Robert, Charles, Isidore, Lambotte naît le 11 décembre 1921 à Paris, fils de Jules Lambotte et de Charlotte Mirat.

Célibataire, il habite chez ses parents, au 2, rue Hassard à Paris 19e, à l’angle de la rue du Plateau.

Étudiant, il est néanmoins déclaré comme ajusteur-outilleur sur les registres du camp de Voves.

Membre des Jeunesses communistes, il participe à la création d’un groupe clandestin dans le quartier du Plateau, près des Buttes Chaumont, avec notamment les frères Cadet, Maurice (20 ans) et Jean (19 ans), de la rue de la Villette, membres de l’O.S. [1], fusillés le 26 novembre 1942.

Le 12 septembre 1940, Robert Lambotte est arrêté à son domicile par des inspecteurs de la police judiciaire pour distribution et placardage de tracts. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est conduit au Dépôt de la préfecture de police (la Conciergerie), puis écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er.
Tribunal correctionnel, un des porches du 1er étage.
(montage photographique)

Le 8 février 1941, lors d’une audience (dite « procès des cinquante ») au cours de laquelle sont jugés 50 militants et militantes communistes – dont dix-sept futurs “45000” – la chambre pour mineurs (15e) du Tribunal correctionnel de la Seine condamne Robert Lambotte à quatre mois d’emprisonnement. Comme les autres condamnés, il fait appel de la sentence le 28 février. Bien que sa peine soit couverte par la détention préventive effectuée, Robert Lambotte n’est pas libéré : dès le lendemain, – sur instruction des Renseignements généraux – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939.

Le 27 février suivant, il fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.

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Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 8 avril 1941, avec Marcel Andréas, Marcel Boyer, Louis Guidou, René Perrottet et Jules Vanzuppe, Robert Lambotte est l’un des huit internés de Clairvaux conduits à la Maison d’arrêt de la Santé en préalable à leur passage devant la cour d’Appel. Le lendemain, celle-ci confirme sa peine. Il est prévu qu’il soit ramené à Clairvaux, mais, le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant « complet », il reste interné à la Santé.

Le 25 septembre 1941, Robert Lambotte fait partie d’un groupe d’internés de la Santé transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.

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Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen.
Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le 7 février 1942, il est admis avec Jean Paupy au pavillon des malades contagieux de l’hôpital de Vernon, situé à treize kilomètres de Gaillon ; la maladie contractée ainsi que la date de son retour au camp sont inconnues.

Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février, Robert Lambotte figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.

Le 4 mai 1942, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule 296, il n’y reste que deux semaines.

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Musée de la Résistance Nationale, Champigny.
Fonds de l’Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant.
Droits réservés.

Le 20 mai, Robert Lambotte est du nombre des 28 internés que viennent chercher des gendarmes français. Quelqu’un annonce qu’ils sont condamnés à mort. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

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Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué
par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Lambotte est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30

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Les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. Cliché M.V.

Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Robert Lambotte est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45722 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).

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Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, au cours duquel ils déclinent leur profession (il se déclare serrurier), ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Robert Lambotte est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.

Assigné au Block 15, il est affecté au Kommando Schlosserei (serrurerie) avec son camarade inséparable, Lucien Penner. Puis, toujours avec lui à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres).

Robert Lambotte est contacté par Herman Langbein, l’un des dirigeants autrichiens du Comité international de Résistance. Il prend contact avec les “31000“, principalement Marie-Claude Vaillant-Couturier.

En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.

À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.

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Auschwitz-I. La cour séparant le Block 10 – où se pratiquaient
les expérimentations “médicales” sur les femmes détenues –
et le Block 11, à droite, la prison du camp, avec le 1er étage
de la “quarantaine”. Au fond, le mur des fusillés.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel -qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.

Le 23 février 1944, quatre “45000” sont transférés au KL Buchenwald : Robert Lambotte, Lucien Penner, Raymond Montégut et Camille Nivault (quelques jours après, arrive Charles Limousin, qui succombe presque aussitôt). Très malade, Robert Lambotte (matr. 34150) est hospitalisé au Revier, puis, un peu mieux portant, participe à la Résistance du camp, au Block 14, dont le responsable est Roger Arnould (qui découvre Auschwitz par son récit).

Transféré à au KL Neuengamme le 26 octobre 1944, Robert Lambotte est ensuite dirigé vers la mer Baltique, sur le canal de Kiel, dans un Kommando de la Mibau (ou de la DAW ?) qui fabrique des appareils de guidage d’avions : il rapporte que le régime y est moins dur, et que les rapports avec les ouvriers civils allemands y sont corrects. Mais il sabote discrètement les pièces qu’il contrôle.

