Moïse Novak naît le 23 août 1887 à Tcherkass ou Cherkessk (Russie), fils de Jacob Novak et de Lüba Weber. Il a trois frères, qui resteront en Russie.
Fin septembre 1908, il arrive à Paris, où il trouve un emploi de casquetier. Il habite au 82 rue Marcadet Paris 18e), puis au 60 rue Vieille du Temple (Paris 3e), dans le quartier du Marais.
En avril ou juillet 1914, il part à Morteau (Doubs).
Le 21 août 1914, à la sous-intendance militaire de Bourg (Ain), âgé de 24 ans, Moïse Novak s’engage volontairement pour la durée de la guerre dans la Légion étrangère. Corrélativement à cet engagement, par application de la loi du 5 août 1914, il demande la nationalité française. Il est affecté au dépôt du 1er régiment étranger à Lyon. Le 6 décembre suivant, à Bordeaux, le bureau du Sceau ouvre un formulaire de demande de naturalisation (« La présente notice ne doit jamais être remise à l’intéressé »). Le 15 juin 1915, il est évacué sur une formation sanitaire inconnue (blessé ?). Le 16 août suivant, il est placé en subsistance au 13e régiment d’artillerie, groupe auto, à Vincennes. Le 24 septembre, à Paris, l’administration ouvre un nouveau formulaire de demande de naturalisation. Le 1er novembre, il passe en subsistance au 85e régiment d’artillerie. Le 24 décembre, il est évacué (?). Il rentre de convalescence le 20 mai 1916.
Le 4 mai 1917, Moïse Novak est affecté en subsistance au dépôt français des troupes russes. Le 16 juin, il est détaché de la 821e batterie du 115e régiment d’artillerie lourd (R.A.L.) auprès de la batterie d’artillerie de la division russe. Le 13 juillet suivant, il est affecté comme brigadier interprète auprès des troupes russes en France. Le 1er mars 1918, il est classé au détachement français n° 5 de la division d’Infanterie russe. Il recevra la plaque d’argent avec cordon de l’ordre de Saint-Stanislas, probablement décernée par le gouvernement provisoire russe (après la révolution bolchevique de 1917).
Il est démobilisé le 25 janvier 1919, s’installant bientôt en hôtel au 100 rue de Turenne à Paris 3e et reprenant son emploi de casquettier.
Le 25 septembre 1919, à la mairie d’arrondissement, Moïse Novak se marie avec Lucienne Savignac, née le 25 avril 1897 à Rochefort-sur-Mer (Charente-Inférieure / Charente-Maritime), sténo-dactylo domiciliée au 13, rue des Beaux-Arts (Paris 6e). Par la suite, ils s’installeront au 98, rue Ordener (Paris 18e).
Le 21 octobre suivant, un nouveau dossier de naturalisation est ouvert à leurs deux noms. Moïse est alors déclaré comme représentant de commerce.
Ils ont un fils, Jean Robert, né le 13 juin 1920 à Paris 14e. Mais Lucienne Novak décède un mois après, le 15 juillet 1920, à l’hôpital Cochin, 123, boulevard de Port-Royal (Paris 14e), probablement des suites de l’accouchement.
Au moment de son arrestation, Moïse Novak est domicilié à Grainville-sur-Odon (14) et se déclare comme ouvrier agricole ; il a probablement été dépossédé de son commerce comme Juif.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Moïse Novak.
On ignore la date de sa mort à Auschwitz ; peut-être le 24 juillet 1942 (à vérifier…).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Grainville-sur-Odon, dans le cimetière à côté de l’église.
Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.
Le nom de Moïse Novak est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
- Inscrit sur le Mur des noms…
Notes :
[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).
Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice de Claudine Cardon-Hamet page 126.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 415.
Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 136 et 138.
Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, pages 115-118, liste p. 246.
Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : naturalisations, sous-série BB/11 (6238), dossier 21820 X 14.
Message de Manuela Wyler (01-2005) : feuille de témoignage remplie par Albert Novak en 1993 pour le Comité français pour Yad Washem.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 21-11-2022)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.