Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

René, André, Maillard naît le 15 mars 1896 à Notre-Dame-de-Bondeville, agglomération de Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76), chez ses parents, Émile Maillard, 35 ans, journalier, et Eugénie Aufray, 35 ans, demeurant au 37, impasse de la Paix.

Pendant un temps, il travaille comme ouvrier d’usine.

De la classe 1916, il s’engage volontairement pour quatre ans le 13 août 1914 à la mairie de Rouen. Le lendemain, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 24e régiment d’infanterie. Le 10 mars 1915, il passe au 119e R.I. Le 21 mars, il passe au 405e R.I.

Le 22 septembre 1917, à Notre-Dame-de-Bondeville, René Maillard se marie avec Adrienne Tassery, née le 12 février 1897 à Saint-Jean-du-Cardonnay.

Le 2 novembre 1917, René Maillard est porté disparu au bois Derlhy, secteur de Vaucresson (Aisne). Fait prisonnier par l’armée allemande, il est interné. Le 13 décembre 1918, il est rapatrié. Le 27 mars 1919, il passe au 39e R.I.  Le 19 septembre 1919, il est « mis en congé illimité de démobilisation » et se retire au 94, rue Berrubé, à Maromme (76), titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Les Maillard ont deux filles : Renée, née en 1920, et Antoinette, née en 1924, toutes deux à Notre-Dame-de-Bondeville (peut-être chez leurs grands-parents paternels ?).

En 1921, René Maillard est ouvrier de filature chez Gresland, usine locale. Adrienne est alors journalière chez Lombard (?).

En juin 1923 et jusqu’au moment de son arrestation, René Maillard est domicilié au 102, route de Dieppe à Notre-Dame-de-Bondeville. En 1926, il est journalier au Linoléum (entreprise étendant ses ateliers sur la commune du Houlme)… et c’est Adrienne qui est devenue ouvrière de filature chez Gresland !

René Maillard sera également terrassier.  Avant-guerre, il est employé par les établissements Van Leer, à Auffay (76).Il est adhérent de la CGT et du Parti communiste, à la cellule locale de Notre-Dame-de-Bondeville..

Il n’est pas mobilisé en 1939.

À partir de mars 1941, René Maillard est employé aux Ponts et Chaussées. Sa femme est alors ouvrière d’usine aux aciéries de Maromme et une de ses filles travaille aux Établissements Anceaume à Bapeaume-les-Rouen (76).

Le 22 octobre 1941, René Maillard est arrêté lors de la grande rafle de Rouen et de sa banlieue [2]. Plus tard, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, René Maillard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45814. Sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté René Maillard.

Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, selon le registre d’appel des détenus et l’acte de décès établis par l’administration SS du camp.

Il est homologué comme “Déporté politique”.

Ernestine décède à Houppeville (76) le 6 mars 1969.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de René Maillard (J.O. du 21-06-1994).

Notes :

[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.

[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire “A”, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tousles hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.

(*) 150 selon “30 ans de luttes“, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.

[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 412.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Liste établie par la CGT, p. 7 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
- Alain Alexandre et Stéphane Cauchois, Résistance(s), Rouen, sa région, la vallée du Cailly entre histoire et mémoire, 1940-1944, éditions L’écho des vagues, avril 2015, pages 23 et de 26 à 28.
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946 ; individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Lh à Q (51 W 419), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Archives départementales de Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1916 (cote 1 R 3435), matricule 2862.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 760 (21145/1942).
- Danièle Gillé, née Tassery, petite-nièce d’Adrienne Tassery et René Maillard (message 08-2015).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 21-08-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.