétaire de police.
Au moment de son arrestation, il est domicilié dans la ferme des Chauvinières, sur la commune de Précigné, à 23 km de La Flèche (Sarthe – 72).
À des dates et pour un motif restant à préciser, il est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il s’y trouve le 31 décembre 1941.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Alfred Joly est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45689 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).
- Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».
« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Alfred Joly.
Il meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].
Alfred Joly est le seul déporté “45000” de la Sarthe.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Précigné – apposé contre le mur de l’église – ainsi que sur le monument érigé dans le cimetière, mais sans mention de sa déportation.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 29-09-1994).
Notes :
[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans lesannées qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Alfred Joly, c’est 10 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 370 et 408.
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; doc. IV-198.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 517 (38107/1942).
Site Mémorial GenWeb, 72-Précigné, relevé du Club 14-18 du collège Anjou de Sablé-sur-Sarthe (2007).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 27-05-2022)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.