Samy, Michel, Miaskovsky (parfois orthographié Miaskowsky), d’origine russe, naît le 20 mars 1896 à Constantinople (Turquie), fils Jakob Miaskovsky et de Rosa Eisenstein ; il parle le Turc. Il a – au moins – deux sœurs plus jeunes : Sonia, Sophie, née le 14 décembre 1903, et Ida, née le 22 décembre 1905, toutes deux à Constantinople.
Samy Miaskovsky est expert-comptable.
Le 28 avril 1934, à Paris 16e, il se marie avec Simone de Pellieux, née le 16 août 1906 à Paris 6e, secrétaire.
Pendant un temps, il habite rue Baudin (dénommée Pierre-Semard en décembre 1944) à Paris 9e, peut-être aussi au 154 quai Louis-Blériot (Paris 16e). Mais il est arrêté à Saint-Jean-de-Monts (Vendée), où il habite alors la villa “Le Bleuet”, sur le boulevard du Midi.
Le 23 avril 1942, il est arrêté à son domicile par les autorités allemandes, transféré vers la capitale et interné le lendemain au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule n° 3878.
Le 29 avril, quand François Montel, représentant des internés auprès des autorités du camp de Drancy installé dans la cité de la Muette (Seine / Hauts-de-Seine), destitué le jour-même par Dannecker, y est transféré dans un groupe de 784 hommes, Samy Miaskovsky est chef du bâtiment C 3 (dans le camp “des Juifs”, ouvert le 12 décembre 1941). Le dentiste Benjamin Schatzman décrit ce dernier comme : « Un homme doux et correct dont la société est agréable car il parle plusieurs langues, tout en n’ayant eu qu’une instruction primaire. » Pour être désigné comme chef de bloc, Samy Miaskovsky parlait certainement allemand, condition nécessaire.
Après une nuit passée dans l’ancien camp “russe” (bât. C4 ou C8), lors de la sélection du convoi d’otages juifs du 5 juin, Samy Miaskovsky s’installe dans une petite chambre du C6 avec François Montel.
Le 24 juin, l’administration militaire du camp établit un certificat (Bescheinigung) de présence de Samy Miaskovsky, envoyé à son épouse.
Entre fin avril et fin juin 1942, Samy Miaskovsky est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Samy Miaskovsky est sur la liste (reconstituée) des hommes déportés comme otages juifs.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Samy, Michel, Miaskovsky est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46301 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Samy Miaskovsky se déclare alors comme fonctionnaire (Beamte). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Samy Miaskovsky.
Il meurt à Auschwitz le 19 juillet 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). La cause mensongère indiquée est « mort subite d’origine cardiaque » (Plötzlicher Herztod). Il est parmi les tous premiers morts du convoi…
Peu de temps après le départ du transport, un correspondant anonyme (peut-être un des rares Juifs à être resté au camp) écrit à son épouse : « Je crois de mon devoir de vous informer que M. Miaskovsky est parti le lundi 6/7 de Compiègne avec une cinquantaine d’autres Juifs et de nombreux Français, pour travailler en Allemagne. D’après les renseignements qu’on avait dans le camp, ils s’arrêteront en route une dizaine de jours à Mourmelon où le triage sera fait. On croit savoir qu’ils seront considérés comme travailleurs bénévoles et seront par conséquent payés. M. Miaskovsky a pu emporter une partie de ses bagages et l’administration du camp vous renverra le reste. »
Le 15 juillet, l’administration militaire du Frontstalag 122 avait envoyé à sa famille une une carte-formulaire en allemand indiquant que « (…) le détenu Miaskovsky Samy a été transféré dans un autre camp pour travailler. Le lieu de destination ne nous est pas connu, de sorte que vous devez attendre des nouvelles ultérieures… ».
Samy, Michel, Miaskovsky est le seul ”45000” de Vendée.
Ses sœurs, Sophie, alors secrétaire traductrice, et Ida, éducatrice, domiciliées au 22, rue Duroc à Paris 7e, sont déportées le 24 juillet 1942 (convoi n° 10). Sophie meurt à Auschwitz quatre jours plus tard, le 28 juillet, probablement conduite à la chambre à gaz. Ida – ayant, elle, été enregistrée dans le camp – succombe le 28 septembre.
Le 24 septembre 1946, Simone Miaskovsky, veuve de Samy, alors domiciliée rue des Dunes, à Bretignolles-sur-Mer (Vendée), remplit un formulaire du ministère des anciens combattants et victime de guerre (ACVG) pour obtenir la régularisation de l’état civil d’un « non rentré ». Dans la rubrique consacrée au statut, elle inscrit « déporté racial ».
Le 24 octobre, ayant été interrogé sur ce point par le ministère des ACVG, le secrétariat de la FNDIRP est en mesure de préciser – sur la base de renseignements qu’il a recueillis – que « Miaskouski Michel, né le 20.3.96 matricule 46301, est décédé le 19.7.42 au Auschwitz » (sic).
Le 12 décembre suivant, un officier de l’état civil du ministère dresse l’acte de décès officiel de Samy Miaskovsky, en fixant la date au 19 juillet 1942 sur la base des éléments figurant au dossier du de cujus.
Le 15 juin 1961, Madame Sylvain Riva, autre sœur de Samy, domiciliée à Antony (Seine) se rend au ministère pour demander où et quand a été transcrit l’acte de décès de celui-ci.
En 2010, la mention « mort en déportation » est inscrite en marge de l’acte de décès de Samy Miaskovsky.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 379 et 414.
François Montel, Journal de Compiègne, 29 avril 1942 – 23 juin 1942, présenté et annoté par Serge Klarsfeld, édition FFDJF (Fils et filles des déportés juifs de France), 1999, pages 49, 57.
Benjamin Schatzman, Journal d’un interné, Compiègne-Drancy-Pithiviers, préfacé par Serge Klarsfeld, éditions Fayard, avril 2006, pages 172-173-174, 219, 220, 224.
Danielle Miaskovsky Amram, sa nièce, messages (09-2012 et 11-2014).
JORF n°0059 du 11 mars 2010 page 4832 texte n° 50 : Arrêté du 27 novembre 2009 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 805.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; actes de décès de Samy (15898/1942) et Ida (33454/1942) ; page du registre d’appel avec la liste des détenus décédés (« Verstorbene Häftlinge).
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, moteur de recherche sur les victimes.
Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Miaskovsky, Samy, Michel (21 P 265 367).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 8-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.