Paul Monnet commence à travailler comme mécanicien.
Le 26 janvier 1915, son père, réserviste de l’armée territoriale, est “classé service armé”, rappelé à l’activité militaire et convoqué le 19 mars 1916 au 23e régiment d’infanterie coloniale, passant ensuite au 43e R.I.C. Le 27 avril 1917, alors caporal, Charles Monnet est tué sur le champ de bataille, devant le Moulin de Laffaux (Aisne), lors d’une offensive partielle après l’échec de la grande offensive Nivelle. Si, « en raison des circonstances de la guerre, la constatation n’a pu être faite », sa mort est certifiée par les témoignages d’un sergent et d’un caporal de son régiment. L’acte de décès est transcrit à l’état civil de Levallois le 23 janvier 1918.
Le 20 avril suivant, à la mairie du 8e arrondissement, Paul Monnet s’engage dans la Marine nationale pour la durée de la guerre. Incorporé comme apprenti-marin au 1er dépôt des équipages de la Flotte à Cherbourg, il arrive au corps trois jours plus tard. Le 1er novembre 1919, il est renvoyé dans ses foyers. Mais, le 20 juin 1921, il est rappelé à l’activité au titre du 109e régiment d’infanterie. Du 3 au 15 septembre suivant, il est en occupation au sein de l’Armée du Rhin. Le 27 février 1922, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
Au printemps 1921, Paul Monnet habite avec sa mère au 53 rue des Frères Hubert. Il travaille alors comme sellier.
Le 28 novembre 1925, à Levallois, Paul Monnet se marie avec Jeanne Baës, sténo-dactylo, née le 1er avril 1907 (dix-huit ans) à Levallois-Perret, domiciliée au 5 rue Marjolin.
Le 28 novembre 1928, l’armée enregistre un changement de domicile vers la subdivision de Chartres (Eure-et-Loir – 28).
En 1929, Paul et Jeanne Monnet ont une fille, Yolande.
En décembre 1933, Paul Monnet déclare habiter à Anet (28). En 1934, il y est cafetier. En février 1935, il est domicilié rue Florian
En 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 26, rue Marjolin à Levallois-Perret. Il est alors conducteur d’auto (chauffeur de taxi ?) [2].
Le 24 janvier 1939, le tribunal civil de la Seine dissout son mariage par jugement de divorce.
Paul Monnet est adhérent du Parti communiste.
Le 31 janvier 1940, Paul Monnet est mobilisé. Mais le lendemain, 1er février, il est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Levallois. Des tracts communistes sont trouvés à son domicile.
Le 30 avril, le 3e Tribunal militaire de Paris le condamne à deux ans d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction de séjour pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Paul Monnet effectue la fin de sa détention à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
Au cours du mois de novembre 1941, en « exécution de la note préfectorale » du 14 novembre 1940, le directeur de la prison transmet au bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise onze notices de détenus de la Seine libérables au cours du mois suivant, dont Paul Monnet. Le 22 novembre, le préfet de Seine-et-Oise transmet le dossier au préfet de police de Paris, direction des services des Renseignements généraux. Le 1er décembre, le directeur des R.G. répond au directeur de la centrale : « J’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir maintenir en détention [treize détenus] résidant habituellement dans le département de la Seine, condamnés par le Tribunal de la Seine pour activité communiste et qui seront internés administrativement en application du décret du 26 septembre 1939. […] Je vous serais obligé de bien vouloir me faire connaître à quelle date les intéressés pourront être mis à ma disposition. »
À l’expiration de sa peine, le 24 décembre suivant, Paul Monnet n’est donc pas libéré.
Le 13 février 1942, Paul Monnet est dans un groupe de 24 « militants communistes » – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés depuis Poissy au dépôt de la préfecture de police de Paris (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité) « en vue d’une mesure d’internement administratif ».
Le 21 février, les R.G. rédigent une notice avec proposition d’internement : suite à la condamnation de Paul Monnet, « il y a lieu de lui faire application du décret du 26-09-1939. D’autre part, en exécution de la note allemande du 19 septembre 1941 du général Schaumburg, commandant les forces militaires en France, Monnet ne peut être remis en liberté qu’avec l’assentiment des autorités d’occupation. »
Le 26 mars, le préfet de police signe enfin l’arrêté ordonnant son internement administratif, officialisant la situation.
Le 16 avril, Paul Monnet fait partie d’un groupe de détenus enregistrés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il reçoit le matricule n° 68.
Le 10 mai 1942, Paul Monnet est parmi les 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; matricule 7518. Une lettre de Guy Lecrux, écrite du camp en avril 1942, mentionne son activité au comité des fêtes des détenus.
Entre fin avril et fin juin 1942, Paul Monnet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.
Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Paul Monnet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45888 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – il semble que Paul Monnet soit dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).
En effet, le 27 octobre, son nom est inscrit – en même temps que ceux de Roger Juilland et Joseph Zerlia – sur le registre des malades admis au Block 20 de l’hôpital d’Auschwitz-I [3] avec la mention « K.L. Birkenau ». Le 5 novembre, il est transféré au Block 28 (convalescents), avec Joseph Zerlia.
La date de la mort de Paul Monnet à Auschwitz n’est pas connue, très probablement avant la mi-mars 1943 [4].
Il est homologué comme “Déporté politique” en 1964.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-02-1997).
Notes :
[1] Levallois-Perret : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Chauffeur de taxi ? : son nom n’est pas relevé sur la stèle funéraire installée dans le cimetière de Levallois-Perret par « La Chambre syndicale des cochers-chauffeurs du département de la Seine – En hommage à ses camarades chauffeurs de taxi parisiens tombés dans les luttes pour l’émancipation des travailleurs pour la liberté, pour la démocratie, pour la France et pour la République ».
[3] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus.
Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme « Revier » : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.
[4] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Paul Monnet, c’est le 15 janvier 1943 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 150 et 153, 383 et 414.
Cl. Cardon-Hamet, notice réalisée pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” du nord des Hauts-de-Seine, citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances de Levallois-Perret, année 1900 (E NUM LEV N1900), acte n° 972 (vue 256/314).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1776-110667) ; cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : bureau politique du cabinet du préfet de Seine-et-Oise (1W69).
Comité du souvenir du camp de Voves : liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (Archiwum Państwowego Muzeum Auschwitz-Birkenau – APMAB), Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), page 153 du registre du Block 20 de l’hôpital.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 13-06-2022)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.