Maurice, François, Le Mignan naît le 26 janvier 1898 à l’hospice civil de Lorient (Morbihan – 56), fils de Marie Françoise Le Mignan, 20 ans 1/2, célibataire, domestique, demeurant à Plouhinec. Le 31 janvier 1908, l’enfant de dix ans est reconnu et légitimé par le mariage à Riantec de sa mère, alors agricultrice au lieu dit Kerverne sur cette commune, avec Toussaint Le Gal, 35 ans, manœuvre, alors domicilié à Kerentrech-Lorient.
À partir de 1893, celui-ci s’était engagé volontairement, à plusieurs reprises, dans l’infanterie de marine, partant combattre au Tonkin et en Annam.
En mars 1898, la nouvelle famille habite au lieu-dit Talhouët à Riantec, section de Locmiquélic. L’année suivante, ils habitent rue de la Côte-d’Alger à Lorient. Au premier semestre 1909, son frère Julien Corentin naît à Lorient.
À la mi-juillet 1909, ils habitent au 3 (grande) place Saint-Gilles à Caen (Calvados – 14). Toussaint Le Gal devient éclusier, employé de l’administration des Ponts-et-Chaussées.
Peu avant la Première Guerre mondiale, la famille habite au cours Montalivet à Caen-Est, sur la rive droite de l’Orne.
Le 21 septembre 1916, à la mairie de Caen, Maurice Le Gal – âgé de 18 ans et demi – s’engage volontairement pour quatre ans comme matelot de 3e classe au 1er Dépôt des équipages de la Flotte (Marine nationale). Le 22 mai 1917, il passe matelot de 2e classe breveté électricien. Le 1er octobre 1918, il passe quartier-maître électricien. Le 16 février 1920, il est « renvoyé dans ses foyers en congé illimité sans solde et sans frais de route », et se retire chez ses parents dans le quartier du Nouveau Monde à Mondeville, au nord-est de Caen, son père étant alors éclusier au pont de Calix, sur le canal de Caen à la mer (celui-ci père y sera encore en poste en 1936).
Le 25 avril 1922, à Démouville (14), Maurice Le Gal se marie avec Fernande Berthe Eugénie Binet, née le 5 février 1895, 27 ans. Ils auront un enfant.
Contremaître électricien (chef de quart) à l’Union Électrique de l’Ouest (la Centrale thermique de Caen), Maurice Le Gal est responsable du Syndicat de l’Électricité à Caen (CGT).
À partir de la mi-juillet 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 33, rue Anatole-France à Mondeville, agglomération de Caen.
Dans la nuit du 1er au 2 mai 1942, Maurice Le Gal est arrêté par la police française ; il figure comme “communiste” sur une liste d’arrestations exigées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du deuxième déraillement d’un train de permissionnaires allemands à Moult-Argences (Airan) [1].
Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est emmené au “petit lycée” de Caen où sont rassemblés les otages du Calvados. Le 4 mai au soir, il fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandises de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai, en soirée.
Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Le Gal est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Maurice Le Gal est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45767 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Maurice Le Gal est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En correspondance avec son métier, il est affecté au Kommando Elektriker, avec André Montagne et Jean-Antoine Cortichiatto, dit “Napoléon”, et assigné au Block 15 A.
Fin août-début septembre, avec A. Montagne, ils installent à Birkenau une ligne destinée à alimenter en énergie électrique le chantier de construction d’un nouveau bâtiment : ils apprendront plus tard qu’il s’agit du Krematorium III.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Maurice Le Gal est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Pour le partage des colis, Maurice Le Gal fait équipe avec Eugène Baudoin, Marcel Cimier et Roger Pourvendier.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Maurice Le Gal est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.
Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [2] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. Maurice Le Gal y est enregistré sous le matricule 94267. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66.
En février 1945, Maurice Le Gal affecté au Kommando Heinkel, avec Marceau Lannoy, d’Aubervilliers, et Charles Lelandais, de Caen, puis à celui de Trebnitz.
Au début du mois de mai 1945, lors de l’évacuation à marche forcée de ce dernier camp, Maurice Le Gal meurt sur la route en direction de Hambourg (nord de l’Allemagne).
En France, par un jugement rendu le 22 octobre 1947 par le Tribunal civil de Caen, il est déclaré “mort pour la France” le 31 décembre 1944.
Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.
Le nom de Maurice Le Gal est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
Notes :
[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).
Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au fort du Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).
[2] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, pages 70, 81, 82, notice par Claudine Cardon-Hamet page 127.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 410.
Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 130 (n° 38) et 138 et 138.
Journal de Marcel Cimier, Les incompris, publié en 1995 par les archives départementales et le conseil général du Calvados dans un recueil de témoignages rassemblés par Béatrice Poule dans la collection Cahiers de Mémoire sous le titre Déportés du Calvados (pages 82-115) ; note page 93.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 9-02-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.