Robert, Nicolas, Massiquat naît le 3 avril 1920 à Ivry-sur-Seine [1] (Seine / Val-de-marne), au 1 rue Gagnée, fils de Maurice Massiquat, 27 ans, maçon, et de Madeleine Boineau, 26 ans, journalière.
Mobilisé au cours de la guerre 1914-1918, son père est blessé au combat (il décède vers 1954 d’une gangrène à la jambe).
Robert Massiquat est adopté par la Nation en vertu d’un jugement rendu par le tribunal de Corbeil le 27 septembre 1932.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 144, avenue Roger-Salengro à Bondy [1] (Seine / Seine-Saint-Denis) ; peut-être un hôtel près de la gare. Il est célibataire (il a 20 ans…).
Il est mouleur ou tourneur sur métaux (dans quelle entreprise ?).
Le 4 août 1940, Robert Massiquat est arrêté à la suite d’une distribution de tracts à Bondy.
Le 22 octobre, il est placé sous mandat de dépôt ou d’écrou.
Le 8 février 1941, lors d’une audience au cours de laquelle sont jugés 48 militants et militantes communistes (dit « procès des cinquante »), dont dix-sept futurs “45000”, la chambre des mineurs (15e) du tribunal correctionnel de la Seine condamne Rober Massiquat à huit mois d’emprisonnement pour pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (« propagande communiste »).
Bien que sa peine soit partiellement ou entièrement couverte par la détention préventive qu’il a déjà effectué, il n’est pas libéré : dès le lendemain, – sur instruction des Renseignements généraux – le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en tant que « militant communiste actif ».
Le 27 février suivant, il fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.
Le 31 mars, avec Francis Née, Eugène Omphalius, Albert Rosse et Thomas Sanchez, Robert Massiquat est un des sept internés de Clairvaux conduits à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), en préalable à leur passage devant la Cour d’appel de Paris.
Le 9 avril, celle-ci examine la situation de cinquante condamnés pour activité communiste. Elle réduit la peine (déjà effectuée) de Robert Massiquat à six mois de prison. Il est prévu qu’il soit ramené à Clairvaux, mais le quartier de la centrale utilisé comme centre d’internement étant « complet » il reste interné à la Santé pendant un temps.
En septembre, Robert Massiquat fait partie d’un groupe d’internés de la Santé transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle.
L’adresse familiale qu’il déclare alors est le 156, rue des Coquelicots à Montfermeil…
Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, il figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.
Le 4 mai 1942, Robert Massiquat fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 301, il n’y reste que deux semaines.
Le 20 mai, il fait partie d’un groupe de 28 internés que viennent chercher des gendarmes français. Pensant qu’on les emmène pour être fusillés, les partants chantent La Marseillaise. En fait, remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci, ils sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Massiquat est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Robert Massiquat est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45858, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Robert Massiquat se déclare sans religion (Glaubenslos) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Robert Massiquat.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]). Il a 22 ans.
La mention “mort en déportation” est portée sur les actes de décès (J.O. n° 48 du 25-02-1995).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 153, 384 et 413.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2373 et 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
Archives de Paris : archives judiciaires, registre du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 14 janvier-12 février 1941.
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1W77, 1W152 (dossier de Thomas Sanchez ; le nom de Robert Massiquat figure sur une note de police parce que ses parents habitent Montfermeil (Seine-et-Oise).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996, page 61. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
Message de Pascal Massiquat, son petit-cousin (04-2008).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 787 (31550/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-02-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Ivry-sur-Seine et Bondy : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.