- Au camp de Gaillon le 29 octobre 1941.
Photo anthropométrique. Sur la fiche,
il est indiqué qu’il porte des lunettes.
Archives départementales de l’Eure.
Droits réservés.
Charles, Louis, Henri, Mauger naît le 17 avril 1900 à Cherbourg (Manche – 50), chez ses parents, Louis Mauger, 38 ans, et Marie Hubert, son épouse, 35 ans, domiciliés au 9, rue Orange.
Il est possible qu’il n’accomplisse pas son service militaire, car un document administratif ultérieur le déclare « réformé définitif » (RD).
Le 18 septembre 1920 à Cherbourg, Charles Mauger se marie avec Augustine Héleine. Ils auront deux enfants : Christiane, née le 23 juin 1921, et Jacques, né le 24 juin 1924. À une date restant à préciser, le couple divorce.
Le 16 avril 1940 à Octeville, en secondes noces, Charles Mauger épouse Eugénie Drouet, née le 25 juillet 1896, employée de commerce à Cherbourg. Ensemble, ils ont un autre enfant : Guy, né le 9 août 1940 (peut-être un autre : à vérifier…).
Au moment de son arrestation, Charles Mauger est domicilié au Village-Ferronnay à Octeville (50).
Avant la guerre, il est charpentier en fer à l’Arsenal de Cherbourg.
En 1928, Charles Mauger est un militant “libertaire”, membre du Secours Rouge international et des syndicats unitaires. Il est archiviste CGTU à l’Arsenal.
Il adhère au Parti communiste en 1931 : il en sera le candidat aux élections législatives de 1932 à Valognes, et aux cantonales de 1934. Lors des élections cantonales d’octobre 1937, le Parti communiste le présente comme candidat au Conseil d’arrondissement dans la circonscription de Valogne.
Protagoniste important de l’Union syndicale en 1935, il est élu à la Commission exécutive de la nouvelle Union Départementale CGT au Congrès de 1935, et à la Commission administrative de 1936 à 1939.
En 1935, Charles Mauger est élu conseiller municipal d’Octeville.
En janvier 1937, il devient le gérant de La lutte antifasciste, organe cherbourgeois du Comité mondial de lutte contre le fascisme et la guerre.
En 1940, Charles Mauger est révoqué de l’Arsenal, comme René Fouquet et Lucien Levaufre. Au moment de son arrestation, il travaille comme aide-cuisinier.
Sous l’occupation, il reste un militant actif du Parti communiste clandestin. Participant à des réunions, diffusant la presse clandestine. En mai 1941, il participe au mouvement de grève lancé par le Front national [1] sur le terrain d’aviation de Gonneville-Maupertus [2] (Manche).
Le 18 septembre 1941, le préfet de la Manche signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du « décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale [sic !] et la sécurité publique [re-sic !] » ; du décret du 29 novembre 1939, donnant aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement [de ceux-ci] et, en cas de nécessité, [leur]assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé ; de la loi du 3 septembre 1940 prorogeant le décret du 18-11-1939 et de « la dépêche de M. le Ministre, secrétaire d’État à l’Intérieur, en date du 19 septembre 1940 » (?). En fait, il est « arrêté en raison de son activité antérieure à la suite de distribution de tracts communistes d’origine locale ».
Le 19 septembre 1941, Charles Mauger est arrêté à son domicile par la police française – prié de suivre les agents pour des « explications au commissariat » -, comme Louis Hamel et Marcel Hodiesne, de Cherbourg, Léon Lecrées, d’Équeurdreville, et Léon Truffert, de Tourlaville.
Charles Mauger est écroué à la Maison d’arrêt de Cherbourg en attendant son transfèrement au camp français de Gaillon (Eure), « centre de séjour surveillé », un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la vallée de la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne. Il y est interné le lendemain, 20 septembre, assigné au bâtiment F (aile Est du pavillon Colbert [3]), 1er étage, chambre 3, lit 2.
Le 4 mai 1942, Charles Mauger est remis aux autorités d’occupation à leur demande et transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager) ; arrivé le 6 mai ?
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Charles Mauger est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45864 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Charles Mauger se déclare alors sans religion (« Glaubenslos »). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Charles Mauger est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Pendant un temps, il est assigné au Block 15a.
Le 7 août, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I, dont il sort le 17 août (après que Paul Coutelas et Roger Brisset, entrés avec lui aient succombé).
Charles Mauger meurt à Auschwitz, dans la nuit du 4 au 5 janvier 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) – qui indique pour cause mensongère de sa mort une néphrite (« Nierenentzündung ») – et selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, et où est inscrit le matricule n° 445864 (ce local de regroupement temporaire des cadavres est situé au sous-sol du Block 28). Selon un rescapé, Emmanuel Michel, de Saint-Pierre-Église (Manche), Charles Mauger aurait en réalité été abattu par un SS « pour refus de travail ».
Déclaré “Mort pour la France”, et malgré un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française, Charles Mauger est homologué comme “Déporté politique” (le titre de Déporté Résistant lui a été refusé).
Une cellule du PCF a pris son nom à Octeville et une autre à Cherbourg.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-03-1995).
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Caron-Hamet page 130.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 83, 366 et 413.
Ginette Petiot, recherches dans les Archives départementales de l’Eure, Évreux, camp de Gaillon, et au BAVCC, ministère de la Défense, Caen (messages 07 et 08-2012).
Archives départementales de la Manche, archives en ligne : état civil de Cherbourg, registre des naissances de l’année 1900, acte n°288 (5 Mi 2142, vue 76/265).
Site Gallica, Bibliothèque Nationale de France, L’Humanité n° 14171 du mercredi 6 octobre 1937, page 4, “vingt-deuxième liste…”.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 790 (511/1943).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre du Block 20, page 295 ; registre de la morgue relevé par la Résistance du camp.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-02-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN” et toujours existante).
[2] Le terrain d’aviation de Gonneville-Maupertus : sous l’occupation le terrain est occupé par la Lutfwaffe qui construira des bâtiments et surtout une piste goudronnée de 1700 m sur 60 et une autre piste en herbe. On comptait en permanence 3800 hommes et plusieurs escadrilles qui allaient bombarder l’Angleterre ou intercepter des bombardiers alliés.
[3] Château de Gaillon. Le pavillon Colbert, sur la terrasse du jardin haut, a été dessiné par Jules-Hardoin Mansard vers 1700 pour l’archevêque Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre de Louis XIV.