Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.  Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Fernand, Victor, Omer, Maison naît le 5 novembre 1894 à Amiens (Somme), chez ses parents, Joseph Maison, 40 ans, charron, et Victorine Fauvelle, son épouse, 27 ans, domiciliés au 24, avenue Garibaldi.

Puis la famille emménage au 66 rue de Villers à Notre-Dame-du-Thil [1] (Oise – 60).

Fernand Maison commence à travailler comme ajusteur-mécanicien.

Le 1er septembre 1914, il est mobilisé au 11e régiment d’artillerie lourde, qu’il rejoint une semaine plus tard. Le 4 octobre suivant, il passe au 2e régiment d’infanterie coloniale. Le 1er décembre, il est nommé caporal. Le 12 juin 1915, il passe au 6e régiment mixte du corps expéditionnaire d’Orient.
Le 14 octobre 1915, il est cité à l’ordre du régiment : « Toujours volontaire pour les missions périlleuses. A déjà fait deux patrouilles de nuit. A dirigé avec le plus grand calme l’équipe du fortin A 23. Est resté 1 h 20 en dehors du parapet et passant à certains endroits tout à côté des ouvrages turcs. » Il reçoit La Croix de guerre avec étoile de bronze.

CroixDeGuerre-etoileLe 29 novembre, il est nommé sergent. Le 4 mai 1917, il passe au 23e régiment d’artillerie coloniale. Le 15 avril 1918, il passe au 4e régiment d’artillerie coloniale. Le 10 août 1918, il passe au 12e bataillon malgache. Le 1er janvier 1919, il passe au 1er régiment de chasseurs malgaches.

Du 11 juin 1919, sans doute lors de sa démobilisation, il est classé dans l’“affectation spéciale” comme ouvrier d’atelier à la Compagnie des chemins de fer du Nord (jusqu’au 22 février 1922). Le 6 octobre 1922, la commission de réforme d’Amiens décidera du versement d’une pension temporaire de 10 % pour des accès de paludisme chaque mois, splénomégalie légère (augmentation anormale du volume de la rate), astigmatisme hypermétropique des deux yeux (non imputable au service), En 1924, la même commission maintiendra cette pension pour « séquelles de paludisme chronique avec accès fébriles se renouvelant tous les mois d’hiver ».

Le 12 juillet 1919 à Notre-Dame-du-Thil, Fernand Maison se marie avec Lucienne Rogeau, née le 29 avril 1901 à Beauvais, fille d’un ouvrier en tapis, elle-même employée de commerce.

Le couple a une fille, Lucienne Victorine, née le 23 juin 1920, dans un hôpital tenu par des religieuses au 63 rue Gambetta à Beauvais (60), en l’absence de son père.

En mars 1922, ils habitent à Abancourt.

Au printemps 1926, la famille est domiciliée au 4 rue Alfred Leblanc à Allonne (60). Fernand Maison est mécanicien chez Lefevre Edmond.

Fin novembre 1928, ils sont retournés habiter avec les parents Maison, au 66 rue de Villers à Notre-Dame-du-Thil. Fernand est mécanicien chez Delachapelle à Froissy, elle est tisseuse chez Lainé et Compagnie, dont l’usine est à Beauvais. Un proche voisin est employé à la Société du gaz de Beauvais…

En octobre 1933, ils sont domiciliés au 12 impasse Sainte-Marguerite à Beauvais. Fernand Maison est mécanicien à la Compagnie du gaz de Beauvais. Au printemps 1936, Lucienne est toujours tisseuse à l’ex-entreprise Lainé, devenue la Manufacture Française de Tapis et Couvertures (MFTC), au 5 boulevard Saint-Jean.

Beauvais. Usine Lainé, nouage d’une chaîne de couverture. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Beauvais. Usine Lainé, nouage d’une chaîne de couverture. Carte postale non datée. Coll. Mémoire Vive.

Au moment du Front populaire, militant au Parti communiste – comme son épouse -, Fernand Maison est secrétaire d’une cellule.

Avant-guerre, leur fille Fernande milite de son côté aux Jeunesses communistes.

Le 6 juin 1940, Lucienne et Fernande Maison sont tuées lors du bombardement de Beauvais par l’aviation de guerre allemande (Luftwaffe).

Beauvais. Vue générale sur la ville déblayée après les bombardements du 5 au ! juin 1940. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Beauvais. Vue générale sur la ville déblayée après les bombardements du 5 au 8 juin 1940.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Au moment de son arrestation, il est domicilié au 30, rue Victor-Hugo à Marissel [1]), agglomération de Beauvais. Il est déclaré comme mécanicien (cheminot ?).

Le 20 octobre 1941, le commissaire de police spécial de Beauvais remet une liste des communistes de l’arrondissement à la Kreiskommandantur. Parmi neuf habitants de Beauvais, un dénommé Maison (sans prénom) y est inscrit comme militant.

Avant la fin octobre, Fernand Maison est arrêté par la Feldgendarmerie, puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Le camp militaire de Royallieu en 1956. Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ». En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le camp militaire de Royallieu en 1956.
Au premier plan, en partant de la droite, les huit bâtiments du secteur A : « le camp des communistes ».
En arrière-plan, la ville de Compiègne. Carte postale, coll. Mémoire Vive.

Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens – ayant autorité sur les départements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier [2], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandée à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».

Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »

Le 13 avril, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais transmet au préfet de l’Oise soixante-six notices individuelles concernant des individus internés au Frontstalag 122 à Compiègne, dont dix-neuf futurs “45000”. Sur la notice qui le concerne – à la rubrique « Renseignements divers » -, Fernand Maison est qualifié de « Militant communiste. Peu avant son arrestation par la gendarmerie allemande, distribuait des tracts communistes à l’intérieur de l’usine à gaz. Assez dangereux ».

Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles concernant les « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnent uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle »

Enfin, le 29 juin, le préfet de l’Oise écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Fernand Maison – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.

Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.

Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Maison est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Fernand Maison est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45816 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Fernand Maison se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, Fernand Maison est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).  Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

Portail de l’entrée principale d’Auschwitz-I , le “camp souche” : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre).
Carte postale. Collection mémoire Vive. Photo : Stanislas Mucha.

À une date restant à préciser, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus.

Fernand Maison meurt à Auschwitz le 27 janvier 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 17-08-1994).

Notes :

[1] Notre-Dame-du-Thil et Marissel : ces villages sont intégrés à la commune de Beauvais le 19 février 1943, devenant des quartiers de la ville.

[2] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.

[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Fernand Maison, c’est 15 septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 369 et 412.
- Archives de la Ville d’Amiens, site internet : registre des naissances de l’année 1894 (2E960), acte 1877 (vue 479/603).
- Hervé Barthélémy, association Rail & Mémoire.
- ANACR de l’Oise, Ils ont fait le sacrifice de leur vie, 2003.
- Jean-Pierre Besse, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (DBMOF), site du Maitron en ligne, Université Paris 1.
- Archives départementales de l’Oise, Beauvais ; Exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes (33W 8253/1) ; Internement administratif (141w 1162).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 760 (4005/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 27-09-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.