Entre fin avril et fin juin 1942, François Poirier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, François Poirier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45997 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, François Poirier est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal, auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. En effet, il est successivement admis dans les Blocks 20 et 28 de l’hôpital d’Auschwitz-I [2].
François Poirier meurt à Auschwitz le 13 novembre 1942, selon un ou deux registres du camp (à vérifier…).
Le 25 janvier 1948, le mariage de François Poirier d’avec sa veuve est dissous par un jugement de divorce prononcé par le tribunal civil de Vire (sic).
Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.
Le nom de François Poirier est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
Notes :
[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).
Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés, au Mont-Valérien (Seine / Hauts-de-Seine) pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).
[2] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’associationMémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 128.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 417.
Jean Quellien (1992), sur le site non officiel de Beaucoudray, peut-être extrait de son livre Résistance et sabotages en Normandie, publié pour la première fois en 1992 aux éditions Charles Corlet.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20-06-2022)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.