Louis, Marie, Joseph Millerioux naît le 13 février 1904 à Sainte-Gemme [1], à 9 km au nord de Sancerre (Cher – 18), fils de Louis, Marie, Millérioux (né en 1871), journalier, et de Marie Creuzil (née en 1873 à St-Gemme), son épouse, petits paysans domiciliés au lieu-dit la Raimbauderie en 1906. Joseph Millérioux a alors un frère – Clément, né en 1905. Cinq ans plus tard, en 1911, la famille habite à la Fontaine Odon, autre lieu-dit. Clément n’est plus inscrit sur le registre de recensement, mais on y trouve Henri, né en 1907.
Lors de la mobilisation d’août 1914, le départ des hommes – dont son père – en pleine période de travaux des champs, laisse à Joseph Millerioux une impression indélébile (qu’il racontera dans L’Émancipateur du 4 août 1929, sous le nom de Jean d’Églantine).
Dès l’âge de douze ans, il quitte l’école pour travailler comme domestique agricole dans les fermes environnantes, puis à la petite propriété familiale de ses parents obtenue en héritage en 1918.
En avril 1928, Joseph Millerioux adhère au Parti communiste après avoir lu de la littérature communiste. Pendant les années 1928-1929, il milite d’abord dans la cellule de Sury-en-Vaux (Cher) où il est presque seul avec le camarade qui l’a fait entrer au parti.
En 1930, il constitue la cellule de Saint-Gemme, intégrée au rayon (section) de Sancerre, où il réussit à grouper cinq camarades qui le désignent comme secrétaire. En février 1934, il devient secrétaire du rayon de Sancerre. La même année, il est nommé secrétaire du comité régional de la Région Centre. Délégué à la conférence national d’Ivry en juin 1934, il l’est également aux congrès nationaux de Villeurbanne en janvier 1936 et d’Arles en décembre 1937.
Dans le Sancerrois, région de petite paysannerie, l’influence communiste est en baisse : candidat au conseil général en 1931, Joseph Millerioux n’obtient que 1,7 % des suffrages des électeurs inscrits. En 1934, il est candidat au conseil d’arrondissement dans le canton de Vailly. En 1936, aux législatives, il ne recueille que 9,5 % des suffrages des électeurs inscrits. Il est encore candidat au conseil général en 1937.
En novembre 1935, il suit une école nationale paysanne communiste de quinze jours à Draveil. En 1937, il est responsable du Comité des paysans travailleurs de Sancerre, adhérent à la CGPT, écrivant dans L’Émancipateur de nombreux articles sur la situation paysanne.
À la suite d’Émile Lerat, blâmé par la direction du PCF en 1931, Joseph Millerioux demeure le dirigeant du Parti communiste dans le Sancerrois jusqu’à la guerre.
Arrêté en 1941, il est finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Au cours de l’automne 1941, son nom figure sur une liste de quarante-quatre otages établie par l’armée allemande en représailles d’actions armées de la Résistance.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Joseph Millerioux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46252 selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Joseph Millerioux.Il meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [2].
Son nom – avec le prénom Joseph – est inscrit sur le monument aux morts de Sainte-Gemme-en-Sancerrois.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 21-12-1995).
Notes :
[1] Sainte-Gemme prend le nom de Sainte-Gemme-en-Sancerrois en 1977.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Joseph Millerioux, c’est le 1er septembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 363 et 414.
Claude Pennetier, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, et site du Maitron en ligne.
Archives départementales du Cher, site internet, archives en ligne : recensement de population de Sainte-Gemme-en-Sancerrois en 1906 (6M 0174, vue 13/17), et en 1911 (6m 0205, vue 7/17).
Mémorial de la Shoah, Paris, centre de documentation juive contemporaine (CDJC), liste de 44 otages de la Feldkommandantur 668 de Bourges, 24-10-1941 (cote XLIV-66).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 815 (25240/1942).
Site MemorialGenWeb, relevé de Henri Verstaen (08-2007).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-05-2013)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.