- Probablement photographié
au camp de Rouillé. BAVCC.
Georges, Louis, Musset naît le 3 octobre 1897 à Paris 11e, chez ses parents, Louis Musset, 31 ans, employé de commerce, et Pauline David, son épouse, 26 ans, sans profession (ou marchande de vin), domiciliés au 51, avenue de la République. Il est légitimé par leur mariage, officialisé le 19 mars 1898.
Pendant un temps, il habite chez ses parents, alors domicilié au 61, rue de Strasbourg, à Saint-Denis [1] (Seine / Seine-Saint-Denis) et travaille comme mécanicien-fraiseur.
De la classe 1917, Georges Musset est incorporé le 11 janvier 1916 comme canonnier de 2e classe au 104e régiment d’artillerie lourde. Il part « aux armées » le 3 février 1917. Le 10 août 1918, il passe au 313e RAL, puis, le 22 juin 1919, il passe au 121e RAL. Le 30 septembre suivant, il est envoyé en congé illimité de démobilisation.
Le 15 avril 1920 à la mairie de Saint-Denis, Georges Musset se marie avec Madeleine Collomb, employée.
En mai 1921, le couple habite au 19, Grande rue Saint-Marcel à Saint-Denis. En août 1923, ils demeurent au 18, rue du Port, toujours à Saint-Denis.
Leur fille Odette naît à Nanterre [1] (Seine / Hauts-de-Seine) le 22 avril 1924. Bien qu’ayant une formation de mécanicien-fraiseur, Georges Musset se déclare marchand de vins dès 1925. En août 1929, la famille loge au 29, rue Ernest Renan, à Nanterre, puis, pendant un temps, au 4, rue des Amandiers à Nanterre. Mais, à Auschwitz, Georges Musset se déclarera « séparé » (geschieden). En janvier 1938 et jusqu’au moment de son arrestation, son adresse déclarée est le 48, rue du Vieux-Pont, où il vit avec sa mère, alors veuve.
- Nanterre. La mairie et son parc dans les années 1920.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.
En décembre 1938, l’armée classe Georges Musset dans l’affectation spéciale au titre de la Société nationale de construction de moteurs « Loviaume » (Lioré et Olivier ?), à Argenteuil ; est-ce son lieu de travail ?
Le 5 octobre 1939, comme pour de nombreuses villes de la “banlieue rouge », le conseil municipal de Nanterre est “suspendu” par décret du président de la République (sur proposition du ministre de l’Intérieur) et remplacé par une délégation spéciale nommée par le préfet. Le 29 février 1940, comme beaucoup d’autres élus, Georges Musset est déchu de son mandat par le Conseil de préfecture pour appartenance au Parti communiste (dissous et interdit depuis le 26 septembre 1939).
- L’Œuvre, édition du 18 mars 1940.
Archives de la préfecture de police. Paris.
Au début de l’occupation, la police française le soupçonne de « propagande communiste clandestine ».
Le 22 septembre 1940 à 6 heures du matin, Georges Musset est arrêté chez lui par le commissaire de police de la circonscription de Puteaux, accompagné d’inspecteurs en civil qui perquisitionnent son domicile sans trouver de documents compromettants. Détenu pendant trois jours au commissariat de Puteaux, Georges Musset est ensuite écroué à la Maison d’Arrêt de la Santé, à Paris 14e.
Le 15 octobre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif et celui d’André Doucet : quatre jours plus tard, ils sont conduits au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Le 6 mars 1941, sa mère écrit au préfet de Seine-et-Oise pour présenter une requête dont le contenu reste à préciser : autorisation de visite ou demande de libération. Le haut fonctionnaire départemental renvoie la décision au préfet de police de Paris, direction des services des renseignements généraux (la suite donnée est inconnue).
Le même 6 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Georges Musset, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’exprime pas son avis mais constate que cet interné est un « communiste certain, mais non actif – il y aurait lieu d’envisager l’astreinte à résidence » (à son domicile), ajoutant à sa décharge : « très correcte ».
Le 6 septembre, Georges Musset est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 13 septembre, il écrit à Henri Boulay, de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), resté à Aincourt, pour donner des nouvelles des transférés : « Le gars Géry est mon voisin comme de juste. […] Bien le bonjour de ma part ainsi que de Denizou » [2].
Le service de censure de l’administration d’Aincourt intercepte cette correspondance à l’arrivée. Le 20 septembre, le commandant du camp communique ces courriers et leurs transcriptions au cabinet du préfet de Seine-et-Oise pour suggérer le laxisme avec lequel est géré le camp de Rouillé : « la population parvient à communiquer avec les détenus », citant la lettre de Georges Musset : « avec cela, une population très sympathique, dont quelques-uns n’hésitent pas à apporter quelques denrées pour nous… ». Le chef de camp poursuit sa comparaison : « 7 internés ont déjà quitté le camp de Rouillé pour l’hôpital de Poitiers. Même lorsque l’effectif du Centre d’Aincourt était de 700 internés, jamais le nombre d’hospitalisés n’a dépassé le chiffre de 3 ». G. Musset précise dans sa lettre qu’ « ils étaient déjà malades depuis longtemps, des copains tuber… ».
Le 22 mai 1942, Georges Musset fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Georges Musset est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45916, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Georges Musset se déclare « coiffeur » ! (Friseur) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Georges Musset.
Il meurt à Auschwitz le 23 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [3] ; la cause mensongère de sa mort mentionnée est « insuffisance du myocarde » (Myocardinsuffizienz).
Le 9 avril 1947, au nom de l’Amicale d’Auschwitz, Lucien Penner, rescapé du convoi, signe une attestation certifiant du décès de Georges Musset à Auschwitz, qu’il estime avoir eu lieu à la fin de l’année 1942.
Déclaré “Mort pour la France” (7-7-1947), Georges Musset est homologué comme “Déporté politique”.
Son nom est inscrit (sans prénom) parmi les déportés sur le Monument aux morts de Nanterre, dans le parc des Anciennes Mairies.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 383 et 415.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Archives municipales de Nanterre.
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, dirigé par Jean Maitron, t. 37, p. 198, citant : Arch. Dép. Seine, D M3, versement 10451/76/1.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris,) ; cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397), camps d’internement… (BA 2374).
Archives de Paris ; registre des matricules militaires, recrutement de Paris, classe 1917, 1er bureau, volume 5501-6000 (D4R1 1966), Musset Georges, matricule n° 5874.
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande” : BA 2397 (liste des internés communistes, 1939-1941) ; BA 2374 (camps d’internement…).
Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w70, 1w74 (révision trimestrielle), 1w80, 1w144 (dossier individuel) ; recherches parallèles de Claude Delesque.
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 137.
Archives départementales de la Vienne ; camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 844.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès (37175/1942).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Georges Musset (21 P 519 428, recherches de Ginette Petiot (message 11-2012).
Site Mémorial GenWeb, 92-Nanterre, relevé de Gilles Gauthier (12-2005).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 18-12-2016)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Saint-Denis et Nanterre : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Géry Dénizou, conseiller municipal communiste de Fresnes, né le 12 janvier 1894 à Eymoutiers (Haute-Vienne), emballeur, marié, deux enfants, déporté le 24 janvier 1943 vers le KL Sachsenhausen, mort en août 1944.
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Georges Musset, c’est le mois de juillet 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.