René, Louis, Édouard, Auguste, Manceau naît le 30 mai 1897 à Angers (Maine-et-Loire – 49), chez ses parents, Auguste Manceau, 33 ans, fermier, et Marie Delestre, son épouse, 31 ans, couturière, mariés à Angers et domiciliés au 10, rue Lenepveu.
Pendant un temps, il habite avec ses parents à Paramé (Ille-et-Vilaine) et travaille comme employé de commerce.
Le divorce de ses parents est prononcé par le tribunal civil d’Angers le 30 février 1908.
Le 10 janvier 1916, René Manceau est incorporé au 136e régiment d’infanterie comme soldat de 2e classe. Le 25 juillet suivant, il passe au 25e R.I. Le 1er novembre, il passe au 136e R.I. Le 1er mai 1917, il est nommé caporal. Le 6 mars 1918, il passe au 3e régiment de tirailleurs. Cité à l’ordre du régiment le 20 août 1918, il reçoit la Croix de guerre. Le 22 décembre 1919, il passe au 15e régiment de tirailleurs algériens. Le 30 septembre 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
Fin janvier 1920, il habite à Ville-en-Tardenois (Marne – 51).
Le 11 décembre 1923, il est embauché par la Compagnie des chemins de fer de l’Est, qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1].
Fin juin 1925, il habite au 104 rue Lesage à Reims (51).
À la mi-avril 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il vit avec sa mère au 73, rue Coquebert à Reims. Il est célibataire. Portant des lunettes pour myopie, il a les premières phalanges de l’index et du majeur droit sectionnées.
Il est alors homme d’équipe à la gare de Reims.
Militant syndicaliste depuis 1932, il est membre du Parti communiste, trésorier de la cellule du quartier Saint-Thomas (4e canton de Reims).
D’abord mobilisé comme “affecté spécial” sur son lieu de travail après l’entrée en guerre de septembre 1939, il radié et affecté à une unité militaire le 2 février 1940 pour « menées antinationales ». Fait prisonnier en juin 1940, il est rapatrié comme ancien combattant le 17 juillet 1941 (à vérifier…).
Sous l’occupation, il milite au sein du Parti communiste clandestin : il diffuse des tracts, des journaux et pratique des sabotages de matériel destiné à l’occupant sur son lieu de travail. Il appartient au premier groupe de résistance de la SNCF de Reims, avec Maurice Roussel, Roland Soyeux (déportés le 6 juillet 1942), et Gaston Lelaurain [2].
Le 26 février 1942, René Manceau est arrêté sur son lieu de travail, à la gare de Reims, par la Feldgendarmerie, comme otage en représailles après des attentats contre des soldats allemands à Chalon-sur-Saône et à Montceau-les-Mines, en même temps que dix-sept autres Marnais (membres de la communauté juive, militants syndicaux et politiques…). Appréhendé en même temps que Jules Huon, Marcel Gauthier, Félix Reillon, Maurice Roussel, Henri Roy et Roland Soyeux – tous suspectés d’activité communiste clandestine et futurs compagnons de déportation -, René Manceau est conduit à la Maison d’arrêt de Reims, boulevard Robespierre, puis à la prison de Châlons-sur-Marne (à vérifier…).
Le 5 mars, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, René Manceau est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, René Manceau est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45821 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; René Manceau se déclare alors de religion protestante (evangelisch). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Manceau est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp (témoignage de Guy Lecrux).
René Manceau meurt à Auschwitz le 8 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].
En mai 1946, Guy Lecrux, de Reims, et André Montagne, de Caen, tous deux rescapés du convoi, signent chacun une attestation certifiant la disparition de René Manceau à Auschwitz-Birkenau sans pour voir préciser de date, mais avant le 4 mars 1943 selon le premier et avant le 13 août 1943 selon le deuxième.
Le 21 octobre 1946, la mère de René Manceau remplit un formulaire de demande d’inscription de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès de son fils, ce qui sera fait en juin 1947.
En 1947, la municipalité de Reims appose une plaque commémorative à son domicile, au 73, rue Coquebert (où habitait également Lucien Blondeau, mort le 27 avril 1945 au KL Ravensbrück).
Le nom de René Manceau est également inscrit sur la plaque commémorative en gare de Reims « À la mémoire des agents de la SNCF tués pour faits de guerre 1939-1945 », sur celle apposée dans la salle de réunion de la Bourse du Travail de Reims (devenue Maison régionale des syndicats), 13 boulevard de la Paix, « À la mémoire de nos camarades tombés dans la lutte pour la liberté, victimes de la barbarie nazie » (ce dernier adjectif ayant remplacé “barbarie allemande”), et enfin sur le monument aux martyrs de la résistance et de la déportation, situé sur les Hautes Promenades à Reims.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 19-09-1994).
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
[2] Gaston Lelaurain, arrêté dès le 24 juin 1941, déporté en 1943 au KL Oranienbourg où il meurt en 1945.
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant René Manceau, c’est 15 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 366 et 412.
Cl. Cardon-Hamet, notice, citant les sources suivantes : • Jules Huon parle de lui dans une lettre écrite de Compiègne à sa famille, le 5 avril 1942. • Recherche de Jocelyne Husson, professeur à Reims (juin 1990). • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains : dossier de René Manceau (21 p 511 810), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).
Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 35, page 231.
Hervé Barthélémy, association Rail et Mémoire, compilant différentes sources : • Notice biographique dans L’Union de Reims du 22 mai 1946. • Recensement par André Aubert des déportés marnais non rentrés. • Archives du COSOR.
Archives départementales de Maine-et-Loire, Angers, site internet, archives en ligne : registre des naissances d’Angers, 3e arrondissement, année 1897, acte n° 70 (vue 18/97).
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 972-973.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 771 (18855/1942).
Site internet Mémorial GenWeb, relevés d’Alain Girod (11-2002 ; photo), de Claude Richard (05-2006 ; photo) et de Bernard Butet (10-2009 ; photo).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 4-12-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.