Le 1er mai 1945, les SS s’étant enfuis, les déportés traversent le canal « en colonne par cinq » et rejoignent les troupes anglaises sur l’autre rive « sous la conduite d’un vieux soldat ». Le 26 mai, Robert Lambotte est rapatrié par Lille.

Il épouse Simone Sampaix, mais leur mariage ne dure pas.

Il témoigne devant la Commission d’Histoire de la Déportation.

Robert Lambotte devient ensuite journaliste à L’Humanité. Grand reporter, spécialiste de l’Afrique, il tient cette rubrique durant 38 ans.

Il est homologué dans la Résistance intérieure français (RIF) au grade fictif de sergent pour son appartenance au Front national.

À son décès, le 5 janvier 1984, à 63 ans, son journal publie de nombreux articles honorant sa mémoire.


La résistance dans le 19e, page 161

Le nez dans les cendres froides

Un ancien SS, un certain Hans Kroker, vient de porter plainte contre une journaliste ouest-allemande. Il s’estime diffamé car celle-ci, Mme Renate Harpprecht, a rappelé que ses parents avaient été exécutés par les nazis dans les chambres à gaz. Elle sait de quoi elle parle ! Elle a été enfermée à Auschwitz et à Bergen Belsen. Pour Hans Kroker, les chambres à gaz n’ont jamais existé. Il s’agit, écrit son avocat, d’« une fable horrible ».

Trop de preuves ont été apportées de la monstrueuse ingéniosité des nazis en matière d’extermination massive pour que l’existence des chambres à gaz puisse, un seul moment, être mise en doute. J’ai vécu à Auschwitz, comme des dizaines de milliers de déportés, j’ai vu construire ces sinistres usines à donner la mort. J’ai vu les trains arriver et fournir leurs cargaisons de condamnés. J’ai aussi, comme tant d’autres, respiré, le soir, la fumée nauséabonde des hautes cheminées de briques rouges. Près de quatre millions d’hommes, de femmes et d’enfants y sont passés.

Qu’on nous laisse, avec un groupe d’anciens d’Auschwitz, cet Untermench, toujours SS, vers ce qui reste de notre camp. Nous lui mettrions le nez sur le long chemin qui mène aux chambres à gaz et aux crématoires dynamités par ses amis avant leur fuite. Il est fait de menus fragments d’os carbonisés. Ce qui subsistait dans les dernières semaines des corps des suppliciés. Avant, les nazis en faisait de l’engrais. Ce qui est grave, c’est que ce mois de juin 1979, un ancien Waffen SS, puisse parler comme il le fait. Se faire gloire de son passé et sommer une ancienne déportée de le dédommager pour avoir dénoncer les crimes de ses pareils. Il n’a aucun complexe […].

Robert Lambotte (Auschwitz, matricule 45722)


Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 343, 346, 358, 374 et 409.
- Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 432.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Herman Langbein, qui désigne Robert Lambotte comme l’un des organisateurs du groupe français de Résistance d’Auschwitz – Souvenirs de Georges Gaudray, Roger Arnould et René Aondetto.
- Témoignage de R. Lambotte dans Tragédie de la Déportation, 1940-1945, témoignages choisis et présentés par Olga Wormser et Henri Michel Hachette, Paris 1954 : les éliminations par piqûres et les fusillades dans la cour entre les Blocks 10 et 11.
- Articles nécrologiques.
- Archives de Paris, archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941 ; jugement du samedi 8 février 1941, cote D1U6 3719.
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” : BA 2373 et 2374 (camps d’internement…) , BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941).
- Archives départementales de l’Eure, Évreux, camp de Gaillon, cote 89w1, recherches de Ginette Petiot (messages 08-2012, 03-2013).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Dominique Ghelfi, Contre l’oubli, témoignage daté de 1946, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Raymond Montégut, Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, 77-Ury, 349 p., pages 232.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Robert Lambotte, cote 1.1.01.22.812, recherches de Ginette Petiot (message 09-2012).
- 1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, pages 160 et 161, 165.
- Robert Lambotte, quelques articles parus dans L’Humanité : sur l’apartheid (9 avril 1973), sur l’état de l’Afrique Noire (mars 1971).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 17-06-2013)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] O.S. : organisation spéciale armée du Parti communiste clandestin créée à partir de septembre 1940, à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public, les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée.