Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Auguste, Lucien, Lazard [1] naît le 27 janvier 1901 à Saint-Maur-des-Fossés [2] (Seine / Val-de-Marne – 94), fils d’Émile Lazard, 28 ans, blanchisseur, et de Céline Noirot, son épouse, 27 ans, blanchisseuse, domiciliés au 23, rue du Chemin-Vert.

Le 14 mars 1925 à Villejuif [2] (94), Auguste Lazard se marie avec Gilberte Jardé.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 10, rue Saint-Roch à Villejuif.

À partir de 1922, Auguste Lazard est blanchisseur à l’asile d’aliénés de Villejuif (aujourd’hui C.H.S. Paul-Guiraud).

Entrée de l’asile de Villejuif (aujourd’hui hôpital Paul Guiraud).  Carte postale oblitérée fin août 1930. Coll. Mémoire Vive.

Entrée de l’asile de Villejuif (aujourd’hui hôpital Paul Guiraud).
Carte postale oblitérée fin août 1930. Coll. Mémoire Vive.

Il est secrétaire adjoint de la section syndicale de l’asile.

En mai 1940, il est arrêté, pour un motif restant à déterminer, puis relâché.

La police française le considère comme un « propagandiste très actif parmi ses camarades de travail ».

Le 15 novembre, il est licencié de son emploi à l’hôpital.

Le 6 décembre, Auguste Lazard est appréhendé par des agents du commissariat de Gentilly [1] lors d’une vague d’arrestation collective visant 69 hommes dans le département de la Seine, dont plusieurs autres employés de l’asile : Henri Bourg, Roger Gallois, René Herz, et René Balayn, Gaston Pelletier qui seront déportés avec lui. Dominique Ghelfi, employé municipal à Villejuif, est aussi du nombre. D’abord conduits à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ils sont internés administrativement – le jour même – au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement. Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

Aincourt. Le sanatorium de la Bucaille. Au premier plan, le pavillon qui fut transformé en camp d’internement.
Carte postale oblitérée en 1958. Coll. Mémoire Vive.

L’administration du camp lit systématiquement la correspondance des détenus et y relève toutes les informations concernant leur état d’esprit à titre individuel ou collectif. Le 12 juillet 1941, après l’invasion de l’URSS par le Reich, le directeur du CSS d’Aincourt adresse un rapport au préfet de Seine-et-Oise avec plusieurs extraits des lettres interceptées en lui faisant « connaître que, depuis la guerre germano-soviétique, [il] communique tous les matins, à Laurent Darnar, la presse parisienne. Ce dernier fait un extrait succinct et objectif des informations que [le directeur fait] afficher ensuite à l’intérieur du Centre. Ce procédé représente l’avantage de [lui] éviter toute critique personnelle dans la rédaction de ce communiqué et a fini de discréditer complètement l’interné Laurent Darnar aux yeux de ses anciens camarades… ». Le 26 juillet, le préfet de Seine-et-Oise écrit à Joseph Darnand, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur, pour lui transmettre « les réactions suscitées par ce communiqué ». Auguste Lazard, de Villejuif, a écrit : « … les évènements internationaux se précipitent et l’échéance approche des “pas de l’ours”. Encore un peu de patience, car à présent il est sûr que cette sombre tragédie se termine au mieux des intérêt de notre belle France et de son peuple  ».

Le 5 mai 1942, Auguste Lazard fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 466, il ne reste que cinq jours dans ce camp.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le 8 juillet, Auguste Lazard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45738 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Auguste Lazard est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Auguste Lazard meurt à Auschwitz le 23 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès (J.O. du 10-02-1994).

Notes :

[1] Son patronyme est parfois orthographié à tort “Lazare”.

[2] Saint-Maur-des-Fossés et Villejuif : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Auguste Lazard, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a finalement été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

 

Sources :

- Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 389 et 410.
- Archives départementales du Val-de-Marne, site internet, état civil de Saint-Maur-des-Fossés, registre des naissances de l’année 1901, acte n° 38 (cote 1MI 2653 1, vue 14/172).
- Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “occupation allemande” :  communistes fonctionnaires internés…, liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940, par application de la loi du 3-09-1940 (BA 2214) ;  liste des internés communistes (BA 2397).
- Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux, camp d’Aincourt (1W71).
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 699 (24637/1942). J.O n° 34 du 10 février 1994 page 2296
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block 16.
- J.O n° 34 du 10 février 1994, page 2296, Ministère des anciens combattants et victimes de guerre, arrêté du 9 décembre 1993 portant apposition de la mention « Mort en déportation » ainsi que les rectifications des dates et lieux de décès sur les actes de décès : « Lazard (Auguste, Lucien), né le 27 janvier 1901 à Saint-Maur-des-Fossés (Seine), décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise). »

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 20-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.