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Marcel Nouvian naît le 24 août 1918 à Aubervilliers [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), au domicile de ses parents, Lucien Nouvian, 25 ans, plombier, et Hélène Beaurain, 20 ans. Il a un frère, André, né en 1922.
Le 12 septembre 1936, à Aubervilliers, il épouse Louise Michon, née le le 12 septembre 1918 à Paris 11e, journalière. Ils ont trois enfants : Odette, née le 22 février 1937, Monique, née le 17 mars 1940, et André, né le 17 juin 1941 (huit mois après l’arrestation de son père).
Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée au 19, rue Hemet à Aubervilliers.
Marcel Nouvian est modeleur-mécanicien (en 1936, chez Bordes à Saint-Ouen – 93). Militant du Parti communiste, membre de la section d’Aubervilliers, il participe aux grèves de 1936.
Le 13 novembre 1939, dans la période de mobilisation, il est réformé pour raison de santé et exerce son métier aux établissements Roche Aviation, à la Courneuve (peut-être “affecté spécial” dans l’usine où il travaillait avant-guerre).
Sous l’occupation, il est considéré par les Renseignements Généraux comme un « militant communiste très actif ». Il dirige plusieurs groupes de diffusion de propagande clandestine et les approvisionne en tracts
Le 24 ou le 26 octobre 1940, il est arrêté. La police détient alors des éléments pour engager une poursuite judiciaire.
Le 28 octobre, la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Marcel Nouvian à huit mois d’emprisonnement pour infraction au décret du 26-9-1939 (dissolution et interdiction des organisations communistes). Il est alors écroué à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
À l’expiration de sa peine, il n’est pas relaxé : « Interné administrativement par arrêté de M. le Préfet de Police en date du 19 juin 1941, jour de sa libération de la Maison centrale de Poissy – son lieu d’internement lui a été fixé par M. le Préfet de Seine-et-Oise. » Faute de place au centre de séjour surveillé d’Aincourt, alors saturé, Marcel Nouvian est maintenu en détention à Poissy.
Refusant le fait que son époux ne soit pas libéré après avoir purgé sa condamnation et rappelant qu’il est père de trois très jeunes enfants, Louise Nouvian tente deux démarches auprès des autorités françaises pour obtenir sa libération. Le 2 juillet, elle écrit directement au maréchal Pétain, puis, le 21 septembre, elle s’adresse au « Ministre de l’Intérieur » à « Paris ». Le 14 octobre, le préfet délégué du Ministère de l’intérieur transmet sa requête au préfet de police, lequel estime que « dans les circonstances actuelles (…) la libération de l’intéressé serait inopportune. »
Étant privée du salaire de son époux, Louise Nouvian trouve du travail à la mairie d’Aubervilliers, dans le service qui gère les cartes de ravitaillement. Elle envoie ses deux filles dans une famille d’accueil à la campagne, à Rogny-les-Sept-écluses, sur le canal de Briare (Yonne). Quand son très jeune fils André est un peu plus grand, elle l’envoie rejoindre ses sœurs.
Le 28 novembre 1941, Marcel Nouvian fait partie d’un groupe de neuf internés de Poissy transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Parmi eux, quatre autres futurs “45000” : Alfred Chapat, Raymond Langlois, Pierre Marin et Eugène Thédé.
Le 9 décembre, le préfet de Seine-et-Oise écrit au “Conseiller supérieur d’administration de guerre” de la Feldkommandantur de Saint-Cloud comme suite à ses instructions du 13 novembre, afin de lui transmettre les avis de transfert des neuf hommes.
Le 18 mars 1942, Marcel Nouvian est parmi les treize “jeunes” communistes (tous futurs “45000” sauf André Giraudon, de Bourges, fusillé au Mont-Valérien le 9 mai 1942) « extraits par les autorités allemandes et transférés, pour des raisons qui n’ont pas été indiquées » au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager) ; il y est enregistré sous le matricule n° 3797.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Marcel Nouvian laisse tomber un message de son wagon, indiquant qu’il est « déporté en Allemagne ». Il demande à son épouse de prévenir celle d’Albert Valette, de Malaunay (Seine-Maritime), du départ de son mari.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Marcel Nouvian est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46253 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Marcel Nouvian se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Marcel Nouvian est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Entre le 1er et le 19 novembre, son nom apparaît plusieurs fois sur la liste des détenus de la chambre (Stube) n°3 du Revier de Birkenau (Block n° 8 du secteur BIb) – dont Marcel Colin, Daniel Germa, Albert Faugeron, Marcel Lenglet, Marcel Nonnet, Jean Paupy, Gaston Sansoulet et Georges Vinsous -, qui reçoivent des médicaments (Anisine – un bactéricide -, Eubasin, Bromur, Bolus Alba/Bol blanc…).
Marcel Nouvian meurt à Birkenau le 14 janvier 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].
Le 8 mars 1946, Marceau Lannoy (“45000”), d’Aubervilliers, signe un formulaire de la FNDIRP attestant du décès de Marcel Nouvian. Cette année-là, Louise Nouvian reprend ses trois enfants.
Les 1er et 2 juillet 1949, Jules Rumeaux et Henri Paupy, d’Aubervilliers, signent chacun une attestation de l’engagement de Marcel Nouvian dans la Résistance à leurs côtés. Mais celui-ci n’obtient, à titre posthume, que le statut de déporté politique (carte n° 1101.12117 du 16-7-1954)
Son nom est inscrit sur le Monument aux morts d’Aubervilliers, situé dans le cimetière communal.
Le 17 décembre 1961, le conseil municipal d’Aubervilliers donne son nom à une allée (« M. Nouvian ») de la cité Gabriel Péri (OPHLM) dans laquelle se trouve une école.
Il est déclaré “Mort pour la France”.
La mention “Mort en déportation” est portée sur l’acte de naissance (J.O. du 18-08-1995).
Notes :
[1] Aubervilliers : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Marcel Nouvian, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 421.
Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 22.
André Nouvian, son fils, réponses à un questionnaire et documents (copies du registre des détenus ayant reçu des médicaments à Birkenau, archives du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau (APMAB), Oświęcim, Pologne).
Archives communales d’Aubervilliers : recensement de population de 1936, extrait d’acte de naissance, extrait d’acte de mariage.
Archives de Paris, rôle du greffe du tribunal correctionnel de la Seine, 15 mai-15 novembre 1940, D1u6 5849.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, camps d’internements… (BA 2374), liste des internés communistes (BA 2397).
Archives départementales des Yvelines (78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, cotes 1W76, 1W77.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 868 (2337/1943).
Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
Site Mémorial GenWeb, 93-Aubervilliers, relevé d’Alain Claudeville (2000-2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 2-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.