Gaston, Eugène, Pelletier naît le 24 avril 1908 à Saint-Firmin (Saône-et-Loire), probablement au lieu-dit Les Caillots, fils d’Eugène Pelletier, 29 ans, tailleur de pierre (patron) et de Mariette (Marie) Lauriot, son épouse, 23 ans. Il a – au moins – une sœur, Yvonne, née en 1905 à Saint-Firmin.
En octobre 1913, la famille est installée à Paris, au 37 rue David d’Angers (19e arr.).
Le 16 septembre 1914, le père est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et rejoint le 37e régiment d’artillerie. Peut-être accompagne-t-il auparavant sa famille chez ses propres parents à Saint-Firmin… Le 27 décembre suivant, il est détaché aux Aciéries de Firminy. Le 1er juillet 1917, il passe au 86e régiment d’infanterie. Le 10 février 1919, Eugène Pelletier est envoyé en congé de démobilisation et se retire rue David d’Angers, à Paris.
En 1926, Gaston, 18 ans, vit encore chez ses parents. Il a commencé à travailler comme ébéniste.
Le 24 septembre 1927 à la mairie du 19e, il se marie avec Rachel Yvonne Tabuteau, 22 ans, née le 19 décembre 1904 à Pussay (Seine-et-Oise / Essonne), employée de commerce, domiciliée au 65 rue du Mont-Cenis.
En 1931, le couple habite au 125 rue du Colonel Marchand à Villejuif [1] (Seine / Val-de-Marne – 94) ; Gaston est menuisier chez Citroën. Rachel est employée commerciale chez Poulain.
À partir du 5 octobre 1935, Gaston Pelletier est infirmier à l’Asile d’aliénés de Villejuif (titularisé en juin 1936).
En 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Gaston Pelletier est domicilié au 22, rue Jean-Jaurès à Villejuif.
Cette même année, il adhère au Parti communiste.
Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.
Le 5 janvier 1941, Gaston Pelletier écrit au préfet de la Seine afin que soit versé à son épouse trois mois de son salaire, conformément à la loi du 30 août 1940 et à l’arrêté préfectoral du 31 octobre, car, s’il a été révoqué par le préfet le 15 novembre, sa femme n’a perçu son traitement d’infirmier que comptabilisé jusqu’au 5 décembre.
Le 6 septembre 1941, Gaston Pelletier fait partie d’un groupe de 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, Gaston Pelletier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Gaston Pelletier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45960, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Gaston Pelletier.Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-08-1996).
Notes :
[1] Villejuif et Gentilly : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail”. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés montent dans des camions qui les conduisent à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Témoignage de Dominique Ghelfi (daté 1946), Contre l’oubli, brochure éditée par la mairie de Villejuif en février 1996. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 389 et 410.
Archives départementales de Saône-et-Loire, site internet, archives en ligne : recensement de Saint-Firmin, vue 12/19, Les Caillots, n°5.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) : cartons “occupation allemande” : BA 2214 (communistes fonctionnaires internés…), liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940, par application de la loi du 3-09-1940 ; BA 2397 (liste des internés communistes).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w145 (notice individuelle).
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 142.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 916 (31549/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20-09-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP ( Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.