- Collection de l’Association de Recherche
pour la Mémoire de la Résistance
en Eure-et-Loir (ARMREL).
Droits réservés.
Marcel, Louis, Le Fèvre [1] naît le 3 janvier 1895 à Levallois-Perret [2] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Auguste Le Fèvre, 25 ans, peintre en bâtiment, et Anna Thillmany, 26 ans, blanchisseuse, domiciliés au 112, rue Victor-Hugo ; le couple se marie à Puteaux (72) le 6 novembre 1899.
Pendant un temps (en 1911), Marcel habite avec ses parents au 31, rue du Landy, à Clichy (92), et commence à travailler comme peintre en bâtiment, chez un autre artisan que son père (Lacroix).
Le 10 septembre 1914, à la mairie de Clichy, il s’engage pour la durée de la guerre, rejoignant le 111e régiment d’infanterie trois jours plus tard. Le 10 janvier 1915, il passe au 2e régiment de tirailleurs algériens. Le 5 avril 1917, il est nommé caporal. Le 17 avril 1917, dans le secteur du Godat, région de Reims, il est blessé par éclat d’obus au bras et à la jambe gauches. Il est évacué vers l’arrière, soigné puis envoyé en convalescence. Il reçoit la Croix de guerre.
Le 26 mars 1918, à Clichy (92), Marcel Le Fèvre se marie avec Augustine Mélanie Walter, née le 17 octobre 1895 à Clichy, brocheuse, habitant jusque-là chez ses parents, au 31, rue du Landy.
Le 2 mai 1918, la commission de réforme du Rhône central le propose pour changement d’arme vers l’artillerie lourde à tracteurs pour « fatigabilité à la marche par cal gros et douloureux consécutif à fracture de la jambe au tiers contractée au cours des opérations ». Le 26 ou 28 mai suivant, dans le secteur de Domart (Somme), il est commotionné et intoxiqué par des gaz de combat (Ypérite). Il est évacué. Le 29 mai 1918, il est nommé sergent (ou maréchal des logis). Le 12 mars suivant, il passe au 54e régiment d’infanterie. Il retourne au front le 3 juillet 1918. Démobilisé et mis en congé le 1er septembre 1919, il se retire à Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir), titulaire d’une certificat de bonne conduite.
Le 23 juin 1919, Gisèle Marcelle Victoire, première enfant de Marcel et Augustine Le Fèvre, naît à Clichy. Fin septembre cette année, ils habitent toujours au 31, rue du Landy.
En juin 1921, ils habitent au château de Maison-Rouge, aux Alleux (Ardennes – 08) [3]. En janvier 1926, ils habitent au Chesne (08).
À la mi-novembre 1926, ils ont déménagé pour la rue de la Gare à Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir). Marcel Le Fèvre est établi comme artisan peintre en bâtiment.
Son fils André naît en 1928 à Saint-Rémy.
- Saint-Rémy-sur-Avre après-guerre.
Cartes postales recadrées. Collection Mémoire Vive.
Au printemps 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Le Fèvre est domicilié avec sa famille place de l’Église à Saint-Rémy-sur-Avre.
Il est militant du Parti communiste.
Le 3 ou le 4 juillet 1941, Marcel Le Fèvre est arrêté comme communiste et conduit à la Maison d’arrêt de Chartres. Il est probablement rapidement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) [4].
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marcel Le Fèvre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45764 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Le Fèvre.
Il meurt à Auschwitz le 19 août 1942, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp [5], alors qu’a lieu une grande sélection des inaptes au travail à la suite de laquelle 146 des 45000 sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [6]). La cause mentionnée pour son décès – tout en pouvant être mensongère – est crédible : typhus exanthématique (Fleckfieber), maladie propagé par les poux dans un contexte de surpopulation des Blocks, et d’hygiène inaccessible.
Germain Houard, de Chartres, qui a probablement suivi le même parcours, Président de la FNDIRP départementale jusqu’à son suicide en 1965, a témoigné du sort de Marcel Le Fèvre.
Sa veuve, Augustine, a une carte FDR (?) 101016593.
Le nom de Marcel Le Fèvre (« assassiné par les Allemands ») est inscrit sur le Monument aux morts de Saint-Rémy-sur-Avre, au croisement de la rue E.-Raymond et de l’avenue du Pré-de-l’Église.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1994).
Notes :
[1] Son patronyme est parfois noté Lefevre, en un mot.
[2] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[3] Par arrêté du 30 novembre 2015 et à compter du 1er janvier 2016, Les Alleux fusionne avec Le Chesne et Louvergny pour créer la commune nouvelle de Bairon-et-ses-Environs.
[4] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[5] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Marcel Le Fevre, c’est le 15 septembre 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
[6] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 150 et 153, 363 et 408.
Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Levallois-Perret, année 1895 (E NUM LEV N1895), acte n° 13 (vue 5/301).
ARMREL/Sentinelles de la Mémoire, informations tirées du fonds déposé aux Archives Départementales par la FNDIRP (cote 27J6), transmises avec l’autorisation de Roger Pinot, président de la FNDIRP 28 – Entretien avec Richard Philippe, ancien résistant du Réseau Hunter (24-01-2008) – Opération Sentinelles (9-01-2008).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 284 (21832/1942), « Fevre Le ».
Site Mémorial GenWeb, 28 – Eure-et-Loir, Saint-Rémy-sur-Avre, relevé de Patrick Caulé (2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 14-11-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.