Charles, André, Legac naît le 28 novembre 1910 au 34, cité des Fleurs à Paris 17e, fils d’Élisa Legac, 20 ans, journalière, domiciliée 39, rue Louis-Blanc à Courbevoie (Seine / Hauts-de-Seine), et de père non dénommé. Le 19 janvier 1911, sa mère le reconnaît à la mairie du Petit-Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76), à l’ouest de Rouen, dans la boucle de la Seine, où elle est alors domiciliée dans la petite rue Galilée, dans la cité Lefevre.
Le 9 juin 1934 au Petit-Quevilly, Charles Legac se marie avec Lucienne, Angèle, France, Barbier. Ils auront une fille, Françoise.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 23, rue Thiers, au Petit-Quevilly.
Charles Legac est employé de bureau.
Il est un temps secrétaire de la section communiste du Petit-Quevilly.
Il est également secrétaire du Comité local du Front populaire.
Le 22 décembre 1940, après l’interdiction du Parti communiste puis l’invasion allemande, le commissaire de police du Petit-Quevilly l’inscrit sur une « liste des individus se livrant à une propagande en faveur des partis dissous » ; il est « fortement soupçonné » d’avoir participé à au moins une distribution de tracts clandestins.
Dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941, Charles Legac est arrêté à son domicile lors de la grande rafle de Rouen et de sa banlieue [2].
On peut penser que – comme les autres otages – il est transféré le 30 octobre de la caserne Hatry de Rouen au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise ), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Charles Legac est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45770. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Charles Legac est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En effet, à deux reprises, à des dates restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I, réservés aux malades contagieux.
Il meurt à Auschwitz le 23 novembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 45770.
En septembre 1946, l’état civil français le déclare décédé à la date du 5 octobre 1942 [4].
Il a été déclaré “Mort pour la France” (3/6/1947).
- Dans le cimetière communal
de Petit Quevilly.
Photo Mémoire Vive. D.R.
-
Son nom est également parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.
À une date restant à préciser, le conseil municipal de Petit-Quevilly donne le nom de Charles Legac à une rue de la commune.
- Cliché Mémoire Vive. D.R.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 17-05-1994).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – dans un large périmètre autour de Rouen a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. Tous les hommes appréhendés furent, en effet, remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.
(*) 150 selon 30 ans de luttes, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.
[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).
[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 410.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie réalisée à Rouen en 2000, citant : liste établie par Louis Jouvin (45697), du Grand-Quevilly – Témoignage de Robert Gaillard (45565), du Petit-Quevilly – Questionnaire de Lucien Ducastel (45491), du Petit-Quevilly (20/1/1988) – Mairie du Petit-Quevilly : acte de décès (17/9/1946), formule 3bis, n° acte 41, n° du registre 25, dossier n° 19097.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.