- Musée de la Résistance
de Blois. Cliché ARMREL.
Isidore, Louis, Petat naît le 18 novembre 1892 à Dun-le-Poëlier (Indre – 36), fils de Henri Petat, 38 ans, vigneron, cultivateur, et de Marie Louise Depins, 28 ans, son épouse. Isidore a un frère plus âgé : Charles, né le 13 juin 1887. Au recensement de 1901, leur père est déclaré comme maçon.
Isidore Petat commence à travailler comme serrurier.
Le 10 octobre 1913, il est incorporé au 1er ou au 14e régiment d’artillerie comme canonnier de 2e classe afin d’y commencer son service militaire.
Il est encore sous les drapeaux quand la guerre est déclarée, début août 1914.
Le 1er juin 1916 – alors passé au 37e RA -, il est cité à l’ordre du régiment : « … excellent soldat ayant constamment fait preuve de dévouement dans ses fonctions de téléphoniste, le 27 mai 1915, la batterie étant très violemment bombardée, s’est porté spontanément à la réfection des lignes ».
Le 20 octobre 1916, il est cité à l’ordre de la 12e Division (3e et 4e groupe du 37e d’artillerie) : « se dépensant sans compter de jour et de nuit malgré des pertes considérables pour donner à l’infanterie du secteur d’attaque l’appui le plus vigilant et le plus efficace ». Le 28 août 1919, il est mis en congé de démobilisation par le 33e RA et se retire à Dun-le-Poëlier.
En décembre 1921, l’armée l’affecte comme réserviste au 1er groupe d’ouvriers d’aviation, pour être employé au magasin d’aviation n° 3 à Romorantin (Loir-et-Cher), où il est peut-être ajusteur de précision.
Entre février 1923 et juin 1929, il habite rue de la Halle à Romorantin.
Le 17 décembre 1930, à Dun-le-Poëlier, âgé de 38 ans, Isidore Petat épouse Anne Louise Senigon, née le 27 mai 1896 à Dun.
Au moment de son arrestation, il est domicilié à Pruniers-en-Sologne, à 6 km de Romorantin ; mais sur son acte de décès est mentionné le 185, faubourg de Blois à Romorantin (nouvelle adresse de sa veuve ?).
Isidore Petat est ouvrier mécanicien dans une « usine d’aviation » (à l’entrepôt de l’armée de l’Air 304 de Pruniers ? à vérifier…).
Le 30 avril 1942, à Romorantin, cinq résistants communistes sont découverts par des soldats allemandsalors qu’ils distribuent des tracts. Armés, ils ne se laissent pas arrêter et blessent les soldats dont l’un succombe à ses blessures. Les mesures de représailles prévoient l’exécution immédiate de dix communistes, Juifs et de proches des auteurs présumés. Vingt autres personnes doivent être exécutées si au bout de huit jours les « malfaiteurs » ne sont pas arrêtés. Des rafles sont opérées dans la ville et dans le département afin de pouvoir « transférer d’autres personnes vers l’Est, dans les camps de travaux forcés. »
Le lendemain 1er mai, Isidore Petat est arrêté par la Feldgendarmerie et la gendarmerie française ; il est pris comme otage avec cinq Romorantinais qui seront déportés avec lui. Il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 11 juin, le préfet du Loir-et-Cher informe le maire Romorantin que « à la suite de ses pressantes interventions, les Autorités Allemandes viennent (de) lui donner l’assurance qu’elles envisageaient la libération de la presque totalité des personnes arrêtées dans le Loir-et-Cher au lendemain de l’agression de Romorantin. »
Entre fin avril et fin juin 1942, Isidore Petat est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Isidore Petat est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45974 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Isidore Petat est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Le 16 juillet, sa famille reçoit l’avis imprimé envoyé par l’administration militaire de Royallieu pour l’informer qu’il a été transféré dans un autre camp et qu’elle sera prévenue ultérieurement de sa nouvelle adresse.
