Louis PAUL naît le 15 décembre 1897 à Saint-Samson-la-Poterie (Oise – 60), fils de Louis Paul, né en 1879, ouvrier potier chez M. Briard, et de Marie Derichez, son épouse, née en 1877, domiciliés au 39, route de Beauvais à Dieppe (?).
Pendant un temps, Louis Paul travaille comme charcutier.
Le 19 avril 1918, Louis Paul est incorporé comme soldat de 2e classe au 51e régiment d’infanterie. Le 30 août suivant, il passe au 128e R.I. Le 1er juin 1919, il de nouveau affecté au 51e R.I. Le 21 mars 1921, il est renvoyé dans ses foyers en attendant son passage dans la réserve de l’armée active (prenant effet le 15 avril), titulaire d’un certificat de bonne conduite.
Le 8 novembre 1919 à Breuil-le-Vert (60), Louis Paul épouse Germaine Roger, née le 30 novembre 1900 à Auneuil (60). Lors du recensement de 1921, celle-ci est domiciliée chez ses propres parents, demeurant Grande rue à Giencourt, commune de Breuil-le-Vert, avec leur fils, Robert, né en 1920. Elle est alors ouvrière d’usine à Agnetz (“Gervais Belle Assise”).
Le 27 février 1923, Louis Paul entre à la 3e division de la Compagnie des chemins de fer du Nord. Il est d’abord conducteur Creil (à vérifier…), puis homme d’équipe à Creil. Il est “affilié” à la compagnie l’année suivante, mais “rayé des cadres” à la mi-juillet 1925 pour une raison qui reste à préciser.
En octobre 1922, ils habitent au 4 bis, rue Saint-Lazare à Beauvais, où leur fille Denise naît cette même année.
Lors du recensement de 1926, le couple habite rue Saint-Germer à Giencourt. Louis Paul est alors courtier pour La Semeuse de Paris, rue de la Gare à Creil.
Lors du recensement de 1926, Robert (six ans) n’apparaît plus : décédé ? Louis Paul est alors livreur chez Midard (?) à Clermont (60).
Le 26 janvier 1930, l’armée le classe affecté spécial comme « manœuvre ajustage » à la Société des Forges de Montataire.
Se présentant plusieurs fois aux élections municipales à Breuil-le-Vert sur la liste du Parti communiste, Louis Paul y est élu en 1935.
À partir de 1936, il est responsable CGT aux Forges de Montataire.
En 1938, il est secrétaire au conseil syndical, le plus important du département. Mais, en janvier 1939, en est exclu sous l’accusation de malversations financières.
Du 28 septembre au 1er octobre 1938, il est rappelé à l’activité militaire.
En 1940, il est déchu de son mandat municipal à Breuil-le-Vert pour n’avoir pas renié publiquement son engagement politique.
Après son arrestation, Louis Paul est déclaré comme monteur… et en instance de divorce.
Le 13 septembre 1941, Louis Paul est arrêté puis finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il y est enregistré sous le matricule n° 1588.
Le 20 février 1942, le chef de la Feldkommandantur 580 à Amiens (Somme – 80) – ayant autorité sur lesdépartements de la Somme et de l’Oise – insiste auprès du préfet de l’Oise, Paul Vacquier [1], afin que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour activité communiste demandée à l’administration préfectorale indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement ».
Le 10 mars, le préfet de l’Oise écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes quant à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… »
Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais transmet au préfet de l’Oise soixante-six notices individuelles concernant des individus internés au Frontstalag 122 à Compiègne, dont dix-neuf futurs “45000”. Sur la notice qui le concerne – à la rubrique « Renseignements divers » -, Louis Paul est qualifié de « Militant communiste. A toujours déployé une grande activité politique. »
Le 24 avril, Paul Vacquier transmet à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles concernant les « personnes internées au camp de Compiègne, figurant sur la liste [qui lui a été] communiquée et domiciliées dans le département de l’Oise » qui mentionnent uniquement « des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ». En outre, le préfet demande quelle suite a été réservée aux demandes de libération d’internés français qu’il a présentées dans ses lettres des 14 et 17 avril.
Enfin, le 29 juin, Paul Vacquier écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de soixante-quatre ressortissants de son département – dont Louis Paul – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région », envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Sa démarche ne reçoit pas de réponse.
Le mal est probablement déjà fait : quand elles ont procédé à des arrestations dans l’Oise entre juillet et septembre 1941, les forces d’occupation ne disposaient-elles pas déjà d’informations et d’appréciations transmises par certains services de la police française ? N’en ont-elles pas obtenu d’autres par la suite ? Le préfet craignait la fusillade. Ce sera la déportation.
Entre fin avril et fin juin 1942, Louis Paul est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Louis Paul est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45952 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Louis Paul est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Louis Paul est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Louis Paul est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [2] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août.
Louis Paul y dépérit, malgré la solidarité active de ses camarades “45000”. En décembre, malade, il entre à l’infirmerie du camp.
Louis Paul meurt le 9 janvier 1945 à Flossenbürg.
Le 14 juin 1945, Roger Debarre (“46231”), de l’Aisne, qui l’avait connu à Compiègne et qui avait subit le même trajet en déportation, écrit à Germaine, son épouse, pour lui rapporter les circonstances de sa mort.
Après la Libération, le Conseil municipal de Breuil-le-Vert donne le nom de Louis Paul à une rue de la commune.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Breuil-le-Vert, à l’entrée du cimetière. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-02-1996).
Sa veuve se remarie à Clermont le 31 mai 1947.
Notes :
[1] Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche ensuite à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ le 30 octobre 1942.
[2] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, CD-rom, version 1990-1997, citant : Arch. Dép. Oise, série M, 33 W 8250 – Arch. CGT d’Usinor (Forges de Montataire) – Témoignage de son fils.
Archives départementales de l’Oise, site internet : registres de recensement de Saint-Samson-la-Poterie, année 1906, et de Breuil-le-Vert, année 1921, page 9 (vue 7), année 1926, page 7 (vue 6), et année 1931, page 7 (vue 6) ; registre d’état civil d’Auneuil, année 1900, acte n°84 (vue 387) ; registre des matricules militaires, classe 1915, matricule n° 433.
Centre des archives multirégional SNCF de Béziers, dossiers des personnel, recherches effectuées par Rail & Mémoire.
Archives départementales de l’Oise, Beauvais : Exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes (33W 8253/1) ; Internement administratif (141w 1162).
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346 et 347, 356, 369 et 416.
Site Mémorial GenWeb, 60-Breuil-le-Vert, relevé de Cédric Hoock (2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-09-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.