Georges Martin naît le 5 août 1913 à Ivry-sur-Seine [1] (Seine / Val-de-Marne – 94), d’Auguste Martin, 24 ans, maçon et de Georgette Collot, 24 ans, sans profession, demeurant au 27, rue des Lilas. Il est l’aîné de sept enfants. Mobilisé au 147e régiment d’infanterie, leur père est tué sur le front à Mesnil-les-Hurlus (Marne), le 28 février 1915 (“Mort pour la France”). Cinq oncles ont été ainsi tués pendant cette guerre.
Le 12 novembre 1919, Georges Martin est adopté par la Nation en vertu d’un jugement du tribunal civil de la Seine.
En 1920, il habite encore Ivry. Il est alors maçon.
En 1925, sa mère décède « dans un asile d’aliénés ».
En 1931, il a changé d’adresse. Pendant ses classes au début du service militaire, il est réformé pour les séquelles d’une pleurésie pulmonaire contractée antérieurement.
Le 22 août 1936, à Vitry-sur-Seine [1] (94), Georges Martin épouse Raymonde, Renée, Claveaud, née en 1915, alors manœuvre à l’Œillet Métallique à Ivry-sur-Seine. Ils n’auront pas d’enfant.
En 1936, Georges Martin est domicilié au 16, rue Broussais à Vitry ; en 1941, il semble avoir été arrêté au 4, place de l’Église (peut-être un hôtel…, au n° 11 se trouve l’ancienne permanence du PC) ; mais il déclare habiter au 25 rue des Ardoines.
Georges Martin est imprimeur (margeur), dans le Faubourg Poissonnière à Paris.
C’est un passionné de vélo, de moto, de camping. Très gai, il aime se déguiser, faire rire.
Pendant la guerre d’Espagne, le mari de sa sœur Édmée (?) – une militante connue, secrétaire de cellule – s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.
Adhérent du parti communiste de 1936 à la dissolution, Georges Martin milite dans la cellule du Bel-Air, quartier de la Ferme. Il est actif dans le Comité de diffusion de L’Humanité de Vitry (CDH), aux côtés de Paul Froment, membre du Parti communiste depuis 1921, maire adjoint.
Pendant la guerre, étant réformé, Georges Martin s’engage dans la défense passive afin de pouvoir circuler et diffuser de la propagande.
Début 1941, à la demande de Paul Froment, il reprend cette activité clandestine. Lors de rendez-vous organisés en soirée par l’ex-maire-adjoint, qui apporte le matériel, il est mis en équipe avec un autre militant, Henri B., 51 ans, et ils vont à deux coller des affichettes et des papillons, ou diffuser des tracts. À quelques occasions, les deux hommes sont rejoints dans cette tâche par Victor Ruiz, 23 ans (qui sera fusillé comme otage à Nantes le 23 avril 1942).
Informés de cette recrudescence de propagande communiste à Vitry-sur-Seine, quatre inspecteurs de la brigade spéciale des Renseignements généraux sont envoyés en mission afin d’en découvrir les responsables. « Au cours de nombreuses enquêtes et surveillances » (expression policière convenue), ils acquièrent la certitude que Paul Froment et un autre homme dirigent localement cette activité. Le 28 mars 1941 (?), les policiers les interpellent tous deux à leurs domiciles respectifs. Paul Froment reconnaît « sans difficulté » diriger un groupe de trois autres militants clandestins et remet « spontanément » aux inspecteurs un certain nombre de tracts, brochures et affichettes prêts à être diffusés. Les deux hommes sont ensuite conduits dans les locaux de la B.S. à la préfecture de police (l’autre individu, Émile B., trouvé en possession un revolver, sera mis à disposition de l’armée d’occupation, son affaire étant disjointe). Lors de son premier interrogatoire, Paul Froment [2] ne lâche qu’un prénom.
Le 30 mars, Georges Martin et ses deux camarades sont arrêtés et interrogés. Le lendemain, André Cougoule, chef des R.G. et officier de police judiciaire, inculpe les quatre militants d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et les fait conduire au Dépôt, à disposition du procureur de la République. Le 1er avril, Georges Martin est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé à Paris 14e.
Le 7 avril, les quatre hommes comparaissent devant la 12e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Georges Martin est condamné à huit mois d’emprisonnement. Tous se pourvoient en appel auprès du procureur de la République. Le 29 avril, Georges Martin est transféré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes [1] (94).
Le 7 juin, la Cour d’appel de Paris confirme le premier jugement en ce qui le concerne.
À l’expiration de sa peine, le 1er octobre, il n’est pas libéré : le préfet de police de Paris signe un arrêté ordonnant son internement administratif. Pendant un temps, Georges Martin est détenu au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité).
Le 9 octobre, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.
Le 22 mai 1942, Georges Martin fait partie d’un groupe d’internés – dont 148 de la Seine, pour la plupart déportés ensuite avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Georges Martin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45848, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Georges Martin.
Georges Martin meurt à Auschwitz le 25 août 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [3].(aucun des treize “45000” de Vitry n’est revenu).
La mention “mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. du 11-01-1995).
À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Vitry-sur-Seine donne son nom à une rue de la commune (à vérifier…).
Son nom est inscrit sur le monument « À la mémoire de Vitriotes et des Vitriots exterminés dans lescamps nazis » situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry.
Notes :
[1] Ivry-sur-Seine, Vitry-sur-Seine, Fresnes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Paul Froment, né le 4 janvier 1875 à Bordeaux (Gironde), ouvrier chaudronnier, militant du Secours rouge international (SRI) et du Parti communiste, élu conseiller municipal de Vitry-sur-Seine le 12 mai 1929 sur une liste dirigée par Pierre Périé, réélu le 5 mai 1935 sur une liste dirigée par le communiste Charles Rigaud, adjoint au maire, déchut de son mandat le 29 février 1940 par le conseil de préfecture pour appartenance au Parti communiste, condamné le 7 avril 1941 à dix-huit mois de prison, écroué à Fresnes, transféré à Poissy le 20 février 1942, remis aux autorités d’occupation et transféré au camp de Compiègne le 20 avril suivant, déporté dans le convoi du 18 juin 1944 arrivé deux jours plus tard au KL Dachau (matricule 74341), mort à 19 février 1945 au KL Bergen-Belsen, à 70 ans. (sources : Claude Pennetier, Le Maitron en ligne ; le Livre-Mémorial de la FMD, I.229, tome 3, page 932)
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur l’acte de décès en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – s’appuyant sur le ministère des Anciens combattants qui avait collecté le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois. Concernant Georges Martin, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur publication au J.O. rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Informations collectées par José Martin (frère d’Angel Martin) pour Roger Arnould (FNDIRP), 1973.
1939-1945, La Résistance à Vitry, Ville de Vitry-sur-Seine, 1992, page 19.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 390 et 413.
Archives municipales d’Ivry-sur-Seine : acte de naissance.
Archives communales de Vitry-sur-Seine : listes de recensement de 1936.
Archives de Paris : archives du tribunal correctionnel de la Seine, rôle du greffe du 28 mars au 5 juin 1941 (D1u6-5855).
Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : Maison d’arrêt de Fresnes, dossier des détenus “libérés” du 1er au 15-10-1941, cote 511w23.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, (BA 2374) camps d’internement…, (BA 2397) liste des internés communistes, 1939-1941 ; dossiers de la BS1 (GB 54), n° 207, « Affaire Froment – B. – Martin – Ruiz », 31-03-1941.
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 124.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 784 (24735/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-12-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.