Maurice, Xavier, Marchal naît le 18 février 1921 à Saint-Dié-des-Vosges (Vosges), fils de Julien Maurice Marchal, 25 ans, et d’Anne Kereller, 19 ans, mariés trois mois et demi plus tôt.
Rapidement, la petite famille s’installe au lieu dit Le Faing, à Sainte-Marguerite, commune limitrophe de Saint-Dié ; Julien Maurice Marchal est alors tréfileur chez Delaeter (?). Puis naissent deux autres fils, Marcel, en 1924, et Irénée, en 1932. En 1924, Julien Maurice Marchal est devenu électricien à la Compagnie Lorraine d’Électricité [1] (au poste de distribution de Saint-Dié ?). Anna, son épouse, est devenue à son tour tréfileuse chez Delaeter. Ils logent alors un maçon comme pensionnaire. Au printemps 1926, ils ont déménagé pour le lieu dit Pré Navet, toujours à Sainte-Marguerite. En 1936, Maurice Marchal est apprenti chez Cuny (?).
Au moment de son arrestation, célibataire, il habite encore chez ses parents.
Il est typographe, travaillant à Saint-Dié.
Le 25 août 1940, Saint-Dié et les communes alentour sont occupées par l’armée allemande et font partie, avec l’ensemble de la Lorraine, de la zone planifiée en recolonisation allemande à terme. (Wikipedia)
Maurice Marchal imprime clandestinement des tracts pour la résistance locale de Saint-Dié.
Parallèlement, avec son père et son frère Marcel, il récupère dans la forêt voisine des armes abandonnées par les soldats français en déroute lors de la débâcle de mai-juin 1940. Ils en cachent une partie à leur domicile et alimentent également un dépôt d’armes à l’usine de la Compagnie Lorraine d’électricité à Saint-Dié, quai de la Meurthe, son père faisant partie du groupe de résistance formé à l’usine sous les ordres de Jules Jeandel.
Le 12 ou 26 février 1941, à la suite d’une filature de la police française ou d’une dénonciation, il est « pris sur le fait en possession de tracts et de la machine servant à leur impression » [2].
Le 7 mai suivant, le tribunal correctionnel de Saint-Dié le condamne à un an d’emprisonnement.
Il est écroué à la prison Charles III de Nancy, puis, à l’expiration de sa peine (le 27 février 1942 ?), interné au camp français d’Écrouves (CCS), près de Toul, avec son oncle. Il prévoit une évasion à trois, puis y renonce au dernier moment : il aurait fallu tuer un gendarme français. Un mois plus tard, le 24 mars, il est extrait de ce camp et transféré à Nancy.
Maurice Marchal est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans une lettre datée du 2 juin 1942, il annonce à sa famille, à mots couverts, qu’il la rejoindra une huitaine de jours plus tard. Cette autre évasion n’aura pas lieu.
Le 12 juin, à Sainte-Guillaume, à 4 heures du matin, la Gestapo et les troupes allemandes cernent le quartier du Pré Navet avant de pénétrer chez les Marchal, où ils découvrent des fusils et des fusils-mitrailleurs, mais sans y trouver de munitions. Ils arrêtent les parents et le jeune Marcel, qui parviennent à ne rien dire du dépôt d’armes caché à l’usine électrique.
Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Marchal est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Maurice Marchal est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46250 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Maurice Marchal est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Il est assigné au Block 16 avec d’autres “45000”.
Il meurt à Auschwitz le 4 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [1].
Son père et son frère Maurice ont été déportés dans le transport “NN” de 29 hommes parti le 28 août 1942 de Paris, gare de l’Est, et arrivé le lendemain au SS-Sonderlager Hinzert. Quelques semaines après leur arrivée au camp, le 23 septembre 1942, ils sont transférés à la prison de Wittlich où ils attendent leur comparution devant le tribunal de Breslau, en Silésie. Un an plus tard, le 27 septembre 1943, condamnés à des peines de prison, ils sont transférés à la prison de cette ville. Plus tard encore, ils sont transférés à la prison d’Hirschberg (Jelenia Gora en polonais, au sud-ouest de Breslau). C’est là qu’ils sont libérés le 8 mai 1945, jour de la capitulation allemande.
Le 14 février 1947, le père de Maurice Marchal complète et signe un formulaire du ministère des anciens Combattants et victimes de la guerre (ACVG) pour demander la régularisation de l’état civil d’un “non-rentré”. Il indique « arrêté le 26 février 1942 (…). Déporté le 6 juillet 1942 à Auswich. Décédé courant décembre 1942 à Birkonneau. » Une note épinglée portera la mention « Janvier 1943 ».
