Louis Eugène François Marie Laurent naît le 9 mai 1912 à Ploufragan, commune limitrophe de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor), fils de François Laurent, 31 ans, jardinier, et de Virginie Bellec, 25 ans, son épouse, domiciliés au lieu-dit Courtchamp. À sa naissance, Louis a déjà une sœur, Marie, née le 6 octobre 1908, et un frère, François, né le 2 février 1911.
Le 20 août 1914, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, leur père rejoint le 247e régiment d’Infanterie, partant “en campagne” huit jours plus tard. Le 14 octobre 1915, il est nommé caporal. Le 2 septembre 1916, il est cité à l’ordre de son régiment : « Excellent caporal, dévoué et très brave. S’est parfaitement conduit dans les journées du 28, 29 et 30 juin 1916, en assurant, malgré un violent bombardement, son service d’agent de liaison près de son chef de bataillon ». Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze. Le 16 août 1917, il est tué à l’ennemi à Bézonvaux (Meuse), “mort pour la France”. Le 20 novembre suivant, sa veuve reçoit un secours de 150 francs.
Le 6 mai 1919, Louis Laurent est adopté par la Nation (“pupille”) par jugement du Tribunal civil de Saint-Brieuc.
Le 12 novembre 1920 à Saint-Brieuc, leur mère, Virginie (32 ans), se remarie avec François Marie Le Mevel, 23 ans, ajusteur aux Chemins de fer de l’État, domicilié au 2 place d’Orléans à Saint-Brieuc ; elle vit déjà à cette adresse.
Changeant d’affectation au cours de l’été 1927, François Le Mevel vient s’installer dans la proche banlieue sud de Paris. En 1937, il se déclarera comme électeur domicilié au 196 avenue de Paris à Chatillon (Seine / Hauts-de-Seine – 92).
Au printemps 1936, Louis Laurent habite au 173 route de Montrouge à Malakoff (92).
Tourneur sur métaux, il travaille de manière irrégulière et pointe à plusieurs reprises au chômage.
À partir de 1937, il vit maritalement avec mademoiselle Catherine Marie G.
Du 27 juin au 11 juillet 1939, il travaille aux Établissements Edmond Ragonot (moteurs électriques), 13 route de Montrouge à Malakoff, puis du 26 juillet au 11 septembre, à la Compagnie Alsthom, 363 rue Lecourbe (Paris 15e).
Peu après, Louis Laurent est rappelé au 44e bataillon de chasseurs, restant « neuf mois dans les premières lignes et aux avant-postes », peut-être blessé.
Du 20 novembre au au 18 décembre 1940, il est employé par l’entreprise électrique C.G.L., au 100 rue de la Convention (Paris 15e).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 59 avenue Pierre Larousse à Malakoff.
Le 17 janvier 1941, Louis Laurent est arrêté par la police française (des agents du commissariat de police de la circonscription de Vanves ?) alors qu’il participe à une manifestation devant la mairie de Malakoff « ayant pour but de réclamer une augmentation de la ration de charbon ». « Une perquisition effectuée à son domicile, à cette époque » (sic), amène la découverte du tract communiste Peuple de France, un appel signé de Maurice Thorez et Jacques Duclos, dont il dira « qu’on [lui] avait glissé au-dessous de [sa] porte », et un exemplaire clandestin de La Tribune des Cheminots de décembre 1940. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Louis Laurent est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e) sous mandat de dépôt. « Trois semaines après », le parquet de la Seine déciderait sa mise en liberté provisoire (?). Mais celle-ci n’advient pas.
Le 9 février 1941, le nom de Louis Laurent est inscrit sur une liste de douze militants de la Seine déjà appréhendés qui sont placés en internement administratif par le préfet de police en application du décret du 18 novembre 1939 et « astreints à résider dans l’établissement de Clairvaux (Aube) », en l’occurrence dans un quartier réservé de la Maison centrale ; huit de ces internés seront déportés avec lui. Louis Laurent y est enregistré sous le matricule n° 222.
Le 30 mars suivant, il écrit au ministre de l’Intérieur pour solliciter sa libération effective.
Le 18 juillet, après avoir questionné le commissariat de police de Vanves qui le présente « comme un militant communiste provocateur, ayant une morale suspecte… », les services de la préfecture concluent en répondant au ministère : « La libération de Laurent ne saurait être envisagée actuellement. »
Le 26 septembre 1941, il est parmi les cinquante détenus administratifs de Clairvaux transférés au camp de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.
Le 5 mars 1942, Louis Laurent fait partie d’un groupe de seize internés transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Laurent est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, il est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45733 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Laurent est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En effet, à une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Louis Laurent meurt à Auschwitz le 18 décembre 1942, d’après un registre du camp (à vérifier…) ; son prénom est germanisé en « Ludwig ».
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 370 et 410.
Conseil départemental des Côtes-d’Armor, site internet, archives en ligne : registres des naissance de Ploufragan, année 1897, acte n° 16 (vue 82/199), année 1912, acte n° 27 (vue 16/35) ; registre de recensement de population année 1911 (vue 72/90) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de recrutement de Saint-Brieuc, classe 1900, matricule n° 1450 (vue 621/709) ; registre des mariages de Saint-Brieuc, année 1920, acte n° 24 (vue 25/190).
Conseil départemental des Hauts-de-Seine, site internet, archives en ligne : registre de recensement de population de Malakoff, année 1936 (vue 84/236).
Archives de Paris, site internet : liste électorale de 1938 (D4M2 509).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet de police (1 W 734-27519).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, site internet (en anglais), moteur de recherche des détenus.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 19-02-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.