- (portrait extrait de la photo
de groupe ci-dessous)
Léon, Victor, René, Lochin est déclaré né le 29 décembre 1914 à Changé-les-Laval, à 4 km de Laval (Mayenne), fils de Charles Lochin et de Léontine Plumasse (ou Humasse). En réalité, il naît à l’intérieur de la gare de Toulouse alors que sa mère est en voyage. Celle-ci est accouchée par le docteur Charles, de Noisy-le-Sec, médecin de la SNCF lui-même en voyage… que Léon Lochin retrouvera vingt ans plus tard.
Célibataire, Léon Lochin est d’abord lithographe à Laval, puis cantonnier auxiliaire et chauffeur à Noisy-le-Sec [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93). Jusqu’à son arrestation, il est domicilié chez son frère, au 24, rue Henri-Barbusse à Noisy. Peut-être héberge-t-il également leur père, déclaré à leur charge.
Pendant un temps, Léon Lochin est secrétaire de la section des Jeunesses communistes de Noisy. Il sympathise notamment avec Jules Delesque, conseiller municipal.
- À gauche, Léon Lochin devant un char de défilé le 14 juillet 1939,
cent cinquantième anniversaire de la Révolution Française
(avec un groupe de Jeunes communistes de Noisy-le-S.).
Extrait de la revue Mémoire communiqué par Claude Delesque.
Entre autres activités, Léon Lochin participe aux rencontres de militants, comme celles qui se tiennent au café Dessertine, place Jeanne d’Arc, en face la mairie, qui possède une grande salle dans laquelle ont lieu nombre de manifestations plus ou moins officielles, ainsi que les réunions syndicales. En décembre 1938, Léon Lochin est également présent au dernier “Noël Rouge” organisé dans la mairie de Noisy.
Après l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939), la police française considère Léon Lochin comme un « agent très actif de la propagande clandestine ».
Le 31 août 1939, il est arrêté pour détention d’anciens tracts (édités en 1938), et écroué à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne).
Une procédure judiciaire est ouverte dans laquelle il est défendu par Maître Juliette Goublet. Afin qu’il puisse bénéficier d’un droit de visite, la fiancée de son camarade Paul Castel se déclare comme étant la sienne.
Lors de la débâcle de juin 1940, la prison est évacuée dans une colonne qui part à pied ; Léon Lochin en profite pour s’évader.
Revenu à Noisy, dorénavant occupée, il se fait « démobiliser » [sic] le 24 juillet 1940 par la brigade locale de gendarmerie.
Ensuite, il milite aux JC clandestines avec Rolland Delesque.
Le 1er septembre 1940, Léon Lochin est arrêté par les agents du commissariat de Noisy-le-Sec (« transport de ronéos »).
Son nom figure pourtant encore sur la liste établie pour la grande vague d’arrestations organisée le 5 octobre suivant dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), en application du décret du 18 novembre 1939 ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Le 22 octobre, Léon Cochin écrit au président de la Commission de vérification créée par l’article 3 du décret du 29 novembre 1939 (de fait alors abrogée…), en espérant une mesure favorable à son égard puisqu’il récuse toutes relations à motif politique et envisage un retour dans sa famille de Mayenne.
Le 26 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Léon Lochin, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’exprime pas explicitement son avis mais constate que cet interné est « signalé comme un des dirigeants de la propagande au Centre dans la section des “Jeunes” – actif – est resté communiste », ajoutant à sa décharge : « attitude correcte ».
Le 13 mars, le père de Léon Lochin écrit au préfet de Seine-et-Oise pour lui présenter une requête inconnue (demande de visite ou de libération…). Le 18 avril, le sous-préfet transmet la demande à la préfecture de police de Paris, direction des services de renseignements généraux.
Au cours de l’année, Léon Lochin fait partie des détenus auxquels la direction du camp propose de signer une déclaration de reniement du Parti communiste, à quoi il se refuse.
Le 20 mai, le bureau du personnel communal de la préfecture de la Seine écrit au cabinet du préfet de police, service des affaires de Sûreté, pour lui demander s’il est exact que le cantonnier Lochin, qui a cessé son service le 31 août 1940 sans préavis est détenu au centre d’Aincourt, ceci afin de régler définitivement sa situation
Le 12 novembre 1941, Léon Lochin est extrait du camp à la demande du Parquet de la Seine et conduit au dépôt de la préfecture de police, à Paris. Le 17 novembre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois d’emprisonnement pour infraction aux décrets des 24 juin, 28, 30 et 31 août 1939. Il est encore absent du camp le 3 décembre suivant, mais y joue à la belote avec des camarades le 25 janvier 1942.
Le 11 février, Léon Lochin fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupations” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre la fin avril et la fin juin 1942, Léon Lochin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages communistes et une cinquantaine d’otages juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (suivant un ordre direct d’Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Léon Lochin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45800 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943. En France, l’état civil a fixé la date du 31 décembre 1942 [2].
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux déportés sur le Monument aux morts de Noisy-le-Sec, situé dans l’ancien cimetière, sur la stèle 1939-1945, place du maréchal-Foch, et sur une plaque individuelle apposée à l’extérieur de la mairie (au titre d’employé communal).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 184 du 8-08-2008).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 367 et 411 (dans la liste, Léon Lochin est donné comme étant domicilié à Changé, son lieu de naissance).
Message e-mail de Jacques Beauné (29/1/2005), citant le “Mémorial des morts en déportation de la Mayenne”.
Claude Delesque, fils de Rolland dit “R2L” ; plusieurs messages (08 et 09-2011), texte Les lettres de Aincourt et les 45000.
Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, dissolution du PC, chemise “liste de personnes arrêtées” (BA 2447) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1117-56939).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w80, 1w135 (dossier individuel).
Site Mémorial GenWeb, 93-Noisy-le-Sec, relevés de P. Caulé (2000-2002), de Ch. Level-Debray (10-2003) et de F. Charlatte (05-2006).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 28-12-2018)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
Lors du recensement de 1906 à Changé-les-Laval, une famille Lochin habite le bourg, composée de : Charles Lochin, né en 1861 à Changé, carrier, casseur de bois chez Vessier, Victoire Janin, née en 1868 à Saint-Ouen-des-Toits, son épouse, journalière, leur fils Charles, né à Changé en 1888, rattacheur de fils de coton dans une fabrique chez Wagne à Laval, leur fille Hélène, née en 1901 à Changé (7/56).
[1] Noisy-le-Sec : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968). Aux élections municipales de 1935, Félix Routhier est élu maire de Noisy-le-Sec sur une liste du Parti communiste communiste.
[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir lesdocuments administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.