Maurice, Paul, Gabriel, Lefebvre naît le 29 juin 1907 à Duclair (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76), sur la Seine, en aval de Rouen, fils de Gustave, Albert, Lefebvre, 31 ans, et d’Eugénie, Jeanne, Douyère, 24 ans, son épouse.
Le 22 mai 1913, son père décède à Duclair, âgé de 37 ans ; Maurice n’a pas 6 ans.
Le 17 octobre 1931, à Mesnil-sous-Jumièges (76), commune voisine située dans le méandre suivant en aval du fleuve, Maurice Lefebvre se marie avec Jeanne, Adolphine, Hélène, Gouard, née en 1913 ou en 1915 à Jumièges (76). Ils auront un enfant.
Au printemps 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Maurice Lefebvre est domicilié route de Caudebec à Duclair. Cette année-là, il est chaudronnier à la S.I.T.H. (?) ; Jeanne est ouvrière d’usine chez Mustad (?).
Entre le 21 et le 22 octobre 1941, Maurice Lefebvre est arrêté et interné en dernier lieu au camp allemand de Royallieu à Compiègne [2] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Lefebvre est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Maurice Lefebvre est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45760. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Lefebvre.
Il meurt à Auschwitz le 11 octobre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].
Il est homologué “Déporté politique”.
À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Duclair donne le nom de Maurice Lefebvre à une rue/avenue de la commune ; l’ancien quai de halage bordant la Seine (« Maurice Lefebvre, déporté et mort à Auschwitz, 1907-1942 »).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune, situé à proximité de l’église.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 9-04-1994).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transféré au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Maurice Lefebvre, c’est le 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 375 et 410.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Témoignage de René Demerseman (45453), rescapé – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Ville du Trait.
Laurent Quevilly, du Canard de Duclair – http://jumieges.free.fr – a transmis le portrait imprimé de Marcel Lefebvre (04-2022).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 704 (35335/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 18-08-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.