Léon, Victor, Eugène, Marie, Leriche naît le 14 février 1896 à Husson (Manche), fils de Denis Marie Auguste Leriche, 32 ans, et de Julie (dite Julina ?) Aline Marie Férouelle, 24 ans, domiciliés au lieu dit La Bazuraie.
Pendant un temps, Léon habite avec ses parents à la ferme du Fauconnier, à Saint-Patrice-du-Désert (Orne – 61). Il commence à travailler comme couvreur.
Le 8 avril 1915, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 26e bataillon de chasseurs à pied. Le 22 mars 1916, il passe à la 25e compagnie et rejoint le front (« aux armées »). Le lendemain, il passe à la 1re compagnie. Le 20 septembre suivant, il est évacué comme malade, puis admis à l’hôpital n° 3 de Barentin (Seine-Inférieure). Il rejoint le dépôt divisionnaire un mois plus tard. Du 13 juin 1917 au 17 décembre 1918, il connaît une « interruption de services » ; dans cette période, il aurait été porté déserteur, avant de rentrer volontairement (le 11 avril 1919, le conseil de guerre de la 28e division d’infanterie le condamne à deux ans de prison avec sursis). Le 12 avril 1919, il passe eu 13e BCP. Le 20 septembre suivant, il est mis en congé illimité de démobilisation et se retire chez ses parents, à Saint-Patrice-du-Désert, s’étant vu refuser un certificat de bonne conduite.
En mars 1921, il habite au 255 rue des Quinconces à Péronne (Somme). Le 25 avril 1921, à la mairie de cette ville, il se marie avec Madeleine Juliette Adrienne Morand, née le 13 septembre 1896 à Vimoutiers (61), journalière. Ils auront deux fils : Clément, né le 16 septembre 1925 à la Ferté-Macé, et Bernard, né le 31 juillet 1927 à Tinchebray.
En mai 1921, Léon Leriche déclare habiter avenue de Bonneuil à Golancourt (Oise), en octobre 1922, rue de l’Abbaye à Montbrehain (Aisne), en novembre 1924, au n° 11 rue du Long-Pot à Lille (Nord), en avril 1925, au 24 rue de la Teinture à la Ferté-Macé (61). Enfin, début juillet 1926, Léon Leriche déclare habiter rue Neuve-de-Vire à Tinchebray (61).
En juillet 1931, l’armée le classe “affecté spécial” au titre de la Société de distribution d’Électricité de l’Ouest, secteur de Couterne (61) en qualité de plombier chef gazier.
En 1931, les Leriche habitent dans la Grande-Rue de Tinchebray ; ils hébergent René Morand, frère de Madeleine, 25 ans, ébéniste chez Leboucher. En 1936, ils y logent toujours.
Léon Leriche devient chef de fabrication à l’usine à gaz de Tinchebray. En dernier lieu, la famille y habite probablement un logement de fonction.
Léon Leriche est communiste.
En avril 1941, il est arrêté, comme Eugène Garnier de Flers. En mai, ils sont traduits en justice devant un tribunal de Domfront (Orne) ; la suite est à vérifier (libération…).
Le 18 octobre 1941, à 6 heures du matin, Léon Leriche est de nouveau arrêté à son domicile par des Feldgendarmes, comme Louis Fernex et Eugène Garnier, dans le cadre d’une vague d’arrestations qui touche le département. Ils sont transférés à Alençon le jour même. Le lendemain, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Léon Leriche est immatriculé sous le matricule n° 1682 et assigné au bâtiment A3.
En décembre 1941, il est transféré à la Maison centrale de Caen. En janvier 1942, il comparaît devant la cour spéciale de Caen, qui prononce sa relaxe (à vérifier…). En février, il est reconduit au camp allemand de Compiègne.
Entre fin avril et fin juin 1942, Léon Leriche est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Léon Leriche est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45784, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Léon Leriche se déclare alors comme ouvrier métallurgiste (Metalarbeiter). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Léon Leriche est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il travaille dans le même Kommando qu’Eugène Garnier, étant tous deux logés au Block 17, lui au rez-de-chaussée, son camarade à l’étage.
Léon Leriche meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” (11,7 % des effectifs du convoi) sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [1]). La cause mensongère mentionnée pour son décès est « inflammation rénale » (Nierenentzundung).
Le 24 février 1944, son épouse, sachant que son mari a quitté le camp de Compiègne le 6 juillet 1942 « pour aller travailler en Allemagne » (sic), écrit à Fernand (de) Brinon, délégué général du gouvernement français : « Depuis cette date, je suis sans nouvelle de lui. Je suis très inquiète sur son sort. Je voudrais, Monsieur le Ministre, que vous puissiez faire le nécessaire pour me tirer de cette profonde détresse. » Elle est toujours domiciliée à l’usine à gaz…
Rapatrié le 10 mai 1945, Eugène Garnier va prévenir plusieurs familles de ses camarades de l’Orne disparus en déportation, notamment Madeleine Leriche, alors domiciliée au 2 rue Basse à Tinchebray.
Le 16 juillet suivant, E. Garnier rédige et signe une attestation témoignant du décès de Léon Leriche, qu’il estime être survenu dans la deuxième quinzaine de septembre 1942 (dans une attestation ultérieure, il le déclarera « sélectionné et gazé comme typhique »). Le lendemain 19 juillet, Madeleine Leriche transmet ce document au Ministère des Anciens combattants, en accompagnement d’un courrier par lequel elle sollicite une pension de veuve de guerre..
Le 3 juillet 1946, puis de nouveau le 17 septembre suivant, Madeleine Leriche, alors domiciliée au 2 rue Basse à Tinchebray, remplit et signe un formulaire de « Demande formulée en vue d’obtenir la régularisation de l’état-civil d’un “Non-rentré” ».
Dans cette période, une copie de l’acte de décès de Léon Leriche établi à Auschwitz (Sterbebücher) est enregistrée au Ministère des Anciens combattants et victimes de guerre.
Le 27 septembre, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des anciens combattants et victimes de guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel de Léon Leriche « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour », en reprenant la date et l’heure mentionnées sur l’acte du camp.
Le 17 février 1954, Madeleine Leriche, en qualité de conjointe, remplit et signe un formulaire de demande d’attribution du titre de déporté politique à son mari à titre posthume. À la rubrique “motif de la déportation”, elle complète seulement « activité anti-allemande ». Le 5 avril suivant, Émile Lechevallier, domicilié au 11 rue de Geôle à Tinchebray, rédige et signe une attestation témoignant de l’arrestation de son camarade. Le 24 juin, la préfecture du Calvados donne un avis favorable, validé le 5 juillet suivant par le directeur interdépartemental. Carte n° 11720117.
En novembre 1957, Léon Leriche est déclaré “Mort pour la France”.
Le 8 novembre 1976, le Conseil municipal de Tinchebray donne son nom à une rue de la commune. Celui-ci est également inscrit sur le monument aux morts, devant la mairie.
Madeleine Leriche décède le 9 janvier 1977, à la maison de retraite de la Ferté-Macé (Orne).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Léon (J.O. du 29-09-1994).
Notes :
[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 132.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 396 et 411.
Lieux de mémoire dans l’Orne, page 18 ; information communiquée par Hervé Barthélémy, de Rail et Mémoire.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 711 (31902/1942).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 476 462).
Site Mémorial GenWeb, 61-Argentan, relevé de Marylène Leprince (2003).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-02-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.