Maurice, René, MARTIN naît le 13 janvier 1913 au Raincy [1] (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, Albert Martin, 24 ans, fumiste, et Louise Demets, 22 ans, blanchisseuse, son épouse, domiciliés au 48 allée du Plateau.
Pendant un temps, Maurice Martin est membre des jeunesses communistes de Livry-Gargan (93), commune voisine au Nord-Est.
À partir du 6 novembre 1935, il est employé de l’Assistance publique comme fumiste à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (94), commune limitrophe.
Le 28 mars 1936, à la mairie de Livry-Gargan, Maurice Martin épouse Réjane Aimée G.
À partir de 1937 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 162, route de L’Haÿ [2] à Gentilly [3] (Val-de-Marne – 94), dans un petit appartement de deux pièces. Un document daté de mars 1945, indique qu’avant-guerre il y vivait seul avec son fils, Jacques, né en 1936, étant séparé de fait et en instance de divorce
De la classe 1933 et du recrutement de Versailles (matricule 2674), il est mobilisé du 23 août 1939 au 27 août 1940.
Début septembre 1941, sous l’Occupation, « à la suite de la constatation d’une certaine recrudescence de la propagande communiste clandestine à Cachan et dans les communes avoisinantes, les services de la préfecture de police » mènent des enquêtes et surveillances à l’issue desquelles ils arrêtent plusieurs « principaux animateurs d’un centre clandestin de matériel communiste imprimé » : Germain Lefevre, de Cachan, maçon à l’hospice du Kremlin-Bicêtre, Gaston Terrade, du Kremlin-Bicêtre, infirmier, et Marcel Ducret, domicilié également au 162 rue de L’Haÿ à Gentilly, également fumiste. Lors de son interrogatoire, l’un d’eux met en cause Maurice Martin.
Le 5 septembre, Maurice Martin est arrêté par la brigade spéciale anticommuniste (BS1) des Renseignements généraux de la préfecture de police sur son lieu de travail à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, à la suite d’une diffusion massive, dans le secteur, de tracts édités par le Front National. Lors de son interrogatoire dans les locaux de la BS1 à la préfecture, les inspecteurs lui font savoir qu’ils connaissent ses récents déplacements – jeux de boules et mairie – grâce à une filature effectuée quelques jours auparavant. Lui-même reconnait pendant un temps avoir été « pressenti pour participer à l’incendie de camions appartenant à l’usine Panhard et stationnés boulevard Masséna à Paris 13e » (sur l’esplanade, près de la Porte d’Italie). Il s’agissait, en trompant la vigilance des sentinelles allemandes surveillant ce matériel de guerre, d’injecter de l’acide dans les circuits électriques des moteurs en utilisant une poire en caoutchouc. Après avoir mis en cause le camarade lui ayant proposé cette action, Maurice Martin se récuse et déclare avoir menti.
Les quatre militants sont inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et conduits au Dépôt à la disposition du procureur de la République.
Le 7 septembre, Maurice Martin est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé, à Paris 14e.
Un mois plus tard, le 6 octobre, la procédure judiciaire se clôt par un non lieu, mais Maurice Martin est peut-être maintenu en détention.
Le 18 octobre suivant, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Le lendemain, Maurice Martin est conduit au Dépôt de la préfecture de police.
Le 10 novembre, il fait partie d’un groupe de 58 militants communistes transféré au « centre de séjour surveillé » (CSS) de Rouillé (Vienne).
Le 14 avril 1942, le préfet de police de Paris « fait savoir » au préfet de la Vienne « que les autorités allemandes viennent d’interdire le transfert dans un autre camp ou prison, sans leur autorisation expresse » de onze internés de Rouillé parmi lesquels figure Maurice Martin.
Le 22 mai, celui-ci fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, Maurice Martin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Maurice Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45845 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passés cinq jours à Birkenau -, Maurice Martin est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 6.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août, Maurice Martin est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Maurice Martin est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 29 août, il est parmi les trente “45000” [4] intégrés dans un convoi disciplinaire de 807 détenus (incluant de nombreux “Prominenten” polonais) transférés au KL [5] Sachsenhausen, dans la ville d’Oranienbourg, au Nord-Ouest de Berlin. À leur arrivée, et jusqu’au 25 septembre, les trente sont assignés au Block 66.
Fin avril 1945, Maurice Martin est libéré « sur la route » par les troupes russes pendant une marche d’évacuation.
Il revient en France par le Centre de rapatriement de Lille le 21 mai suivant. Le formulaire d’examen médical rempli à cette occasion indique un bon état général malgré un amaigrissement global de cinq kilos, une cicatrice de 8 cm à l’avant-bras gauche et une pleurite droite (pleurésie sèche).
Arrivé le même jour à Paris, Maurice Martin passe également par le Centre de rapatriement de l’Hôtel Lutetia.
Le 5 juin 1946, le tribunal civil de la Seine dissous son mariage par jugement de divorce.
Le 8 avril 1947, à Saint-Marcan (Ille-et-Vilaine), Maurice Martin se marie avec Yvette B.
Le 5 mars 1950, il rempli un formulaire de demande d’attribution du titre de Déporté Résistant. Le 22 février 1954, le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre décide de rejeter sa demande et ne lui délivre, le 12 mars, que la carte de Déporté Politique (n° 11010.9925). Le 30 avril, Maurice Martin envoie un courrier au ministère afin de protester contre cette décision et de solliciter un recours gracieux pour un réexamen de sa situation. Le 2 juin 1955, le ministère lui attribue le titre de Déporté Résistant (carte n° 1001.25702).
Maurice Martin décède le 31 décembre 1968 à Saint-Hilaire-du-Harcouët (Manche), âgé de 55 ans.
Notes :
[1] Le Raincy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Route de L’Haÿ/rue de L’Haÿ : après la Libération, le Conseil municipal de Gentilly dénomme cette voie de circulation rue Gabriel-Péri, en hommage au journaliste et député communiste fusillé par l’armée d’occupation le 15 décembre 1942 au Mont-Valérien parmi 68 otages.
[3] Gentilly : jusqu’à la loi de juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).
[4] Les trente d’Auschwitz vers Sachso : (ordre des matricules, noms de G à P) Georges Gourdon (45622), Henri Hannhart (45652), Germain Houard (45667), Louis Jouvin (45697), Jacques Jung (45699), Ben-Ali Lahousine (45715), Marceau Lannoy (45727), Louis Lecoq (45753), Guy Lecrux (45756), Maurice Legal (45767), Gabriel Lejard (45772), Charles Lelandais (45774), Pierre Lelogeais (45775), Charles Limousin (45796), Victor Louarn (45805), René Maquenhen (45826), Georges Marin (45834), Jean Henri Marti (45842), Maurice Martin (45845), Henri Mathiaud (45860), Lucien Matté (45863), Emmanuel Michel (45878), Auguste Monjauvis (45887), Louis Mougeot (45907), Daniel Nagliouk (45918), Émile Obel (45933), Maurice Ostorero (45941), Giobbe Pasini (45949), René Petijean (45976) et Germain Pierron (45985).
[5] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 348 et 349, 359, 388 et 413.
Archives communales de Gentilly, recherches menées par Chantal Rannou (2007).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), communistes fonctionnaires internés… (BA 2214), chemise “transfert des internés, correspondance 1942-1944” (BA 2377) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 52-25038).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 125.
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Maurice Martin (21 P 592 624), recherches de Ginette Petiot (message 12-2012).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 22-11-2019)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.