Pierre, Marcel, Serreau naît le 12 octobre 1906 à Paris 14e, au 25, rue Gazan, fils de Blanche Serreau 32 ans, giletière, domiciliée au 31, rue Saint-Placide, et de père non dénommé. Le 14 septembre 1910, l’enfant est reconnu par René Athanase Peschard, 34 ans, menuisier, domicilié au 26, avenue d’Orléans.
Pendant un temps, Pierre Peschard habite chez ses parents au 136, rue Broca. À l’automne 1930, il loge au 9, rue des Gobelins. Il est devenu menuisier, comme son père.
Le 29 novembre 1930, à la mairie du 13e arrondissement, Pierre Peschard se marie avec Albertine Petitot, née le 19 mars 1905 à Paris 6e, mécanicienne, habitant avec sa mère, veuve, au 42, rue du Château-des-Rentiers.
Le 2 octobre 1931, Pierre Peschard est embauché par une compagnie de chemin de fer qui fusionnera au sein de la SNCF début 1938 [1].Au moment de son arrestation, il est domicilié au 3, passage Vallet [2] à Paris 13e, à l’angle de la rue Pinel. Il est marié.
Pierre Peschard est militant communiste et responsable syndical CGT.
Le début de l’occupation le trouve affecté au chemin de fer de petite ceinture. En août 1940, il fait partie de la soixantaine de militants du 13e arrondissement qui recomposent la section clandestine du PC.
La police française le considère comme un « militant communiste notoire, (ayant) pris une part importante dans le développement de la propagande clandestine ».
Au moment de son arrestation, Pierre Peschard est affecté comme menuisier, aide-ouvrier, aux ateliers SNCF de Saint-Ouen les docks.
Le 28 mai 1941, il est arrêté, inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (propagande communiste clandestine) et conduit avec trois autres militants au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité) à la disposition du procureur de la République.
Le 21 septembre, la section de Paris du Tribunal d’État l’acquitte. Mais il n’est pas libéré : le 23 septembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Pendant un temps, il est détenu au dépôt.
Le 9 octobre 1941, il est parmi les 60 militants communistes (40 détenus venant du dépôt, 20 venant de la caserne des Tourelles) transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne) ; départ gare d’Austerlitz à 8 h 25, arrivée à Rouillé à 18 h 56.
Le 9 février 1942, Marcel Peschard est parmi les cinquante-deux « communistes » (dont trente-six seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marcel Peschard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45971 ; plausible selon les listes reconstituées, ce numéro est également celui d’un détenu enregistré à la morgue à la date de son décès (la photo d’immatriculation correspondant à ce numéro n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Peschard.
Il meurt à Auschwitz le 29 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) et une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée clandestinement par la résistance polonaise interne du camp, sur laquelle est “listé” le matricule n° 45971 [3]. Ce jour-là, sous prétexte d’enrayer une épidémie de typhus dans le camp principal, le nouveau médecin SS de la garnison, Kurt Uhlenbroock, ordonne d’effectuer une sélection dans les Blocks de l’hôpital, notamment le Block 20. 746 détenus atteints du typhus et convalescents sélectionnés dans la cour fermée séparant les Blocks 20 et 21 sont chargés dans deux grands camions bâchés qui les transportent par rotation jusqu’aux chambres à gaz de Birkenau. Il s’agit de la première grande opération d’extermination des détenus malades. La désinfection du Block 20 dure dix jours ; du 29 août au 8 septembre, le registre du Block ne comporte aucune inscription.
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Henri Marti, de Paris 5e, et Auguste Monjauvis, de Paris 13e.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).
Après la guerre, une plaque commémorative est apposée sur le bâtiment où il habitait au moment de son arrestation. À une date restant à préciser, celui-ci a été démoli et la plaque n’a pas été réinstallée sur la façade de l’immeuble qui l’a remplacé.
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
[2] Le passage Vallet : voie classée en 1935, du nom d’un propriétaire.
[3] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Pierre Peschard, c’est 6 novembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 416.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central) – Témoignage d’Auguste Monjauvis et de Henri Marti.
Louis Chaput, Auguste et Lucien Monjauvis (entre autres), Le 13e arrondissement de Paris, du Front Populaire à la Libération, les éditeurs français réunis, Paris 1977, pages 95 et 111.
Comité du 13e arrondissement de l’ANACR, La résistance dans le treizième arrondissement de Paris, imprimé par l’École Estienne en 1977, page 89.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 14e arrondissement, registre des naissances, année 1906 (14N 395), acte n° 8889 (vue 28/31).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 736-27464).
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Auschwitz, camp de concentration et d’extermination (version française), ouvrage collectif sous la direction de Franciszek Piper et Teresa Swiebocka, éd. du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim 1993-1998, p. 175
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 920 (25672/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Service d’information sur les anciens détenus (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : liste de la morgue (« Leichenhalle »).
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de A à Q (0110LM0108).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1162-1163.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.