Louis, Lucien, Antoine, Muel naît le 5 janvier 1909 à Rachecourt-sur-Marne (Haute-Marne), 19 km au sud-est de Saint-Dizier, premier fils d’Antoine Muel et de Joséphine, Henriette, Cabartier, son épouse (sœur d’Auguste Cabartier), tous deux décédés en 1911. Louis a – au moins – un frère, Marius, Henri, né le 29 juillet 1910.
Le 11 mars 1933, à Rachecourt, Louis Muel se marie avec Georgette, Eugénie, Louise, Emma, Lemineur, née en 1912 à Maurupt-le-Montois (Marne). Ils auront trois enfants : Lucien, né le 23 novembre 1931, Antoine, né le 30 décembre 1934, et Geneviève, née le 10 juillet 1939, tous à Rachecourt.
Jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée à Rachecourt, dans ce que l’on appelle les Cours : des rangées doubles de maisons avec juste un jardinet sur le pas de porte, l’arrière étant occupé par d’autres familles mais sans entrée commune.
Louis Muel est lamineur à la forge de Rachecourt – appartenant à la Société Métallurgique de Champagne – comme son oncle Auguste Cabartier (la forge sera détruite en 1961).
Le 22 juin 1941, Louis Muel est arrêté, avec Auguste Cabartier, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [1] (dont 15 futurs “45000”). D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est transféré le 27 juin au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Muel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commue de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Louis Muel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45915, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Louis Muel.On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz ; probablement avant la mi-mars 1943. L’état civil français a fixé la date de son décès au 15 août 1942 [2].
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. 14-12-1997).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Rachecourt-sur-Marne.
Après l’arrestation de Louis Muel, son frère Marius aide sa veuve à élever les trois enfants. Ils se marient le 14 décembre 1946.
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 127 et 128, 367 et 415.
Catherine Lefranc, petit-nièce d’Auguste et Marthe Cabartier (messages 05-2011 et 04-2016).
Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 39.
Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2004.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 29-09-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.