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Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Joseph, Antoine, Géniés naît le 24 mars 1899 dans la maison Méniel, place du Consulat, à Figeac (Lot), fils de Pierre Henri Géniés, 20 ans, manœuvre carrier, et de Jeanne Louise Verdier, robeuse, 21 ans. Joseph a un frère jumeau, Pierre Jean.

Il a un frère jumeau, Pierre. Lors du recensement de 1901, le père de famille est garçon de salle chez Villa.

Lors du recensement militaire de Joseph et Pierre, la famille est venue habiter au 13 avenue Parmentier à Paris 11e. Joseph commence à travailler comme sculpteur sur pierre, et Pierre comme garçon de café.

Le 19 avril 1918, les deux frères sont simultanément incorporés comme soldats de 2e classe au 26e régiment d’artillerie (R.A.). Le 21 juillet, ils passent ensemble au 22e R.A.

Le 12 novembre, cette unité est désignée pour intégrer la future Armée du Rhin. Le 8 janvier 1919, Joseph passe au 85e R.A. Le 1er novembre 1919, il passe au 32e régiment d’artillerie de campagne. Le 23 mars 1921, les deux frères sont renvoyés dans leurs foyers, titulaires d’un “certificat de bonne conduite”. Mais, le 3 mai suivant, ils sont “rappelés à l’activité” militaire. Joseph est affecté deux jours plus tard au 129e régiment d’artillerie lourde, toujours dans l’Armée du Rhin (occupation de la Ruhr). Tous deux sont définitivement “libérés” le 30 juin suivant.

Le 14 janvier 1922 à Paris 11e, Joseph Géniés se marie avec Marcelle Simonnot, née le 22 avril 1899 à Paris 3e, sténo-dactylo.

Fin septembre 1923, le couple habite au 291 rue de Paris à Montreuil (Seine / Saine-Saint-Denis).

Ils auront quatre enfants : les jumeaux Pierre et Raymond, nés le 14 juin 1923, Colette, née le 28 juillet  1924, tous trois à Paris 6e, et Pascal, né en 1927 à Paris.

Joseph Geniès sera déclaré comme peintre, enduiseur, puis livreur (en 1940 ?).

En 1936, il est domicilié avec sa famille au 8 rue des Tournelles à L’Hay-les-Roses (Seine / Val-de-Marne – 94).

En septembre 1939, il déclare habiter au 138 avenue de Versailles à Thiais (94).

Au moment de son arrestation, Joseph Géniès est domicilié au 12, place Carnot à Choisy-le-Roi [1] (94). Peintre en bâtiment, il est au chômage.

Sous l’occupation, le commissaire de police de la circonscription de Choisy-le-Roi le désigne au service des Renseignements généraux de la préfecture de police comme un « meneur particulièrement actif », et demande son internement.

Le 7 janvier 1941, la police effectue une perquisition à son domicile qui ne donne aucun résultat.
Le 26 juin 1941, Joseph Géniès est appréhendé chez lui par les services du commissariat de police de la circonscription de Choisy. Le préfet de police a signé l’arrêté ordonnant son internement administratif « en application du décret du 18 novembre 1939  ». Mais, en réalité, il est pris dans le cadre d’une vaste opération menée en concertation avec l’occupant. En effet, pendant quelques jours, plusieurs dizaines de militants de Paris et de la “petite couronne” arrêtés dans les mêmes conditions sont aussitôt conduits dans la cour de l’Hôtel (de) Matignon [2], alors désigné comme siège de la Geheime Feldpolizei (GFP), pour y être “mis à la disposition des autorités d’occupation” [3]. Tous sont ensuite regroupés au Fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément du Frontstalag 122 ; considérés comme étant en transit, ils ne sont pas enregistrés sur les registres du camp.

Le lendemain, ils sont conduits à la gare du Bourget et un train les transporte à Compiègne (Oise), où ils sont parmi les premiers internés du camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Polizeihaftlager – extension du Frontstalag 122) [4].

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ; à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8. Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Le quartier “A” de la caserne de Royallieu à Compiègne, futur “camp des communistes” du Frontstalag 122 ;
à droite, sont visibles les bâtiments A4, A5, A6, A7 et A8.
Carte postale des années 1930. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Geniès est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet, Joseph Géniès est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45586 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Joseph Géniès est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.

Il est assigné au Block 15a.

Le 23 septembre 1942, il est admis au Block 20 (contagieux) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I, chambrée (Stube) n° 8. Le 1er octobre, il semble être renvoyé au camp…

Peu avant sa mort, il est admis au Block 28 de l’hôpital des détenus.

Joseph Géniès meurt à Auschwitz le 21 décembre 1942, selon une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, sur laquelle est “listé” le matricule n° 45586.