Le 23 juillet, le “Kommandeur” (sic) Westphal, chef de la Sicheirheitspolizei d’Orléans, fait connaître au préfet du Loir-et-Cher, J.F. Bussières, que Moïse Bodin, D. Pesson, G. Crochet. I. Petat et A. Roguet ont été transférés le 6 juillet « en vue de leur emploi comme travailleurs dans un camp en Allemagne », transfert « ordonné par le bureau central de Paris sans qu’un accord ait pu ou ait dû avoir lieu avec les bureaux de Province. De ce fait, les promesses (…) ont été faites dans l’ignorance de ces événements » en même temps qu’était « énoncée l’ordonnance relative à la libération de tous les détenus emprisonnés à la suite de l’attentat de Romorantin. »
Le 31 juillet, le préfet s’adresse au « chef du gouvernement, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur » à Vichy, exprimant qu’il est « d’autant plus regrettable qu’une pareille confusion se soit produite que, pour un certain nombre de personnes envoyées en Allemagne, j’avais reçu l’avis de libération et que je l’avais communiqué à leur famille. Il me semble difficile d’admettre que des otages dont l’arrestation n’a été due qu’au hasard, soient victimes à nouveau par suite du manque de coordination existant entre deux services allemands. Une promesse a été faite. Une ordonnance de libération a été prise. La promesse doit être tenue et l’ordonnance exécutée. C’est pourquoi je vous demande d’intervenir (…) pour que les personnes (…) envoyées dans des camps de travail en Allemagne soient effectivement et définitivement libérées. »
À une date inconnue, Isidore Petat est admis au Block n°20 de l’ “hôpital” des détenus.
Il meurt à Auschwitz-I le 17 novembre 1942, selon un relevé du registre de la morgue d’Auschwitz-I (Leichenhalle) réalisé clandestinement par le groupe de résistance polonais des détenus (n° 16) [1].
Le 6 février 1943, le maire de Romorantin s’adresse au délégué du ministre de l’Intérieur dans les territoires occupés, Jean-Pierre Ingrand, pour demander que soit recherché le camp d’Allemagne où « résident » les six Romorantinais déportés en juillet.
Le 20 décembre 1943, le préfet informe le maire de Romorantin de ses démarches « afin que les familles des otages déportés en Allemagne (…) puissent avoir des nouvelles de leurs parents » et de la réponse du SD d’Orléans : « les otages de Romorantin ont été conduits dans un camp Allemand où la correspondance entre détenus et leurs parents est interdite. » Le préfet assure « que cette affaire n’est pas perdue de vue et que, tant sur le plan local que national, toute occasion est mise à profit pour tenter de nouvelles démarches et essayer de mettre fin à cette pénible situation. »
Isidore Petat est déclaré “mort pour la France” (13-06-1946).
Son nom est inscrit sur les Monuments aux morts de Romorantin-Lantenay, situés quai de l’île Marin et dans le vieux cimetière.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).
Sa veuve décède à Romorantin-Lanthenay le 3 octobre 1980.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 364 et 416.
Archives départementales de l’Indre (AD36), site internet, archives en ligne : registre matricules du recrutement militaire, classe 1912, bureau de Châteauroux (R 2465), matricule 1379 (vue 592/789).
Mémorial de la déportation politique dans l’Indre, FNDIRP.
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : XLIII-89 (télégramme non daté du Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), signé par Carl Heinrich von Stülpnagel.
Archives communales de Romorantin (acte de décès, correspondance du maire et du préfet, listes…).
Archives départementales du Loir-et-Cher, fiche d’arrestation d’Isidore Petat, dossier 889 (cote 1375 W 64), fichier alphabétique des déportés du CRSGM (cote 56 J 5).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; Totenbucher (registre de la morgue).
Site Mémorial GenWeb, 41-Romorantin, relevés de Sandrine-Fleur Curtil (2002) et Éric Reimond (08-2006).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 25-11-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
Concernant Isidore Petat, c’est le 15 octobre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès.
Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.