Louis, François, Désiré, Lacour naît le 20 septembre 1901 à Flers (Orne), chez ses parents, Louis Cyrille Lacour, menuisier, 24 ans, et Pauline (?) Victorine Langlois, 23 ans, dévideuse chez Patry (textile) son épouse, domiciliés place de l’Hôtel de Ville. Il aurait une sœur, née en 1900.
Pendant un temps, alors qu’il habite au 4, cour Launay chez ses parents, Louis Lacour travaille comme débardeur à bord de bateaux. Il sera également cimentier.
Le 5 avril 1921, il est incorporé au 130e régiment d’infanterie afin d’y accomplir son service militaire. Le 29 décembre suivant, il passe au 21e régiment de tirailleurs algériens et part en campagne “au Levant” (en Syrie ?). Le 8 décembre 1922, il passe au 17e RTA. Le 1er avril 1923, il passe « dans la disponibilité », mais est maintenu provisoirement sous les drapeaux par application de l’article 33 de la loi du 5 mars 1921. Le 12 avril, il est porté déserteur, n’ayant pas rejoint son corps à l’issue d’une permission de rapatriement. Cependant, deux semaines plus tard, il est rayé des contrôles de la désertion, ayant été ramené au corps par la gendarmerie. Le 20 juin suivant, il passe au 13e régiment d’infanterie. Six jours plus tard, il est “renvoyé dans ses foyers”, sans certificat de “bonne conduite”, et se retire au 8 et 10, rue du Plâtre à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime).
En décembre 1927, il habite au 19, avenue du Maréchal-Pétain [sic] à Coutances (Manche).
Le 24 mars 1928, à la Lande-Patry, près de Flers, Louis Lacour épouse Renée Marie Lenoël. Ils auront trois enfants, dont Liliane, née le 25 juin 1928 à Flers.
En août 1930, la famille demeure au 14, rue Nationale à Flers. En mars 1933, elle est installée au 4, rue Vieille à Pont-l’Évêque (Calvados).
En septembre suivant, la famille est venue s’installer en région parisienne, au 108, rue du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). En mars 1938, ils sont au 233, rue Galliéni, dans la même commune.
Louis Lacour est embauché comme ouvrier spécialisé sur machine aux usines Renault de Boulogne-Billancourt du 5 juin au 4 juillet 1934, du 28 février au 28 juin 1935, du 27 novembre 1936 au 24 novembre 1938 et du 7 décembre suivant jusqu’au début de la Deuxième Guerre mondiale.
Pendant la période 1936-1939, il fait preuve d’une grande activité syndicale ; en 1939, il est délégué ouvrier suppléant.
Pendant un temps, il ferait partie de la commission exécutive centrale du Parti communiste (selon la police).
En novembre 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, la famille habite un logement au 76, boulevard Rodin à Issy-les-Moulineaux [1] (92).
Rappelé à l’activité militaire le 26 août 1939, Louis Lacour est affecté au dépôt d’infanterie n° 41. N’ayant pas été fait prisonnier pendant la campagne de France, il rentre « dans ses foyers » au mois d’août 1940. En novembre, il s’inscrit au bureau de chômage des usines Renault… où il est considéré comme un élément à ne pas reprendre.
Le 7 janvier 1941, le commissaire de police de la circonscription de Boulogne-Billancourt écrit au directeur des Renseignements généraux de la préfecture de police pour lui signaler Louis Lacour « aux fins d’internement […] communiste violent […] Dernièrement encore, il s‘est trouvé mêlé à une affaire de distribution de tracts, mais n’a pu être inculpé, quoiqu’ayant une activité certaine ». Les Renseignements généraux procèdent à une enquête. De son côté, le commissaire de Boulogne opère le 27 janvier une perquisition de son domicile qui se révèle infructueuse. En conclusion de leur rapport, les RG écrivent : « La situation de Lacour sera examinée en vue d’une prochaine mesure de concentration. » (internement)
Le 24 juin 1941, celui-ci est arrêté à son domicile par la police française sur arrêté du préfet de police en application du décret du 18 novembre 1939, comme des dizaines de suspects communistes de Seine qui sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], sis au 57 rue de Varenne à Paris 7e, – alors siège de la Geheime Feldpolizei (GFP) – pour y être « mis à la disposition des autorités d’occupation » [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville (sur la commune des Lilas – 93), élément du Frontstalag 122. Considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp, puis rapidement transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [4].
Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Lacour est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Louis Lacour est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45710 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Lacour.
Il meurt à Auschwitz le 31 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
À Issy-les-Moulineaux, son nom est inscrit sur le monument « à la mémoire des combattants et de toutes les victimes de guerre », place Bonaventure-Lecat, derrière la mairie.
- Sur une des stèles du monument d’Issy-les-Moulineaux,
les “45000” : Delbès Camille, Dumont Paul, Lacour Louis
et Rossignol Ernest. Cliché Mémoire Vive.
Notes :
[1] Issy-les-Moulineaux : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] L’hôtel Matignon : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).
[3] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :
Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du XIe arrondissement. Un crochet à l’hôtel Matignon puis c’est le transport jusqu’aux portes du Fort de Romainville où les prisonniers passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »
[4] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.
En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés en zone occupée par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht.
Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Fin août, 200 d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 382 et 409.
Archives départementales de l’Orne, site internet, archives en ligne : registre d’état civil de Flers, naissances 1899-1902 (3NUMCEC169/3E2_169_53), acte n° 195 (vue 222/324).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 30-18650) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1601-61041).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 684 (26273/1942).
Site Mémorial GenWeb, 92-Issy-les-Moulineaux, relevé de Jérôme Charraud (11-2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 28-12-2018)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.