Louis, Auguste, Gaston, Lecoq naît le 14 mai 1893 à Béthencourt-sur-Somme (Somme – 80), fils de Désiré Lecoq et de Marie Devarenne. Il a peut-être (au moins) deux sœurs, Claire, née le 12 février 1888, et Marguerite, née le 29 janvier 1902, et un frère, Désiré, né le 4 janvier 1889, tous trois à Béthencourt.
Pendant un temps, Louis Lecoq travaille comme « journalier cultivateur »
Le 1er octobre 1913, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 87e régiment d’infanterie, à Ham (80), afin d’y accomplir son service militaire, mais n’arrive au corps que le 28 novembre. Il connaît une interruption de service à partir du 9 mai 1914. Le 2 août, lorsque est publié le décret de mobilisation générale, il est rappelé dans son unité (6e brigade d’infanterie, 3e division d’infanterie, 2e corps d’armée), qui part combattre la IVe armée allemande en Belgique, lors de la Bataille des frontières. Dès le 17 août au soir, le premier bataillon du commandant Cussac est détaché en soutient auprès de la 9e division de Cavalerie avec laquelle il subit de lourdes pertes le 20 aux abords de Neuchâteau (Longlier). Le 28 août, Louis Lecoq, de la 2e compagnie, est fait prisonnier par l’armée adverse dans ce secteur. Au cours de sa détention, il apprend l’allemand. Le 29 décembre 1918, il est rapatrié « des régions envahies », puis envoyé en sursis d’incorporation aux Thilliers-en-Vexin (Eure). Le 28 janvier 1919, il est rappelé à l’activité au 87e R.I. Le 25 juillet suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et se retire à Rouen (« 23, rue Verte »), titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En mai 1921, il est domicilié à Suzanne, près de Péronne (80).
En décembre 1927, il habite à Grand-Couronne, au sud de l’agglomération de Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76).
En décembre 1936, l’armée le déclare maintenu en cas de mobilisation aux établissements Pétrole Jupiter, à Petit-Couronne, en qualité de machiniste.
Au moment de son arrestation, il est domicilié cité R-3 – rue Émile Bertain – au Trait (76), en bord de Seine, 25 km à l’ouest de Rouen (après la guerre, il habitera au 59, rue du Maréchal-Galliéni).
Le 10 septembre 1938, lors de la (2e ?) mobilisation du 2 août, il est toujours classé affecté spécial aux Pétroles Jupiter. La même année, probablement à la suite du mouvement de la fin novembre, il en est licencié « pour faits de grève ».
Par la suite, il est ouvrier métallurgiste, mécanicien, à l’entreprise Cloutiers et Ateliers de la Seine-Maritime (ACSM) du Trait.
Militant communiste, il est secrétaire de la cellule du Trait.
À une date restant à préciser, il est élu Conseiller municipal de cette commune. Il est déchu de son mandat à la suite de la loi du 20 janvier 1940.
Le 7 septembre 1939, il est classé affecté spécial de renforcement au titre des Établissements Kuhlamnn à Oissel (76). Il est « démobilisé » le 28 septembre 1940.
Interné au début de la drôle de guerre par les autorités françaises, Louis Lecoq est libéré à l’arrivée des troupes allemandes d’occupation (rapport des Renseignements généraux du 8-07-1952).
En octobre 1940, sous la direction de Georges Déziré, secrétaire départemental du PCF avant la dissolution, les militants du Trait tentent de reconstituer une cellule clandestine du Parti communiste. Louis Lecoq est peut-être entré en contact à cette occasion avec Maurice Billard et René Demerseman, qui sont arrêtés en novembre suivant.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Louis Lecoq…
Celui-ci regroupe plusieurs membres du Parti communiste clandestin et en devient le chef de section. Ils participent à la diffusion de tracts. Avec Roger Girot [2], Louis Lecoq projette la destruction du dépôt de munitions de l’armée allemande installé dans un bois près de Sainte-Marguerite, près de Duclair, dans lequel il semble alors travailler.
