Robert Julien, dit “Maurice”, Mouchard, naît le 23 septembre 1903 à Nanterre [1] (Seine / Hauts-de-Seine) chez ses parents, Julien Louis Mouchard, 30 ans, employé de commerce, et Henriette Alice Sami, 23 ans, couturière, domiciliés au 19 rue Becquet.
Le 18 octobre 1924, à Grand-Couronne (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [2] – 76), Robert Mouchard épouse Marie Madeleine Lauger.
Le 9 avril 1932, à Rouen (76), il se marie avec Marcelle Alphonsine Duchesne.
Le 30 avril 1938, à Quincampoix (76), Robert Mouchard épouse Suzanne Désirée Cailly.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 24, rue de Caen, au Grand-Quevilly (76), au sud-ouest de l’agglomération de Rouen, dans la boucle de la Seine.
Robert Mouchard est ouvrier charbonnier sur le Port de Rouen et adhérent au syndicat CGT.
À une date restant à préciser, Robert Mouchard est arrêté et finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Robert Mouchard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45906, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Robert Mouchard.
Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours, probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [4].
Le 16 juin 1947, cette date de décès est inscrite en marge de son acte de naissance à Nanterre.
À Grand-Quevilly, son nom est inscrit – avec le prénom Robert – parmi les morts en déportation sous la plaque de la rue des Martyrs de la Résistance.
Notes :
[1] Nanterre : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[3] Le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122) sous contrôle militaire allemand, puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
[4] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Cette opération a commencé en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 375 et 414.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Liste établie par Louis Jouvin (45523), du Petit-Quevilly, en 1972 – Liste établie par Louis Eudier (45523), du Havre, en 1973 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives départementales des Hauts-de-Seine, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Nanterre, année 1903, acte n° 232 (vue 55/73).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 834 (31702/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 10-10-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.