Le 7 septembre 1947, Marius Zanzi, rescapé du convoi arrêté à Saint-Dié, alors hôtelier au 31, rue Gornet-Boivin à Romilly-sur-Seine (Aube), certifie sur l’honneur qu’il est parti à Auschwitz à la même date que Maurice Marchal, « ne l’ayant pas quitté (…) il y est décédé, gazé suite au typhus, au commencement de l’année 1943 » ; écart temporel considérable (quatre mois)…
Le 4 octobre 1947, l’officier de l’état civil alors en fonction au ministère des ACVG dresse l’acte de décès officiel de Maurice Marchal « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour » (en l’occurrence le témoignage de Marius Zanzi) et en fixant la date au mois de janvier 1943. [3] Une semaine plus tard, cet acte est transcrit sur le registre des actes de l’état civil de Sainte-Marguerite.
Le 11 octobre, le père de Maurice Marchal complète et signe un formulaire du ministère des ACVG pour demander l’inscription de la mention “Mort pour la France” sur l’acte de décès d’un déporté politique. Le 15 octobre, la section de Saint-Dié de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) transmet cette demande au directeur de l’office départemental des ACVG. L’inscription sera faite à la mairie de Sainte-Marguerite le 7 mai 1948.
Le 7 août 1949, le secrétariat aux Forces armées guerre établit un certificat d’appartenance de Maurice Marchal à la Résistance intérieure française (RIF) dans l’organisation Front national [4], en lui attribuant le grade fictif de soldat de 2e classe (notification par le ministre de la Défense nationale le 2 juin 1950).
Le 22 janvier 1951, Julien Maurice Marchal – en qualité d’ascendant – complète et signe un formulaire du ministère des anciens Combattants et Victimes de guerre (ACVG) pour demander l’attribution du titre de Déporté résistant à son fils à titre posthume. Le 31 mars 1952, la commission départementale des déportés et internés résistants laisse à la commission nationale le soin d’apprécier le bien fondé qu’il est possible d’apporter à l’attestation de causalité émanant du liquidateur du mouvement Front national établie le 6 février. Le directeur interdépartemental propose un rejet de la demande. Le 29 avril 1955, la commission nationale prononce un avis défavorable. Le 29 septembre suivant, le ministère décide le rejet de la demande et l’attribution du titre de déporté politique, envoyant à Julien Marchal la carte DP n°1119.17493.
Celui-ci formule ensuite un “recours gracieux”. Une note portant la date du 12 décembre 1956, et faisant référence à un autre document, indique : « l’intéressé est le fils des précédents, mais il a été arrêté plus d’un an avant eux et son frère. Après étude conjointe des dossiers, la commission nationale, considérant qu’il s’agissait d’une famille d’authentiques résistants, décide de rapporter également pour ce dossier son avis défavorable du 29 avril 1955, qu’elle remplace par un avis favorable à l’attribution du titre de déporté résistant. » Le 11 février 1957, le ministère des ACVG décide l’attribution de ce titre à Maurice Marchal, envoyant à son père le 28 mars suivant la carte DR n° 1019.30222.
La mention “Mort en déportation” est apposée en marge de l’acte de décès de Maurice Marchal (J.O. du 17-09-1991).
Notes :
[1] La Compagnie Lorraine d’Électricité, constituée à Nancy le 10 décembre 1910, est “absorbée » par EDF en 1946.
[2] L’arrestation : Le 12 décembre 1955, le capitaine Paul Évrard proposera une autre version des faits : le 25 février 1941, quelques-uns des camarades de Maurice Marchal tiennent une réunion clandestine dans un local situé au n° 100 rue d’Alsace à Saint-Dié. Mais celle-ci a été dénoncée aux autorités allemandes (Gestapo ?) qui font irruption dans la salle et arrêtent six à huit jeunes gens. Maurice Marchal n’est alors pas avec eux. Mais, lors de son interrogatoire, un des jeunes le désigne comme faisant partie de leur groupe. Le lendemain matin 26 février à 6 heures, les polices allemande et française vont l’arrêter au domicile familial. Il est conduit à la prison de la Loge Blanche à Épinal…
[3] Concernant la différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France :
Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Maurice Marchal, c’est le mois de janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
[4] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 101, 127 et 128, 380 et 412.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau : copie partielle (lettre “M”) d’un registre des détenus du Block 16, transmis par Sylvie Muller, petite-fille d’Alphonse Mérot, de Chalon-sur-Saône (71).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 776 (27841/1942).
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004 : transport I.50, pages 477 et 479, notice de Guillaume Quesnée.
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : dossier individuel (21 P 512 356).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-06-2021)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.