Mais, dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941, les gendarmes de la brigade de Duclair l’arrêtent à son domicile, ainsi que Roger Girot, René Talbot et six autres camarades, et les conduisent à la prison de Rouen. Louis Lecoq et Roger Girot supposent avoir été dénoncés, mais ils sont pris dans le cadre d’une grande vague d’arrestations de militants communistes de la région de Rouen décidée par l’armée d’occupation afin de se constituer une réserve d’otages [3].
Le 25 octobre, Louis Lecoq est conduit avec ses compagnons au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise) (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il est très lié avec André Tollet. Il a l’estime de ses compagnons, qui – plus jeunes que lui, comme Maurice Chaumond, le surnomment affectueusement : “Le Père Lecoq”.
- La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers
bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan, sur l’autre rive de l’Oise,
l’usine qui fut la cible de plusieurs bombardements
avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.
Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Lecoq est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Louis Lecoq est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45753 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard). Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.
Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le « camp souche ».« Arbeit macht frei » : « Le travail rend libre »
Carte postale. Collection mémoire Vive.
Là, assigné au Block A8, il est affecté au Kommando DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres). Parmi les plus âgés du convoi, à quarante-neuf ans (doyen des rescapés), il survit grâce à la reconnaissance de son savoir-faire technique : il monte et ajuste parfaitement le premier étau sorti de la fonderie.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Louis Lecoq est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”.
Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Louis Lecoq est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine”, au Block 10, en préalable à un transfert.
Le 29 août 1944, il est parmi les trente “45000” [5] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont affectés au Block 66. Louis Lecoq y retrouve Roger Girot, déporté en janvier 1943.
Début mai 1945, lors de l’évacuation de ce camp vers Schwering (Meklembourg), Louis Lecoq est libéré par l’Armée rouge, puis remis aux forces britanniques (?). Il est rapatrié par avion le 8 juin, avec Roger Girot, et passe par l’hôtel Lutetia, à Paris. À 52 ans, il est le plus âgé des rescapés.
En ami 1950, la commission de réforme de Rouen constate une invalidité inférieure à 10 % pour « crampes douloureuses des membres inférieurs, allégation d’œdème et de cyanose ».
Le 14 octobre 1950, Louis Lecoq remplit un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté politique. Le préfet de Seine-Inférieure rend un avis favorable pour la commission départementale et la carte n° 1176 0019 est établie le 16 mai 1953.
Le 18 juillet 1952, le préfet émet un avis défavorable à sa demande d’homologation d’appartenance à la Résistance intérieure française (RIF) de Louis Lecoq, suivant en cela un rapport d’enquête demandé aux Renseignements généraux et selon lequel « seule son appartenance politique [souligné en rouge] est la cause de son arrestation et de sa déportation ».
Louis Lecoq décède le 12 octobre 1965.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection Mémoires, Paris 2005, pages 182, 190, 348 et 350, 358, 376 et 410.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et les “31000” de Seine-Maritime réalisée à Rouen en 2000.
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Lecoq Louis Gaston (21 P 589 100), recherches de Ginette Petiot (message 06-2016).
Archives départementales de la Somme, Amiens, site internet du conseil général, archives en ligne, table décennale 1893-1902 de Béthencourt-sur-Somme (5MI_D16, vue 32/34) ; registre des matricules militaires, bureau de recrutement de Péronne, classe 1913 (cote 1R1071), n° 402 (trois vues).
Raymond Montégut (45892), Arbeit macht Frei, Éditions du Paroi (imprimeur), juin 1973, Recloses, 77-Ury, 349 p., pages 172, 157.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20-06-2016)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Roger Girot, né le 24 mars 1921 au Havre (76), déporté dans le convoi d’hommes parti le 24 janvier 1943 de Compiègne et arrivé le lendemain au KL Sachsenhausen, affecté au Kommando Heinkel, rescapé (source : Livre-mémorial de la FMD, I.74, tome 1, p. 617).
[3] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – dans un large périmètre autour de Rouen a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste).
Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés furent, en effet, remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941.
44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.
(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.
[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.
À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).
[5] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon(45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung(45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux(45756), Maurice Le Gal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais(45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin(45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté(45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean(45976) et Germain Pierron (45985).