André Ménager naît le 24 janvier 1901 à Paris 5e, fils de Claudine Ménager, 26 ans, cuisinière, domestique, domiciliée au 40 rue Lacépède, et de père non dénommé.
Pendant un temps, André ménager vit avec sa mère au 71, rue de Saint-Mandé à Montreuil-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis). Il commence à travailler comme polisseur.
Le 1er avril 1921, il est appelé à accomplir son service militaire comme soldat de 2e classe au 154e régiment d’Infanterie. Le 23 novembre 1921, il rejoint l’Armée du Levant avec son unité. Le 6 février 1922, il passe au 415e régiment d’infanterie. Du 5 au 15 juin suivant, il est admis à l’hôpital complémentaire n° 2 à Damas. Du 15 au 26 juin, il est transféré à l’hôpital complémentaire de Souk-el-Gharb. Puis il est évacué vers l’hôpital Michel Lévy à Marseille, où il est admis du 2 au 6 juillet. Ce dernier jour, il passe au 31e R.I. Le 25 avril 1923, il est renvoyé dans ses foyers.
Début mai 1923, il déclare être domicilié à Vernou-sur-Seine (Seine-et-Marne – 77).
Le 27 août 1924 à Champagne-sur-Seine (77), il se marie avec Léa Florentine Evelina Bougréau, née le 22 mai 1903 à Vernou-sur-Seine, fille de cheminot.
Fin octobre 1925, le couple demeure rue du Pas-Rond (au n° 32 ?) ; ils habiteront encore dans cette rue en mars 1936.
André et Léa Ménager ont trois enfants : Jacqueline, née le 29 juin 1926, Philibert, né le 24 octobre 1928, et Nicole, née le 23 juillet 1933.
En 1931 et 1936, la famille inclut Jeanne Ménager, née Martin le 8 juin 1872 au Creusot (Saône-et-Loire), une tante ? En mai 1932, la famille habite au 43 (?), rue du Pas-Rond.
Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 10, rue des écoles à Champagne-sur-Seine.
André Ménager est tourneur-ajusteur à l’usine Le Matériel électrique Schneider-Westinghouse (S.W.). Son épouse y travaille comme bobineuse (depuis au moins 1931 et jusqu’à l’automne 1941).
Militant communiste, André Ménager est trésorier de la cellule de Champagne-sur-Seine de 1931 à 1939.
Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’intérieur, et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Pour Champagne-sur-Seine, il indique : « Le nombre des adhérents est de 280 environ, dont une centaine pour la cellule de la société S.W. (Schneider et Cie) […]. Les réunions se tiennent chaque semaine chez M. Rateau, chef du secteur. »
Le 1er mai 1941, un inspecteur du commissariat spécial de Melun rédige un compte-rendu d’enquête pour son chef de service, relativement à « une lettre signée peu lisiblement et signalant une activité communiste dans la région de Champagne-sur-Seine. […] Le Matériel Électrique ou « Usines S.W. » occupe […] environ 700 ouvriers. Une vingtaine environ s’était faite remarquer par son attitude communiste, parmi eux : JAY René, né le 5 avril 1892 à Saint-Mammès (Seine-et-Marne), domicilié à Champagne-sur-Seine, 10 rue Henri-Paul, veilleur de nuit au chantier du pont de cette localité […], MAGNAT Jérôme […], MÉNAGER André […], ROUSSET Georges, né le 16 septembre 1914 à Avon […], traceur sur métaux, ex-secrétaire des Jeunesses communistes de Champagne, gendre de Jay René., TROLET François […]. Ces divers militants de l’ex-parti communiste sont encore en relations et, à plusieurs reprises, on a constaté des allées et venues. Depuis le mois de mars, trois distributions de tracts communistes ont eu lieu à Champagne-sur-Seine ; elles ont été effectuées principalement dans le quartier de l’Aubépine, […] habité par les ouvrier de S.W. Les deux dernières diffusions remontent au 23 avril […] et, enfin, dans la nuit du 19 au 30 avril […]. Cette dernière distribution n’a pas eu l’effet de propagande souhaité en raison d’une forte pluie qui s’est abattue sur la ville. À noter que JAY René et MÉNAGER André, tous deux militants convaincus, sont titulaires d’un laisser-passer de nuit pour leservice de garde du pont de Champagne-sur-Seine […] demandés par la maison Delattre et Frouard de Dammarie-les-Lys, chargée de la réfection du pont de cette commune. En outre, la situation politique du milieu ouvrier de Champagne-sur-Seine ne paraît pas s’être aggravée depuis la guerre. Au contraire, le militant le plus dangereux, le plus instruit, RATEAU Valentin, né le 6 mars 1910 à le Creusot (S et L), professeur à l’École Lafayette, est actuellement interné au Maroc. La direction de l’usine, que j’ai consulté, ne donne aucun nom de personnes pouvant servir d’agents de renseignement. Bien que déplorant la propagande antinationale communiste, la direction invoque qu’il serait délicat de déléguer un ouvrier pour la surveiller. On peut le regretter. »
Le dimanche 19 octobre 1941, André Ménager est appréhendé à son domicile dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.
André Ménager est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Il y est enregistré sous le matricule n° 1695.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, André Ménager est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45867 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, André Ménager est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Le 28 août, il est présent au Block 20 (pour maladies contagieuses) de l’hôpital d’Auschwitz, où son nom est inscrit sur un registre.
À une date restant à préciser, il est admis au Block 19, pour convalescents (« Schonungsblock ») de l’hôpital d’Auschwitz.
André Ménager meurt à Auschwitz le 27 septembre 1942, d’après le registre de la morgue (Leichenhalle) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [1].
Son nom est inscrit sur la plaque dédiée aux déportés politiques et aux victimes civiles (1939-1945) de Champagne-sur-Seine, place Paul-Jay.
Léa Ménager décède à Fontainebleau le 12 novembre 1978.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès d’André Ménager (J.O. du 18-05-1995).
Notes :
[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant André Ménager, c’est le 6 juillet 1942 « sans autre renseignement » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73 et 74, 127 et 128, 378 et 422.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 525.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 5e arrondissement pour l’année 1901 (V4E 8448), acte de naissance n°233 (vue 19/31) et de reconnaissance n° 620 du 2 mars (vue 29/31).
Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet (M11111) ; internés M-N (SC51252) ; notes (SC51241).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 799 (33019/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus, Biuro Informacji o Byłych Więźniach ; liste de la morgue (« Leichenshalle »).
Site Mémorial GenWeb, 77-Champagne-sur-Seine, relevé de Olivier Engel (2005) ; photo.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 28-12-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.