Camille Moinet naît le 3 août 1901 à Laifour (Ardennes – 08), fils de Charles Moinet, cheminot, et de Marie Laloux.
Le 4 septembre 1916, âgé de 15 ans, il est embauché par la Compagnie des chemins de fer de l’Est qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1]. Il est titularisé un an plus tard (?). De 1917 à 1923, il est affecté à Paris.
De la classe 1921, il est d’abord classé dans la cinquième partie de la liste pour « faiblesse ». Néanmoins, le 10 mai 1921, il est incorporé au 154e régiment d’Infanterie. Son registre militaire indique qu’il est plutôt grand pour l’époque : 1 m 76. Le 1er novembre 1922, il est nommé caporal. Le 30 mars 1923, il passe au 18e régiment de tirailleurs algériens. Le 13 juin, il est nommé sergent. Le 7 novembre, il est renvoyé dans ses foyers et se retire à Vaires-sur-Marne (?), titulaire d’un certificat de bonne conduite. À son retour, il entre au service électrique de la Compagnie des chemins de fer de l’Est.
De 1924 à 1928, il est affecté à Joinville-le-Pont (Seine / Val-de-Marne – 94) – comme cantonnier ? -, puis, pendant un an, à Troyes.
Il est adhérent au Parti communiste de 1935 à 1938, secrétaire de la cellule des cheminots de Vaires en 1937. Il est inscrit sur une liste présentée par le PCF aux élections municipales dans sa commune.
Dans la même période, il est secrétaire adjoint du syndicat des cheminots de Vaires, qui regroupe 1200 adhérents.
À partir de janvier 1938, Camille Moinet semble abandonner toute activité politique pour se consacrer à la Coopérative des cheminots de Vaires-triage, dont le siège est à Brou-sur-Chantereine, et dont il devient président en mai 1938.
Lors de la déclaration de guerre (3 septembre 1939), il est mobilisé comme “affecté spécial” sur son poste de travail. Il est « démobilisé » le 14 juillet 1940.
Le 17 octobre, le préfet de Seine-et-Marne transmet à la direction de la Sûreté nationale, au ministère de l’Intérieur, en réponse à une circulaire de celle-ci datée du 24 septembre, une liste de « fonctionnaires et agents des services publics mobilisables appartenant au parti communiste et maintenus à leur poste » sur laquelle Camille Moinet est inscrit (19e) parmi les agents SNCF, dépendants du ministère des Travaux publics.
Le 30 novembre, il est appelé à rejoindre les armées. Un mois plus tard, il rejoint le 608e régiment de Pionniers, 1ère compagnie. Le 22 avril 1940, renvoyé à l’intérieur comme deuxième réserve, il est nomméchef comptable à la 23e C. de passage (?) du DI 81 à Dijon (Côte-d’Or). Lors de la débâcle, sur décision de son commandement, il reprend les armes comme « détachement isolé » pour la défense de Thiers (Puy-de-Dôme – 63), participant comme volontaire à un engagement à Saint-Anthème (63) le 20 juin.
Démobilisé dans un “dépôt d’isolés” à Lavaur (Tarn) le 14 juillet 1940, Camille Moinet rentre à Vaires et reprend son emploi à la SNCF le même mois.
Le dimanche 19 octobre 1941, il est appréhendé par « la police allemande » (Feldgendarmerie ?) dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – meules, hangars – ayant eu lieu dans le département.
Camille Moinet est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n°1781, parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (42 d’entre eux seront des “45000”).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Camille Moinet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45882 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Camille Moinet est probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En effet, à une date restant à préciser, il est admis au bâtiment des maladies internes (Block 28) de l’hôpital des détenus du camp souche (Auschwitz-I).
Il meurt à Auschwitz le 14 janvier 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-08-1996).
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 414.
Archives départementales des Ardennes (AD 08), site internet du Conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de Mézières, classe 1921 (1 R 348 – n° 1601-1700), matricule 1646 (vues 76-77/162).
Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet (cote 3384W7) ; arrestations collectives octobre 1941 (M11409) ; arrestations allemandes, dossier individuel (SC51228) ; notes (SC51241) ; fonctionnaires appartenant au PCF (SC51242).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 824 (2435/1943).
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1051-1052.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 2-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.