En 1943, son épouse quitte Choisy pour habiter un appartement au 9, rue Sainte-Anastase, à Paris 3e. Après la guerre (1947) ses enfants auraient travaillé en Alsace.

Notes :

[1] Choisy-le-Roi : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] L’hôtel Matignon, 57 rue de Varenne (Paris 7e) : le 8 septembre 1940, les Renseignements généraux de la préfecture de police constatent la réquisition de l’hôtel pour le bureau de cantonnement des hommes de la police militaire secrète : Geheime Feldpolizei – Dienstelle – Männer-Unterkunft (source : Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, éditions du Seuil, mars 2009, page 268).

[2] L’ “ Aktion Theoderich ” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. Les autorités d’occupation opéreront un tri et certains seront libérés. Mais, fin août, deux cents d’entre eux font déjà partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

[4] Les arrestations de la fin juin 1941 dans le département de la Seine, trois témoignages :
Jean Lyraud (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943). Le 26 juin, à 5 heures du matin, il est réveillé par des policiers français : « Veuillez nous suivre au poste avec une couverture et deux jours de vivres. » Un autobus le prend bientôt avec trois autres personnes arrêtées. Le véhicule fait le tour des commissariats de Montreuil et du 11e arrondissement. Après un crochet à l’hôtel Matignon où les “internés administratifs” sont livrés à l’armée d’occupation, c’est le transport jusqu’au Fort de Romainville où ils passent la nuit dans les casemates transformées en cachots. « Le lendemain 27 juin dans l’après-midi, nous embarquons en gare du Bourget dans des wagons spéciaux pour Compiègne. Nos gardes ont le revolver au poing et le fusil chargé, prêts à faire feu. Dans la soirée nous arrivons au camp. Quelques jours après, d’autres contingents de la région parisienne nous rejoignent. »
Henri Pasdeloup (déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943), cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo qui le conduit à la prison de la ville. Le 27 juin, avec d’autres détenus emmenés à bord de deux cars Citroën, il arrive devant le camp de Royallieu vers 16 h 30 : « À l’arrivée face au camp, nos gardiens nous font descendre. Alignement sur la route, comptages et recomptages. En rangs par trois nous passons les barbelés… À 19 heures, environ 400 prisonniers en provenance de la région parisienne entrent en chantant L’Internationale… Le lendemain 28 juin, réveil à 7 heures : contrôle d’identité, toise, matricule. J’ai le numéro 556. Pour notre groupe de la Meuse, cela va de 542 à 564. Ceux de la région parisienne, bien qu’arrivés après nous, sont immatriculés avant… »
Henri Rollin : « Le 27 juin 1941, vers 6 heures de matin, ma femme et moi nous sommes réveillés par un coup de sonnette. Trois inspecteurs de la police française viennent nous arrêter ; perquisition rapide sans résultat (nous avions la veille au soir distribué les derniers tracts que nous avions). Nous arrivons à l’hôtel Matignon où nous trouvons de nombreux cars et camions, résultat d’une rafle dans toute la région parisienne. Nous sommes remis par la police française aux autorités allemandes. Au moment de ma remise aux Allemands, j’ai aperçu qu’on leur donnait une petite fiche portant mon nom et la mention “communiste”, soulignée à l’encre rouge. Nous subissons un court interrogatoire d’identité… Attente… Vers la fin de l’après-midi, départ en car. Arrivée au fort Romainville, fouille, identité. Départ de Romainville le 1er juillet, au matin, par train spécial et bondé au Bourget, arrivée l’après-midi à Compiègne. Le lendemain, même cérémonie, refouille et identité, ensuite la vie de camp… »

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, page 405.
- Archives départementales du Lot, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Figeac, année 1899 (4 E 1061), acte n°30 (vue 9/26) ; recensement de 1901 (6 M 174), rue du Consulat (vue 12/56), leur nom orthographié « Giniès ».
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site de Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, liste des internés communistes (BA 2397) ; dossier individuel des renseignements généraux (77 W 32-89815).
- Sachso, Amicale d’Orianenburg-Sachsenhausen, Au cœur du système concentrationnaire nazi, Collection Terre Humaine, Minuit/Plon, réédition Pocket, mai 2005, page 36 (sur les arrestations du 26 juin 1941).
- Gérard Bouaziz, La France torturée, collection L’enfer nazi, édité par la FNDIRP, avril 1979, page 262 (sur les arrestations du 27 juin 1941).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du registre du Block 20 (page 33) ; copies de pages du troisième registre clandestin de la morgue (Totenbücher) provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen (26 P 850).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 29-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de laFédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.